Pop Éco : Quand Pour l'Éco décrypte par la pop culture un sujet économique. Ici la richesse et sa relation au bonheur.
« Vous devez bien comprendre, Madame Guerbette, que ce qui vous arrive est à la fois une grande chance et un grand malheur. Vous allez devoir vous méfier. »
À peine arrivée au siège de L’Européenne des jeux, Jocelyne Guerbette (jouée par Mathilde Seigner), mercière à Arras et détentrice depuis peu d’un chèque de 18 millions, est avertie par la psychologue de l’entreprise.
« Quand on a de l’argent, on vous aime. La maman d’un myopathe vous enverra une vidéo bouleversante de son petit qui tombe dans l’escalier et vous demandera de l’argent pour installer un ascenseur. » Jocelyne répond, mi-amusée, mi-caustique : « Y’en a quand même qu’ont survécu, hein ? ».
Changer la vie
Ce gain immense et soudain, la commerçante d’Arras ne l’a pas désiré. Elle a joué au comptoir d’un café, à moitié contrainte par ses amies esthéticiennes qui rêvent, elles, du gros lot pour changer d’existence : « Je ne vais pas arracher des poils toute ma vie. Je vise plus haut. » Ses acolytes de jeux sont perplexes devant son envie de poursuivre sa vie actuelle.
« Tu ne changerais rien, toi ? Tu garderais ta mercerie ? Tu plaisantes. Tu achèterais une villa au bord de la mer et tu ne nous adresserais plus la parole. On ne serait plus assez bien pour toi. »
Quid du mérite ?
Et pourtant, elle est heureuse de sa vie, construite patiemment avec son mari (incarné par Marc Lavoine). Son commerce tourne bien et le blog qu’elle vient de lancer pour échanger avec ses clientes, cartonne.
Son carnet, où elle s’épanche sur ses envies après avoir gagné, est plein de souhaits modestes : « Une lampe pour l’entrée, un portemanteau perroquet, un économe. L’intégrale James Bond en DVD pour Jo. » Elle s’amuse elle-même de sa liste « quand on a 18 millions ».
À son mari, elle rappelle combien elle est fière des efforts consentis pour se construire cette vie : « On s’est donné tellement de mal […]. Tu as fait l’électricité, le chauffage, les placards, le parquet… Pendant deux ans, on n’a pas eu de meubles, à part le lit. On était bien chez nous. On l’avait mérité. Ça, ça n’a pas de prix. Je ne veux rien d’autre que ça. »
Mais monsieur, lui, n’est pas satisfait de son quotidien. Ouvrier, debout à cinq heures du matin, il ne supporte pas l’idée que sa vie de couple change aussi peu malgré cette fortune tombée du ciel. « Dix-huit millions et on ne change rien ? Six cent cinquante ans à l’usine pour gagner ça. Tu crois vraiment que je l’aime à ce point-là, mon boulot ? ». Il vole le chèque, s’enfuit et dépense sans compter, tentant de s’offrir ce qu’il pense être le bonheur.
« J’ai commencé à m’acheter tout ce que je pouvais, des tas de montres, un Cayenne, j’ai mangé dans des restaurants chics. J’ai dragué des filles pas compliquées, du genre qu’on paye. »
Mais… il revient, un an plus tard, sonner à la porte de leur maison. « J’ai beaucoup payé et je n’ai pas eu beaucoup de plaisir. Je veux retrouver ce que j’ai perdu. Est-ce que je peux rentrer ? » Jocelyne lui ferme la porte au nez. Cet argent tombé du ciel aura finalement anéanti ses rêves de bonheur simple.
Photo : © Chabraque & Ryoan.