Cet article est extrait de notre hors-série consacré à l'amour. À retrouver en kiosque.
Bienvenue chez les Ch’tis. Intouchables. Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. Les Visiteurs… Dans le top des films les plus populaires de tous les temps du le cinéma français, pas un seul film d’amour.
En fait, en nombre absolu de places vendues, pas un seul film sentimental n’accède au top 100 des longs-métrages les plus vus en France, selon AlloCiné.
« En France, beaucoup de films d’amour n’en sont pas vraiment », regrette Didier Courtois Duverger, « banquier du 7e art » qui a financé plus de 4 000 films en une quarantaine d’années. « L’amour n’est pas vraiment le sujet de ces films : ce sont les relations entre les gens, avec la société, la mise en scène, le jeu des acteurs… Des vrais feel good movies français, il n’y en a pas beaucoup. »
Matthias Weber, gérant et producteur pour la société 2425 Films, est du même avis : « Les comédies romantiques ne sont pas à la mode. C’est dommage, d’ailleurs. »
Les « rom coms » sont depuis plusieurs années en berne. En 2007, aux États-Unis, 35 étaient à l’affiche… contre seulement 15 en 2018, selon le cabinet spécialisé The Numbers. En 2015, un sondage CSA listait les comédies romantiques en quatrième position des genres préférés des Français – loin derrière les comédies et les films d’action.
« En France, on a beaucoup de comédies tout court, mais pas tant que ça de comédies romantiques à l’anglaise, style Pretty Woman ou Quatre mariages et un enterrement », note-t-on au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

La check-list « amour, amitié, vengeance »
Les Français préfèrent-ils éprouver de l’amour plutôt que le vivre par procuration au cinéma ? Pas si simple. Bienvenue chez les Ch’tis, Intouchables ou Titanic ont en commun plus que leur popularité : leurs scripts parlent tous (un peu) d’amour !

En 1997, la chercheuse américaine Nancy Signorelli notait qu’un tiers des personnages féminins dans les films étaient motivés par le désir d’une relation romantique. L’amour romantique, paternel, fraternel, platonique, est présent dans la majorité des scripts.
« Les professionnels du cinéma qui travaillent pour de grandes structures établies essaient de s’inventer des recettes », explique Thomas Paris, chercheur spécialiste des industries créatives. « De manière naturelle, ils ont sans doute essayé de comprendre le succès des films passés et se sont dit qu’il était essentiel d’inclure dans les scripts une histoire d’amour, une rencontre forte entre deux personnages. »
Le succès de ces « recettes » est bien sûr à relativiser, mais on ne risque rien à glisser un peu d’amour dans son script avant de le proposer à un producteur, comme le recommandent de nombreux guides d’aide à l’écriture de scénario. « L’amour fait partie des choses qui dépendent peu des différences culturelles, théorise Thomas Paris. Il permet d’offrir le film au public le plus large possible. »
Un critère très important lorsque l’on prévoit de distribuer un long-métrage à l’étranger, mais également de capter l’attention des ados, des adultes et des personnes âgées. « Les gros films ont sans doute une check-list : amour, amitié, vengeance, qui sont les sentiments les plus universels. »
« Je pense qu’il est important qu’un film ne laisse pas froid. L’amour permet de l’émotion, de l’identification, du conflit. Trois moteurs d’un bon scénario », acquiesce le producteur Matthias Weber.
En revanche, il indique ne jamais requérir, spécifiquement, de romance à ses auteurs. Tout comme Marc-Antoine Robert, directeur général et producteur chez 2.4.7. films. « Nous n’imposons rien aux auteurs ! La “romance” est simplement une émotion que nous aimons tous partager dans la vie et au cinéma. »
La science-fiction cartonne en sortie de crise
Cette année, le CNC met à l’honneur les comédies romantiques dans le cadre de son appel à projet bisannuel. À la clé, un soutien composé d’aides publiques à la production du film. « Tous les deux ans, on met en avant un genre dont on estime qu’il a besoin d’un petit coup de pouce », nous précise-t-on.
Déjà aidées par l’appétence des utilisateurs de plateformes pour le genre – la série The Kissing Booth a fait un carton sur Netflix –, les comédies romantiques pourraient bien profiter… de la crise.
Selon les chercheurs Paul D. Berger et Moynihan Kelly, la popularité d’un genre de film dépend des conditions économiques du pays où il est projeté.
Les comédies et les drames sont par exemple plus populaires lorsque l’économie ralentit, et les films de science-fiction cartonnent quand la conjoncture s’améliore.
« En ce moment, estime Dider Courtois Duverger, les producteurs se disent que pour faire sortir les spectateurs de chez eux, il leur faut la promesse de passer une bonne soirée. Ils en ont marre de la pandémie, marre de la crise… Ils recherchent des comédies, des feel good movies ! ». De quoi relancer la mode des comédies romantiques ?