Science Politique

Dans L'Exercice de l'État, l'influence des groupes privés sous l'œil de la caméra

Dans ce film politique de Pierre Schoeller,  un ministre des Transports se voit contraint de vendre une réforme de libéralisation des gares pour complaire à un grand groupe français privé.

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© Diaphana Distribution.

Pop Éco : Quand Pour l'Éco décrypte par la pop culture un sujet économique. Ici, l'influence des entreprises privées sur la gouvernance de l'appareil étatique.

« Fantôme. Loufiat [garçon de café populaire – ici, larbin, NDLR]. On amuse la galerie avec nos réformes structurelles et nos lois. Tu sais très bien comme moi que deux décrets sur trois sont étouffés dans l’œuf. Et quand bien même l’un passe au travers, il lui reste quoi à vivre ? Un petit amendement par-ci, une petite censure au Conseil d’État par là… ».

Ce cynique, c’est le ministre démissionnaire du Budget (François Vincentelli). Avant l’annonce de son départ pour Vinci, il se rend chez le directeur de cabinet du ministre des Transports (Michel Blanc). Face à l’impassibilité de son ancien camarade de l’École nationale de l'administration (ENA) qui le regarde avec dédain, il s’emporte :

 Tu penses que je me trompe de combat ? Que je trahis la cause ? Que je trahis le public ? Que je suis séduit par les chimères du privé ? L’État est devenu une misère, une vieille godasse qui prend l’eau de partout. Il n’y a plus d’argent, plus de puissance.

— Il nous reste quelques prérogatives, répond sèchement l’inflexible serviteur de l’État.

— Oui, oui, du pouvoir, il y en a. Regarde ici. Mais c’est quoi du pouvoir sans la puissance d’agir ? Qu’est-ce que ça crée comme légitimité ? Cette question me hante.

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Pantouflage et impuissance de l'État

Imperturbable, le loyal « dircab » lui sert un imparfait méprisant… « Dans notre promo, c’est toi qui avais le plus de talent… ».

Difficile de masquer son profond dégoût face au « pantouflage » (passage au privé) du haut fonctionnaire, qui n’a rien d’anodin. Le gouvernement français souhaite en effet mener un plan de privatisation des gares et l’entreprise du bâtiment est déjà prête à en récupérer la gestion. 

Le conflit d’intérêts est indéniable. « Je prends Vinci, on crée une filiale à capital mixte, on veut les gares, on les aura, point barre. Tu n’as plus que quelques heures pour convaincre ton patron de réformer le statut des gares, sinon on vous dégagera. La messe est dite. »

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L’État n’est pas simplement affaibli par la puissance des intérêts privés. La dépossession du politique au profit de l’échelon européen en prend aussi pour son grade, rappelant l’actualité bien réelle du rail. « Il n’y aura pas de privatisation des gares avant 2024 », assure le ministre des Transports (Olivier Gourmet) au téléphone à son directeur de cabinet. « Après, on y passera tous avec l’Europe. Mais ce sera l’opposition qui s’y cassera les dents. »

Making-of

Olivier Gourmet en ambitieux ministre des Transports et Michel Blanc en serviteur zélé de l’État campent leurs rôles à merveille. Plusieurs scènes (un déplacement politique sur le lieu d’un accident de car mortel, un dialogue d’énarques sur le rôle de l’État…) sont des bijoux de finesse et d’intelligence. À voir, donc.

Crédits photo : Diaphana Distribution.

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