Lorsqu’on entre dans un magasin Action, on ne sait jamais avec quoi on va en ressortir. Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’il est difficile d’en revenir les mains vides. Vous venez pour acheter du liquide vaisselle ? Il vous faudra avant de l’atteindre passer par le rayon papeterie, puis la décoration, le jardinage, le petit électronique… Et avant de rejoindre la caisse, vous traverserez celui dédié aux animaux, l’hygiène puis les jeux pour enfants. La tentation de remplir son panier de petites babioles en tout genre est d’autant plus grande que le prix moyen des produits proposés est de 2,20 € et que plus de 1 700 produits sont à moins de 1 €, selon les données indiquées par Wouter de Backer, directeur général d’Action France.
Mais il n’y a pas que les prix qui attirent la clientèle. « C’est une combinaison de trois types de produits. D’abord, ceux issus de déstockages : des produits provenant de stocks de marques très connues vendus à des prix beaucoup plus bas que dans d’autres magasins. Action a également ses marques propres (73 en plus des 400 autres marques déjà présentes dans ses rayons, N.D.L.R.) et met aussi en vente certains produits sur un temps limité », énumère Marc Vanhuele, professeur de marketing et directeur délégué de HEC Paris.
La France est le premier marché d’Action
Chez Action, deux tiers des 6 000 références qui composent les 14 catégories de produits (qui ne comprennent pas de produits alimentaires frais) disponibles à la vente, sont régulièrement renouvelés. « 150 nouveautés sont proposées chaque semaine », dans l’ensemble des magasins de l’enseigne, précise Wouter de Backer. « Cela devient un peu une chasse au trésor. D’autant plus, qu’Action a lancé une application fin 2022 qui prévient les clients de l’arrivée de nouveaux produits en magasin. Tout est fait pour encourager les clients à revenir », assure Marc Vanhuele.
Cette stratégie fonctionne visiblement très bien : en 2022, l’enseigne a enregistré une croissance à périmètre constant de ses ventes de 18 % par rapport à 2021 (et un bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement de 1,205 million d’euros). De bons résultats portés notamment par des pays comme la France, qui représente le premier marché de l’enseigne avec plus de 730 magasins implantés depuis 2012. Action est d’ailleurs devenu en 2023 l’enseigne préférée des Français tous secteurs confondus, selon l’étude réalisée par le cabinet EY-Parthenon. D’après l’enseigne, un Français sur trois s’est rendu au moins une fois en 2022 dans un de ses magasins.
Une méthode bien rodée
La clé de ce succès repose sur un modèle de développement très standardisé. Tous les magasins se ressemblent, que vous soyez en France, en Pologne, en Allemagne, en Espagne, vous y retrouverez la même organisation architecturale, c’est-à-dire de simples rayonnages alignés le long de murs blancs, et la même offre de produits.
« La surface fait toujours plus ou moins 1 000 m2. Le choix de localisation, lui, s’effectue en fonction du nombre de ménages présents dans une zone de chalandise hors des centres-villes, et le nombre de kilomètres qu’ils ont à parcourir en voiture pour atteindre le magasin », insiste Marc Vanhuele. Une fois l’emplacement trouvé, en France souvent dans des espaces de zones commerciales abandonnés par d’autres enseignes, Action assure pouvoir ouvrir un magasin en 5 semaines seulement.
Si Action est aussi efficace, c’est qu’avant de se déployer comme aujourd’hui dans 11 pays d’Europe, l’enseigne a passé plusieurs années à peaufiner son concept dans le pays qui l’a vu naître il y a 30 ans : les Pays-Bas. « Action devait alors faire face à la concurrence féroce de deux autres enseignes hollandaises : Hema et Blokker. Toutes les villes de plus de 10 000 habitants du pays étaient couvertes par ces trois-là. C’est dans ce contexte qu’Action a pris 10-15 ans pour développer sa formule avant de s’exporter en Europe avec une grande discipline, pays par pays », relève Marc Vanhuele.
Standardisation et gros volumes
Cette standardisation des procédés et la taille qu’Action a aujourd’hui atteinte (2 311 magasins en tout en Europe), lui permettent d’acheter de gros volumes et surtout de négocier les prix. « À part pour les quelques produits en marque propre, les clients d’Action n’ont pas d’attente précise. Action a la liberté de choisir les produits en fonction des prix et moins de la demande des consommateurs », assure le professeur de marketing. Par ailleurs, 50 % des produits présents dans ses rayonnages proviennent d’Asie, l’autre moitié est produite en Europe (Pologne, France, Pays-Bas, etc.).
L’enseigne a également développé ses propres camions, qui font le lien entre ses centres de distribution et ses magasins (en France, Action compte 4 centres de distribution et 2 hubs). « Leur flotte personnalisée est un bon exemple de ce qu’ils ont appris en se développant dans un premier temps aux Pays-Bas. Elle montre également l’ampleur qu’a pris Action en quelques années, car ce n’est qu’en atteignant une certaine taille que l’on peut se permettre de créer des camions avec des capacités de stockage adaptées à leurs magasins. »
Pour durer, Action cherche aussi à évoluer. Un pilote de vente en ligne sur un nombre limité de références est actuellement en phase de développement aux Pays-Bas et bientôt en Belgique. « Mais à ce stade, il n’est pas prévu d’avoir de la vente en ligne en France. Les magasins font partie de notre concept et les Français y sont attachés », appuie le directeur général de l’enseigne dans l’Hexagone.
Là où Action souhaite se distinguer, c’est par son action RSE (la responsabilité sociétale des entreprises). De nombreux audits de son impact environnemental et sociétal sont accessibles sur son site internet. 11 labels bio, équitable, etc., ont été introduits dans ses assortiments de produits. « L’enseigne a compris qu’il s’agissait d’une réelle attente de l’ensemble de la société et qu’une forte pression sur les prix peut amener à des dérives côté fournisseurs, ce qui pourrait ternir son image », avance Marc Vanhuele. Action espère ainsi entretenir son slogan « Petits prix, grands sourires » encore longtemps.
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