Cet article est extrait de notre hors-série consacré à l'amour. À retrouver en kiosque.
Notre statut amoureux influence-t-il notre façon de remplir notre panier ? Pour répondre à cette question, imaginons deux personnages fictifs : Justine et Raphaël.
À 25 ans, ils sont célibataires et vivent dans leur appartement respectif. Comme la plupart des jeunes qui commencent à travailler, ils sont attentifs à leur bien-être, bien équipés en téléphone et ordinateur.
Ils consacrent une grande part de leur budget aux sorties. Ils voient souvent leurs amis, que ce soit pour pratiquer une activité sportive, assister à un match ou aller écouter leur rappeur préféré en concert.
« Hédonistes, ouverts, appréciant découvrir de nouvelles expériences, impulsifs dans leurs achats », ainsi sont qualifiés ces célibataires par une étude Ipsos.
Mais Justine et Raphaël dépensent différemment. Elle mange plus souvent chez elle que lui et ne fume pas. Un comportement typique décrit dans l’étude du Crédoc intitulée « Comment consomment les hommes et les femmes ? ».
Dans la partie sur les célibataires, il est précisé : « Les femmes dépensent 25 % de moins que les hommes en hôtels et restaurants. Le fait que les hommes consacrent 11 % de moins que les femmes en achats d’alimentation à domicile laisse également penser qu’ils mangent moins souvent chez eux. On observe par ailleurs qu’elles consomment 30 % de moins que les hommes en boissons alcoolisées et en tabac. »
« L’alimentation est très influencée par le genre. Quand on est célibataire, on a davantage tendance à manger à des horaires décalés, à se contenter de grignoter », commente Pascale Ezan, professeure en sciences de gestion à l’Université du Havre.
Raphaël, lui, fait peu de shopping. « Les hommes qui vivent seuls dépensent 44 % de moins que les femmes en habillement-chaussures, 29 % de moins en soins de santé et 15 % de moins en équipements du foyer », indique l’étude du Crédoc.
Cohabiter : LE moment clé
Huit ans ont passé. Raphaël et Justine ont désormais 33 ans. En couple depuis plusieurs années, ils vivent ensemble. La cohabitation a bouleversé leurs habitudes de consommation.
« L’installation sous le même toit est le moment clé qui va façonner notre façon de consommer pour le reste de notre vie », affirme Pascale Hébel, directrice du pôle Consommation et entreprise au Crédoc.
Justine passe moins de temps dans les boutiques. Raphaël a gardé son abonnement à la salle de sport, mais y va désormais deux fois par semaine, au lieu de quatre auparavant. Chacun sanctuarise du temps à consacrer à l’autre. Justine a néanmoins découvert le yoga. « Un homme a tendance à réduire sa pratique sportive tandis qu’une femme est plus sujette à s’y mettre », a constaté Jorg Müller, chargé d’études au Crédoc, à l’occasion d’une étude réalisée pour l’UCPA.
Cohabiter leur permet aussi de réaliser des économies d’échelle : ils partagent le loyer, les charges, l’équipement. Pascale Ezan commente : « Un célibataire est centré sur lui. Lors de la mise en couple se crée une nouvelle entité et cela induit des changements, notamment alimentaires. »
À l’image de nombreux jeunes couples urbains, Raphaël et Justine se font régulièrement livrer des plats. Ils ont abandonné leurs habitudes de grignotage et souhaitent partager un repas en commun.
D’après Pascale Ezan, « la mise en couple impacte davantage les hommes que les femmes, notamment parce que celles-ci ont tendance à influencer la consommation alimentaire ou vestimentaire de leur conjoint ». Les femme pensent « couple ». Elles prônent souvent une alimentation riche en fruits et légumes, elles achètent parfois les vêtements de leur conjoint, surtout chez les plus de 50 ans.
Culturellement, les femmes sont décisionnaires de la consommation du foyer. Les féministes ont beau le déplorer, « les courses quotidiennes de biens de grande consommation sont encore aujourd’hui assurées à 83 % par les femmes quand elles sont en couple, qu’elles aient des enfants ou non », rappelle l’étude du Crédoc.
En solo, on consomme plus
« Nos goûts, donc nos habitudes de consommation, sont mis à l’épreuve au moment de la mise en couple, que celui-ci soit homogame ou hétérogame », rappelle Anissa Pomiès, spécialiste des comportements de consommation et chercheuse à l’EM Lyon.
L’homogamie est la propension à se mettre en couple avec une personne de son groupe social, ayant un capital économique, culturel et social similaire. « Cela stabilise les comportements de consommation », note Anissa Pomiès. Elle concerne la grande majorité des couples en France.
Mais dans le cas de couples hétérogames, la consommation sera encore plus modifiée. Justine et Raphaël fêtent à présent leurs 55 ans. Il y a deux ans, ils se sont séparés.
Depuis, ils consacrent une part plus importante de leur budget au loyer et aux charges puisque chacun assure seul la location d’un logement.
La séparation a été un moteur de consommation : ils ont dû racheter des équipements, des meubles. Dynamiques et désireux de rencontrer un nouveau compagnon de vie, tous deux sortent davantage, s’abonnent à des sites de rencontre.
Conclusion : notre statut amoureux influence considérablement notre consommation. « Pour la vigueur de l’économie, le marché a intérêt à ce que l’on soit célibataire », tranche Pascale Hébel. Que ce soit pour se loger, s’habiller, se divertir, Raphaël et Justine dépensent davantage quand ils sont séparés, que ce soit avant 30 ans ou après 50 ans !