Toutes ces sommes représentent les sacrifices consentis par la collectivité pour sauver des vies. Accorder autant de valeur à la vie humaine est un évènement majeur dans l’histoire de l’humanité.
Les compagnies d’assurance, dont le métier est d’assurer la vie et les biens de leurs clients, sont au défi. Elles vont devoir, elles aussi, faire preuve de plus de générosité qu’auparavant. Et de plus d’ambition.
« Le Covid-19 n’a pas l’ampleur de la grippe espagnole qui a provoqué des millions de morts en 1918 et 1919, il est exagéré de prétendre qu’on ne peut pas l’assurer », martèle Romain Durand, responsable des opérations vie chez le réassureur Barents Re.
L’assurance, miroir des inégalités
Comment assurer un être humain ? En réalité, « le client d’une compagnie d’assurances détermine lui-même la valeur qu’il attribue à sa vie lorsqu’il choisit par exemple le montant du capital qui sera versé à ses proches après son décès », considère Romain Durand.
Certes, les produits d’assurance se fondent sur l’espérance de vie et la probabilité de décès de chacun. Mais au fond, « quand un avion s’écrase, ce qui fait la différence entre le capital que recevra la famille de chaque passager, riche ou pauvre, c’est le montant de la couverture d’assurance que chacun d’eux a souscrite », explique Rachid Ait-Mansour, partner chez Actuaires & Associés. L’assurance est en quelque sorte un miroir des inégalités.
« En France, le Code civil prévoit la non patrimonialité du corps humain », rappelle Maître Yamina Buzier-Ouertani, avocate-conseil et partenaire de l’association Hello Victimes. En clair, la vie ne peut pas être considérée comme une vulgaire marchandise.
En revanche, les séquelles d’un dommage corporel (accident de la route, du sport…) doivent pouvoir être évaluées car, dans nombre de pays, ces dommages doivent faire l’objet de réparations. Mais les négociations sont rudes. Selon l’avocate, « 90 % des dossiers ne sont réglés « à l’amiable » qu’après de difficiles bras de fer et tous les autres vont au procès ».
Un accident à 80 000 euros
Faute d’expertise contradictoire, il arrive que l’assuré n’obtienne pas ce à quoi il a droit.
Maître Yamina Buzier-Ouertani se souvient d’une cliente universitaire, âgée d’une quarantaine d’années, qui avait été percutée au ski par un enfant, puis hospitalisée. La jeune femme a obtenu dans un premier temps 10 000 euros de provisions pour des blessures à la hanche et au genou.
Il a ensuite fallu batailler pour faire reconnaître la gravité des lésions physiques et psychiques et la perte du futur emploi plus rémunérateur qu’elle devait occuper. L’indemnisation a finalement atteint 80 000 euros !
De grandes inégalités de traitements par les assurances demeurent, en fonction des circonstances. Exemple : un traumatisme claviculaire peut être indemnisé 50 000 euros s’il s’agit d’un accident de la route, mais 35 000 euros s’il s’agit d’un accident médical.
L’âge et l’état de santé de la victime peuvent jouer. Ce fut le cas d’un cantonnier en fin de carrière que Yamina Buzier-Ouertani a défendu. La rupture de sa coiffe humérale a été diagnostiquée comme résultant de l’âge et non pas de l’accident qu’il avait subi. Le dossier a dû être porté devant les tribunaux.
Difficile de toujours respecter la législation qui exige en théorie la « réparation intégrale » des préjudices. Philosophe, Romain Durand rappelle que « le principe de la réparation d’un dommage représente tout de même un progrès gigantesque par rapport à la loi du Talion ».