Oui, à condition de laisser le choix aux communes
Sandra Trigance, étudiante en 4e année, PGE Majeure Marketing Digital, à l’Ipag Business School.
Se loger en France devient un véritable parcours du combattant, surtout pour les étudiants. Depuis quelques années déjà, les logements disponibles se font rares. Et lorsque, par chance, un logement l’est et répond à nos attentes, nous constatons que la rencontre entre l’offre et la demande est bien compromise entre les locataires et les propriétaires, qui louent de plus en plus cher.
Le gouvernement veut résoudre cette crise du logement en permettant aux plus modestes d’accéder à la location. Pour ce faire, il a raison de miser sur l’encadrement des loyers. Créé en 2014 par la loi Alur, le dispositif de plafonnement des loyers avait déjà été mis en place à Paris et à Lille dans un but d’observation. Mais le dispositif a été ensuite annulé par décision de justice, pour laisser place à la loi Élan.
Encadrement des loyers
Mesure fixant un montant maximum de loyer au mètre carré, appelée « loyer de référence majoré », applicable dans certaines zones sur les nouveaux baux signés, afin de réguler le parc locatif sur le territoire français.
Depuis le 1er juillet 2019, l’encadrement des loyers a été remis en place, mais avec plusieurs ajustements tels que la séparation nette entre d’une part l’observation des loyers, d’autre part l’encadrement pour le bien des locataires, mais aussi des propriétaires, et enfin la répartition par agglomération. Chaque commune est libre d’encadrer ou non.
Grâce à ce dispositif, les propriétaires-bailleurs disposeront d’une limite supérieure pour établir le montant du loyer de leur(s) bien(s), ce qui devrait faciliter l’accès au logement des plus modestes.
Le montant maximal d’un loyer est désormais très facile à calculer. Il est égal au loyer moyen pour ce type de bien (dans une zone donnée, selon qu’il est meublé ou non) majoré de 20 %. En plus, pour accroître la disponibilité de logements, une taxe sur les logements vacants (sauf exceptions) a été établie afin d’encourager les propriétaires à la mise en location.
Loyer de référence
Fixé chaque année par arrêté du préfet des villes qui auront choisi à titre expérimental l’introduction de l’encadrement des loyers, il est complété par un loyer de référence minoré et un loyer de référence majoré.
Évidemment, pour que cette mesure porte ces fruits, il est nécessaire que les bailleurs acceptent ces mesures et les appliquent. S’ils violent la règle, ils risquent une amende de 5 000 euros pour les personnes physiques et 15 000 euros pour les personnes morales, c’est-à-dire les entreprises.
Du coup, de plus en plus de propriétaires-bailleurs préfèrent pratiquer la location à court terme, car les loyers ne sont pas encadrés. Inscrire son logement sur une plateforme comme Airbnb permet de fixer librement le prix de location, tout en s’assurant le meilleur rendement, contournant ainsi la loi ÉLAN. Même si l’État légifère, ce type d’échappatoire a encore de beaux jours devant lui.
Non, on va tuer le marché locatif
Tanguy Oberti, étudiant en 4e année Marketing à l’Ipag Business School.
Le dispositif d’encadrement des loyers amorcé par la loi ÉLAN fait son grand retour en 2019. Si ce dispositif promet de combattre la gentrification croissante au sein de la capitale, elle ne va pas sans inquiéter les propriétaires.
Ces derniers ont réussi à faire annuler cette loi par la justice après sa première entrée en vigueur en 2012 (loi Alur). Raison de l’annulation : la généralisation géographique jugée abusive d’une mesure, voulue par le gouvernement de Manuel Valls, qui s’étendait initialement à seulement deux villes jugées sous tension, à savoir Paris et Lille.
Loi Alur
La loi nᵒ 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur ou loi Duflot II, est une loi française relative au logement.
Le nouveau dispositif, bien mieux implanté et délimité géographiquement, inquiète néanmoins les associations de bailleurs. Certains experts redoutent la destruction du marché locatif dans les villes ou quartiers concernés – si les propriétaires décident de ne plus louer – ainsi qu’une distorsion concernant les marchés limitrophes.
Il est vrai que des mesures de plafonnement similaires ont été jugées efficaces dans d’autres pays, par exemple l’Allemagne, mais les tensions sur le marché immobilier étaient bien plus faibles qu’à Paris.
Zone tendue
Ensemble des communes constatant une disparité importante entre l’offre et la demande de biens immobiliers. On compte 28 agglomérations concernées par cette décision, telles que Paris, Lille ou Nice.
Une chose est sûre : des mesures de plafonnement trop contraignantes conduiront sans nul doute à décourager les propriétaires, ce qui pourrait avoir des répercussions terribles sur la qualité du marché, par exemple une baisse des investissements des bailleurs dans l’entretien de leur patrimoine.
Il est bon de rappeler qu’avant l’apparition de la loi, en 2012, les loyers de la capitale avaient triplé en 10 ans.
Cependant, les investissements des bailleurs pour l’entretien de leurs biens avaient triplé aussi, augmentant beaucoup la qualité des biens. L’adaptation des logements au plan Climat, qui nécessite de lourds investissements en isolation, sera freinée si le plafonnement des loyers fait chuter la rentabilité du bien immobilier.
Enfin, on risque de voir des bailleurs privés se détourner de la location classique au profit de pratiques parallèles comme Airbnb.
Certains propriétaires dénoncent dans le plafonnement une atteinte au droit de propriété. Ne serait-il pas plus judicieux de se concentrer sur l’amélioration des outils déjà existants plutôt que d’introduire cette nouvelle loi pouvant mettre en péril la libre concurrence sur le marché immobilier ?