Economie
Faut-il geler le prix de l’essence ?
Le prix de l'essence atteint des records en France et les mesures visant à diminuer le montant payé à la pompe sont extrêmement populaires. Mais est-ce pour autant une si bonne idée ?
Clément Rouget
© Getty Images/iStockphoto
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« Si vous votez pour moi, le prix du carburant sera bloqué à 1,40 euro le litre. » Dans cette année électorale, Jean-Luc Mélenchon n’aura eu de cesse de le répéter. Et il n’est pas le seul, dans la classe politique, à vouloir diminuer le montant payé à la pompe. Le gouvernement a d’ailleurs décidé d’une remise à la caisse de 18 centimes le litre.
Proposer une baisse du prix de l’essence est une mesure populaire : 90 % des Français y sont favorables1. Pour répondre à ce plébiscite, les politiques sont prêts à mettre le prix. Sur quatre mois, selon le gouvernement, le coût de la remise « est estimé à trois milliards d’euros », soit l’équivalent du budget annuel du ministère de la Culture. Et les montants s’envoleraient si le gel proposé par Jean-Luc Mélenchon était adopté.
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En dépit du coût de ces mesures, plusieurs arguments peuvent les justifier :
- Pour préserver leur pouvoir d’achat, geler le prix d’un produit aussi essentiel à la vie de millions de Français n’est pas illogique dans un contexte d’inflation élevée. Ramener les prix du carburant à leur niveau le plus faible depuis janvier 2021 générerait un gain moyen de 52,60 euros par mois selon une étude du cabinet Asterès.
- La mesure serait plutôt juste socialement. Les ménages les moins aisés sont, en proportion, davantage touchés par les hausses de prix du carburant.
- L’élasticité de la demande sur les carburants est relativement faible, en particulier à court terme2. Concrètement, même si le prix à la pompe augmente massivement, la consommation des ménages reste stable : changer de modèle de véhicule ou déménager plus près de son lieu de travail ne se fait pas sur un claquement de doigts.
- Les véhicules « verts » restent hors d’atteinte pour de nombreuses bourses : en dépit des aides gouvernementales, le surcoût moyen d’une voiture électrique par rapport à sa jumelle thermique peut grimper jusqu’à 50 %.
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Fin du mois ou fin du monde ?
Mais attention, cela ne serait pas sans effet pervers. Un gel des prix fixé à un montant trop faible risquerait de générer des pénuries : les entreprises énergétiques n’auraient aucun intérêt à produire et vendre à perte. Le risque est bien réel : le cas s’est produit avec le gel hydroalcoolique durant le Covid.
Et il y a un gros hic : le réchauffement climatique. À lui seul, le transport routier contribue à près de 30 % des émissions françaises de CO2. Or, baisser les prix à la pompe revient automatiquement à subventionner l’importation d’énergie fossile.
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Pour les économistes de l’environnement, l’équation est simple : sans des prix des carburants durablement élevés, les objectifs climatiques français ne seront pas atteints. Et vous, vous êtes plutôt « baisse de prix » ou « Accord de Paris » ?
1. Les Français et la réélection d’Emmanuel Macron, Elabe, 27 avril 2022.
2. « Vulnérabilité aux flambées de prix des carburants. Le cas français 1984-2018 », Jean-Loup Madre et Yves Bussière.
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