Economie
Taxis et VTC. De la concurrence violente aux accords commerciaux.
Depuis 2011, les plateformes de VTC se sont multipliées dans l’Hexagone. Cette nouvelle arrivée sur le marché a fait naître des tensions avec les taxis, entre contestations et manifestations. Aujourd’hui, une autre mesure divise les deux principaux acteurs : la présence de taxis indépendants sur trois applications de VTC : Uber, Free Now et Bolt. Intérêts économiques et gestion de la concurrence représentent les vecteurs de cette course sans fin.
Marion Allard-Latour
© Romain BEURRIER/REA
L’essentiel
- Uber France a annoncé dans un communiqué publié le 11 octobre l’arrivée de l’option Uber Taxi dans son application à Paris. Les consommateurs ont désormais le choix de commander sur l’application un taxi ou un VTC, selon les prix proposés.
- L’ouverture des plateformes de VTC aux taxis indépendants marque un tournant dans la relation entre les deux parties, après des années de concurrence brutale, marquées par des épisodes violents entre chauffeurs.
- Cela ouvre la voie à une possible harmonisation du marché, même si à l’heure actuelle les taxis ayant rejoint les plateformes de VTC sont minoritaires (500 chez Uber et respectivement 700 et 1 000 pour Bolt et Free Now)
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La fin de la guerre entre taxis et VTC aura-t-elle lieu ? Uber et Free Now sont les premiers à avoir pris l’initiative d’ouvrir leurs services aux taxis indépendants. Une décision peu appréciée du côté de l’Union Nationale des Taxis, l’une des principales fédérations du pays.
« Cette l’ouverture ? Ça n’est pas la première fois qu’ils essaient de faire les yeux doux à notre profession », explique Rachid Boudjema, président de l’UNT. « Quel serait l’avantage pour nous de rejoindre une application qui ne nous apporte rien ? La voie publique nous est ouverte et les taxis ont leurs propres plateformes », poursuit-il.
Benjamin Giovanni, directeur commercial de France Free Now for business, parle-lui de « création de synergies entre les services. » « Notre objectif est que VTC et taxis profitent de la même base de clients. Cela représente un véritable levier de croissance. » Il prône aussi la simplification pour l’utilisateur, qui a désormais la possibilité de se connecter à une seule application.
Chez Bolt, entreprise estonienne établie en France en 2017, l’équipe travaille depuis plusieurs mois à l’intégration de taxis en son sein. Sa mise en service est récente, puisqu’elle date du 20 octobre dernier.
Deux raisons ont poussé les responsables de Bolt à se lancer dans l’aventure : « dans les grandes villes françaises, la demande est plus importante que l’offre, notamment depuis la crise du Covid. Le nombre de chauffeurs VTC a diminué et le délai entre l’examen et la réception de la carte professionnelle est d’un an environ. Ensuite, les taxis et les VTC ne répondent pas aux mêmes besoins. Les taxis peuvent prendre les voies de bus et aller plus vite pour se rendre à l’aéroport par exemple », complète Julien Mouyeket, directeur général de Bolt. « Actuellement, les prix moyens d’une course VTC et d'une course taxi se rapprochent de plus en plus. Structurellement, il existe encore des différences mais nous pensons qu’avec les années les deux métiers fusionneront. »
Éco-mots
Loi de l’offre et la demande
Théorise l’effet de variation de prix d’un produit. Schématiquement, si la demande pour un produit augmente, le prix de celui-ci augmentera aussi et a contrario, si l’offre dépasse la demande pour un produit, le prix diminuera jusqu’à ce qu’il y ait un équilibre entre la quantité produite et le prix du produit. Au prix d’équilibre, les quantités d’offre et de demande s’égalisent. Graphiquement, cette loi est représentée à l’aide de deux courbes dont le point d’intersection indique le prix et les quantités d’équilibre qui seront échangées.
Commissions, maillage territorial… des offres différentes
À terme, les plateformes de VTC prendront des commissions sur les taxis. Si Uber ne nous a pas répondu sur ce point, Free Now joue la transparence : « jusqu’à la fin de l’année, nous réalisons une offre de lancement. Nous expliquons aux taxis que c’est du gagnant-gagnant. Ils ont des périodes sans activité mais grâce à notre application, nous pouvons leur envoyer des demandes de clients. Ainsi, une commission de 10-15 % sera prélevée sur ces courses », poursuit Benjamin Giovanni.
Un autre élément est important pour appréhender la question de cette ouverture inédite, celui du maillage territorial. Le point commun entre Uber, Free Now et Bolt est qu’il ne propose leurs services de taxis qu’en Île-de-France pour le moment. « En régions et plus spécifiquement dans les milieux ruraux, les taxis ont d’autres missions que celles effectuées dans les villes. Le transport médical y est ainsi très courant », affirme Guillaume Lejeune, docteur en sociologie à l’Université Paris-Descartes.
Benjamin Giovanni confirme que les taxis sur Free Now sont disponibles uniquement dans la capitale. « Pour la partie VTC, nous sommes présents dans sept villes. Nous irons ailleurs plus tard, après avoir consolidé notre lancement à Paris », indique-t-il.
Encore loin d’un possible monopole
La concurrence entre taxis et VTC n’est pas prête de se tarir, malgré un pas en avant de la part des plateformes de VTC. « À plusieurs reprises, Uber a tenté de dire que le modèle de taxis était à bout de souffle. Cela n’a pas de sens. Ils essayent de masquer tous leurs déboires en annonçant cette ouverture », commente Rachid Boudjema, président de l’UNT.
Quant à un possible monopole, « il n’y en a pas réellement », annonce Philippe Gagnepain, professeur d’économie à l’Université Panthéon-Sorbonne. « Avant l’arrivée d’Uber, il y avait les compagnies traditionnelles comme G7 et nous verrons à terme si l’une des plateformes disparaîtra. »
« Avant Uber, il y avait un monopole des taxis sur les courses non réservées, qui existent toujours. Le processus de l’ubérisation est une libéralisation à côté du métier. Sans changer les règles de la profession, un secteur libéral est créé et exerce la même activité », analyse Guillaume Lejeune.
« La création des plateformes VTC s’est faite à cause d’une régression de la qualité de services du côté des taxis. Les voitures étaient vieillissantes, les chauffeurs ne prenaient pas toujours la carte bleue… Les VTC ont permis de fidéliser principalement les jeunes citadins. La demande a alors connu un accroissement même pour les taxis. », assure Benjamin Giovanni. « La concurrence est présente mais l’offre se complète entre taxis et VTC. »
« Les taxis et Uber ont chacun leur clientèle. Ils offrent des services à peu près similaires. Encore une fois, c’est la demande qui définit les parts de marché », conclut Philippe Gagnepain.
L’union totale entre les deux acteurs n’est pas pour demain.
Dans le programme de SES
Terminale. « Quelles mutations du travail et de l’emploi ? »
Première. « Comment un marché concurrentiel fonctionne-t-il ? »
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