Avec la pandémie du coronavirus, la santé des populations semble avoir pris le pas sur toute autre considération.
Partout dans le monde, les États vont devoir dépenser des milliers de milliards d’euros pour relancer l’économie, gelée durant le confinement, afin d’indemniser des millions de chômeurs et soigner les nombreux malades.
Indemnité
Compensation financière destinée à réparer un dommage. Indemnisation, dédommagement et réparation sont synonymes. Ils peuvent concerner un dommage corporel, moral ou patrimonial.
Toutes ces sommes représentent les sacrifices consentis par la collectivité pour sauver des vies. Accorder autant de valeur à la vie humaine est un évènement majeur dans l’histoire de l’humanité.
De la complexe indemnisation des victimes d'attentats
Les compagnies d’assurance, dont le métier est d’assurer la vie et les biens de leurs clients, sont au défi. Elles vont devoir, elles aussi, faire preuve de plus de générosité qu’auparavant. Et de plus d’ambition.
Les compagnies d’assurance, dont le métier est d’assurer la vie et les biens de leurs clients, sont au défi. Elles vont devoir, elles aussi, faire preuve de plus de générosité qu’auparavant. Et de plus d’ambition.
« Le Covid-19 n’a pas l’ampleur de la grippe espagnole qui a provoqué des millions de morts en 1918 et 1919, il est exagéré de prétendre qu’on ne peut pas l’assurer », martèle Romain Durand, responsable des opérations vie chez le réassureur Barents Re.
L’assurance, miroir des inégalités
Comment assurer un être humain ? En réalité, « le client d’une compagnie d’assurances détermine lui-même la valeur qu’il attribue à sa vie lorsqu’il choisit par exemple le montant du capital qui sera versé à ses proches après son décès », considère Romain Durand.
Certes, les produits d’assurance se fondent sur l’espérance de vie et la probabilité de décès de chacun. Mais au fond, « quand un avion s’écrase, ce qui fait la différence entre le capital que recevra la famille de chaque passager, riche ou pauvre, c’est le montant de la couverture d’assurance que chacun d’eux a souscrite », explique Rachid Ait-Mansour, partner chez Actuaires & Associés. L’assurance est en quelque sorte un miroir des inégalités.
La vie n'a pas la même valeur selon le pays... et la cause du décès

L’OCDE a recensé les 881 estimations de la Valeur statistique d’une vie (VSV) réalisées dans 38 pays de 1995 à 2008. Chaque prix de la vie humaine est évalué dans le cadre d’un risque spécifique lié à l’environnement, à la santé ou aux transports ; il permet d’établir des seuils efficaces de dépenses publiques pour limiter ces risques. Une valorisation faible restreint la propension à investir pour réduire le risque.
* Date de collection des données (seules les études de l’année la plus récente ont été retenues).
Valeur de la vie statistique (VVS)
Montant qu’une société est prête à payer pour réduire l’exposition au risque de chacun de ses membres (ou qu'une personne pour elle-même) .Transposer la valeur d'une vie humaine en monnaie se heurte à des tabous sur la mort et l'argent mais permet d'évaluer l'efficacité des politiques de prévention. D’un point de vue statistique, la valeur d’une vie humaine peut être évaluée en terme monétaire (prévention des risques, assurance, etc.), au moyen du coût marginal des mesures de prévention.
« En France, le Code civil prévoit la non patrimonialité du corps humain », rappelle Maître Yamina Buzier-Ouertani, avocate-conseil et partenaire de l’association Hello Victimes. En clair, la vie ne peut pas être considérée comme une vulgaire marchandise.
En revanche, les séquelles d’un dommage corporel (accident de la route, du sport…) doivent pouvoir être évaluées car, dans nombre de pays, ces dommages doivent faire l’objet de réparations. Mais les négociations sont rudes. Selon l’avocate, « 90 % des dossiers ne sont réglés « à l’amiable » qu’après de difficiles bras de fer et tous les autres vont au procès ».
Un accident à 80 000 euros
Faute d’expertise contradictoire, il arrive que l’assuré n’obtienne pas ce à quoi il a droit.
Maître Yamina Buzier-Ouertani se souvient d’une cliente universitaire, âgée d’une quarantaine d’années, qui avait été percutée au ski par un enfant, puis hospitalisée. La jeune femme a obtenu dans un premier temps 10 000 euros de provisions pour des blessures à la hanche et au genou.
Il a ensuite fallu batailler pour faire reconnaître la gravité des lésions physiques et psychiques et la perte du futur emploi plus rémunérateur qu’elle devait occuper. L’indemnisation a finalement atteint 80 000 euros !
De grandes inégalités de traitements par les assurances demeurent, en fonction des circonstances. Exemple : un traumatisme claviculaire peut être indemnisé 50 000 euros s’il s’agit d’un accident de la route, mais 35 000 euros s’il s’agit d’un accident médical.
L’âge et l’état de santé de la victime peuvent jouer. Ce fut le cas d’un cantonnier en fin de carrière que Yamina Buzier-Ouertani a défendu. La rupture de sa coiffe humérale a été diagnostiquée comme résultant de l’âge et non pas de l’accident qu’il avait subi. Le dossier a dû être porté devant les tribunaux.
Difficile de toujours respecter la législation qui exige en théorie la « réparation intégrale » des préjudices. Philosophe, Romain Durand rappelle que « le principe de la réparation d’un dommage représente tout de même un progrès gigantesque par rapport à la loi du Talion ».
Le corps humain n’est pas un patrimoine
La non-patrimonialité du corps humain est la conséquence du principe de dignité de la personne, qui traduit le principe plus général d’indisponibilité du corps. Un droit patrimonial est évaluable en argent et constitue une valeur pécuniaire, partie du patrimoine de la personne.
Le principe de non-patrimonialité s’inscrit donc dans une approche éthique refusant la « commercialisation du corps » (avis n°21 du Comité national consultatif d’éthique, 1990). Le corps et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un commerce, d’un négoce.