Economie

Hausse du coût des crédits immobiliers. Devenir propriétaire, bientôt mission impossible ?

Les taux d’intérêt immobiliers n’en finissent pas de grimper, au grand désarroi des Français qui veulent acheter un logement. C’est le résultat d’une politique monétaire parfaitement assumée par la Banque centrale européenne… Et qui n’est pas près de s’arrêter.

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© Midjourney

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« Il n’y aura pas de baisse des taux d’intérêt dans les mois à venir ». En entendant le ministre de l’économie Bruno Le Maire à la radio, les auditeurs souhaitant acheter un logement ont de quoi s’inquiéter. Emprunter pour devenir propriétaire immobilier coûte de plus en plus cher, et la tendance n’est pas près de s’inverser.

Ce mardi 29 août, la Banque de France a autorisé les banques à pratiquer des taux sur les prêts immobiliers, assurances et frais compris, pouvant aller jusqu’à 5,56 % sur 20 ans et plus. Ce n’était pas arrivé depuis plus de 15 ans. La hausse est brutale : fin 2022, ce taux d’usure, c’est-à-dire le taux maximal auquel un prêt peut être accordé, restait à peine supérieur à 3 %.

Pour aller plus loin > La hausse du taux d’usure, vraiment une bonne nouvelle pour les emprunteurs ?

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Les taux d’intérêt représentent le coût d’un emprunt (on parle parfois du « prix de l’argent »). Concrètement, c’est le pourcentage que doit verser l’emprunteur au prêteur en plus de rembourser le capital prêté. Par exemple, si je prête 100 euros à un ami à un taux d’intérêt de 5 % par an, il devra me rembourser 105 euros au bout d’un an.

Dans le cas d’un achat immobilier, c’est le même mécanisme. Si je veux emprunter à ma banque la somme de 200 000 euros pour acheter un appartement, celle-ci me demandera de lui verser cette somme, plus ces intérêts. C’est le prix que ma banque me facture pour me prêter de l’argent.

Dans le cas A, j’emprunte 200 000 € de capital, sur 20 ans, avec un taux d’intérêt annuel de 1 %. Le coût total des intérêts revient à 20 750 €. Je rembourserai donc à ma banque 920 euros par mois, soit 220 750 € sur 20 ans.

Dans le cas B, j’emprunte ces 200 000 € de capital, sur la même durée, avec un taux d’intérêt annuel de 5 %. Le coût des intérêts me revient à 116 778 €. Je rembourserai donc à ma banque 1 320 euros par mois, soit 316 778 € sur 20 ans, soit 96 000 euros de plus pour le même montant !

Et comme les prix sont loin d’avoir baissé dans les mêmes proportions, cette hausse du coût de l’emprunt entraîne une perte directe de pouvoir d’achat immobilier pour les emprunteurs.

Résultat logique, les Français désireux d’acheter sont obligés de s’adapter en visant des surfaces plus petites ou des logements plus éloignés que ceux qu’ils auraient pu acheter auparavant, ou encore en s’endettant davantage, avec des remboursements mensuels plus élevés et/ou sur une plus longue période - 25 ans au lieu de 20 par exemple.

Mais, surtout, ils retardent leurs projets et empruntent moins. De 22 milliards d’euros en mai 2022, le total des encours (ou montant total des prêts immobiliers accordés) a chuté à 11 milliards d’euros sur un an pour cette année, selon l’Observatoire Crédit Logement et le nombre de transaction pourrait baisser de 15 % par rapport à 2022, selon la FNAIM, la Fédération nationale de l’immobilier.

Et si ces taux d’intérêt augmentent tant… c’est le résultat d’une action volontaire et parfaitement assumée par la Banque Centrale Européenne, au nom de la lutte contre la hausse des prix !

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Christine Lagarde« Je me félicite que la politique monétaire que nous menons ait commencé à produire ses effets. On le voit dans les chiffres du crédit, à la fois sur les taux d’intérêt et sur les volumes de crédit qui sont en baisse. »

Christine Lagarde, Présidente de la Banque centrale européenne, dans une interview au Figaro, le 31 juillet.

Pour aller plus loin > Face à l’inflation, la BCE devait-elle (vraiment) agir ?

Pour tenter de « casser l’inflation », la Banque Centrale européenne a décidé d’augmenter ses taux directeurs, c’est-à-dire les taux d’intérêt fixés par la banque centrale pour les prêts qu’elle accorde aux banques commerciales (Crédit Agricole, Caisse d’Épargne…) qui en ont besoin. Et, in fine, ces taux directeurs déterminent à leur tour les taux que les banques appliquent aux emprunteurs.

Pour aller plus loin > Peut-on casser l’inflation sans casser la croissance ?

La BCE utilise les taux directeurs comme un instrument de politique monétaire pour réguler l’activité économique. Sur son site, elle l’explique en ces termes : « En tant que banque centrale de l’euro, notre mandat est de maintenir la stabilité des prix. Lorsque les prix augmentent trop rapidement dans notre économie (autrement dit, lorsque l’inflation est trop élevée), une hausse des taux d’intérêt nous aide à ramener l’inflation à notre objectif de 2 % à moyen terme. » Et comme l’inflation reste élevée (5,3 % de taux d’inflation annuel pour les pays de la zone euro en juillet), la BCE a relevé pour la neuvième fois consécutive ses taux directeurs le 27 juillet.

Pour la Banque centrale européenne, le moindre dynamisme du marché immobilier est le prix à payer pour obtenir à terme le retour de l’inflation à 2 %.

Pour aller plus loin > La hausse des taux directeurs, qui y gagne, qui y perd ?

Tant que l’inflation reste à un niveau élevé, les acheteurs devront donc prendre leur mal en patience… sauf si, et c’est le rêve des courtiers et agents immobiliers payés à la commission (et donc en fonction du nombre de transactions effectuées), les vendeurs commencent à réduire leurs prix.

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Proportionnellement, dans un marché ralenti, les primo-accédants représentent toujours une part significative dans la mise en place de crédits nouveaux. Problème, les ménages les plus modestes commencent à décrocher : ils ne peuvent plus acheter. Crédit aux particulier, juin 2023, Banque de France

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