Les Français ont épargné 75 milliards d’euros entre mi-mars 2020 et mi-juin 2020, dont 55 milliards durant le premier confinement, d’après un rapport de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Depuis mars 2020, à cause des mesures visant à restreindre la circulation du Covid-19, les Français voient leurs habitudes de consommation modifiées.
Les lieux de sorties habituels – bars, restaurants, théâtres, discothèques, musées et cinémas – sont fermés, a minima depuis l’automne, les magasins qualifiés de « non essentiels » alternent ouverture et fermeture, les voyages touristiques sont fortement limités, les évènements sportifs et culturels quasiment tous annulés…
Bref, pour certains consommateurs français, beaucoup de dépenses habituelles liées aux loisirs sont tout simplement devenues impossibles. En résulte une accumulation potentielle d’épargne.
Or, les dépenses liées à la consommation des ménages français représentent plus de la moitié du PIB de l’Hexagone. Cette consommation des particuliers aura donc forcément un impact déterminant sur la reprise économique post-crise.
En Chiffres
55 milliards d'euros
Soit la somme épargnée par les ménages français pendant le premier confinement en 2020
Certes, tous les Français n’ont pas pu épargner : 20 % des ménages les plus aisés ont accumulé 70 % du surcroît d’épargne et a contrario, les 20 % des ménages les plus modestes n’ont pas ou peu mis d’argent de côté et se sont même globalement endettés entre mars et août 2020, d’après le Conseil d’analyse économique (CAE).
Certains ménages ont vu leurs dépenses s’accroître, notamment faute d’école et de cantine, et leurs revenus chuter, faute d’emplois disponibles – notamment les étudiants.
Rainier, 33 ans, entrepreneur, se sacrifie pour sauver son activité
« Depuis mi-2018, je dirige une TPE qui occupe trois personnes à temps plein, nous faisons du conseil en transformation numérique d’entreprise pour une trentaine de clients. Jusqu’au premier confinement, nous avons connu un bon démarrage d’activité.
En 2020, nous avons augmenté le chiffre d’affaires de 120 % par rapport à 2019, mais cela s’est fait seulement sur les trois premiers mois de l’année, ensuite on est descendus à zéro.
Pour essayer de sauver mon entreprise, j’ai baissé mon salaire à 850 euros. En tant que gérant de la société, je suis la variable d’ajustement.
RainierEntrepreneur
Nos clients sont des TPE et des PME, beaucoup ont gelé leur budget de conseil. Depuis plusieurs mois, difficile de gagner de nouveaux clients. Avant, je me versais 2 000 euros net par mois. J’ai maintenu cette rémunération et j’ai pu épargner jusqu’en octobre.
Mais pendant le deuxième confinement, ça a été la panique : on a perdu deux gros clients. Pour essayer de sauver mon entreprise, j’ai baissé mon salaire à 850 euros. En tant que gérant de la société, je suis la variable d’ajustement.
Quand on entreprend, les échecs sont individuels et les succès, collectifs. Je ne sais pas si l’entreprise sera toujours en vie dans six mois. Je ne vois pas la fin de cette crise et c’est ça qui est très difficile à supporter.
J’aimerais me constituer une épargne, mais je ne peux pas, car je mettrais l’entreprise en difficulté. Pour l’instant, ce sont plutôt mes dépenses personnelles que je mets en difficulté.
La crise a bouleversé ma manière de consommer, car j’avais un rythme de dépense non négligeable en sorties et restaurants et un projet d’achat immobilier pour fin 2020… mais je n’y pense plus trop.
Dans les prochains mois, je voudrais me faire plaisir, par exemple apprendre à piloter un avion, mon rêve. Et puis j’ai envie de voyager. Pour le projet immobilier, je me dis que finalement, il vaut peut-être mieux acheter une maison secondaire à deux heures de Paris.
Comme consommateur, je suis super-prudent. J’ai réduit mon train de vie pour préserver mon outil de production.
J’ai aussi changé un peu ma vision de l’entrepreneuriat. Je suis plus fataliste : si ça plante, ça plante. Je réalise que tout ne dépend plus de moi, de mon investissement personnel. Cette crise a balayé des certitudes. Je n’ai plus toutes les cartes en main. »
Aliénor, 30 ans, professeure des écoles, a acheté un appartement moins cher
« Depuis que je travaille, j’ai toujours épargné, mais forcément, j’épargne beaucoup plus depuis le début de la pandémie. Habituellement, je sors souvent au restaurant, dans des bars, mais là, tout est fermé.
Je suis optimiste sur ma capacité à consommer à l’avenir, car je suis fonctionnaire. Je sais que chaque mois tombe une rémunération fixe, avec parfois des augmentations en fonction des échelons. Je n’ai pas d’incertitudes. Je dirais même que la crise intervient à un moment assez propice pour moi.
Cela me permet de bien évaluer ce que j’ai et de me rendre compte précisément de l’argent que je dépense dans les sorties.
J’avais un projet d’achat immobilier dans le cadre d’un investissement locatif et j’ai pu le réaliser récemment. La situation ne m’a pas empêchée d’acheter cet appartement de 22 mètres carrés à Paris. Au contraire, comme peu d’acheteurs visitaient, j’ai pu négocier le prix.
La situation ne m'a pas empêchée d'acheter cet appartement de 22 mètres carrés à Paris. Au contraire, comme peu d'acheteurs visitaient, j'ai pu négocier le prix.
Aliénor,Professeure des écoles
Avant la pandémie, j’allais souvent au restaurant avec des amis. Maintenant, on se réunit chez les uns et les autres, on met en commun les dépenses et on se rend compte que l’on peut se préparer de très bons repas pour un budget moindre. Peut-être qu’on gardera cette habitude après la pandémie.
Depuis le début de la crise, je dépense différemment : je suis beaucoup plus consommatrice de bon vin, par exemple, je me rends plus volontiers chez un caviste, un fromager ou dans une épicerie fine.
Je n’ai pas envie de commander sur internet. J’ai beaucoup moins dépensé en vêtements depuis mars 2020 et tout ce que j’ai acheté, c’était dans un magasin. Faire du shopping physique, avant le Covid, je m’en fichais, mais là, tout est différent. »
Inès Dupont, cheffe de produit en CDI, à fond dans le made in France
« Je n’ai pas vu mes revenus baisser suite à la crise sanitaire. J’ai même touché un bonus de 105 % sur l’activité 2020. Le premier confinement m’a permis de pas mal épargner.
En octobre 2020, j’ai acheté un appartement avec mon conjoint et en ce moment, je n’épargne plus, car je rembourse les meubles et un emprunt bancaire. J’ai pu acheter, mais les conditions financières ont été impactées : avant mars 2020, j’avais l’accord de principe de ma banque pour un taux d’endettement supérieur à 33 % de mon revenu net.
Mais après le premier confinement, mon conseiller était beaucoup plus frileux. J’ai dû mettre les banques en concurrence et j’ai changé de banque.
J'ai pu acheter un appartement mais les conditions financières ont été impactées
Inès Dupont,Cheffe de produit en CDI
Les sorties ne manquent et je recommencerai dès que possible. En revanche, voyager, je ne sais pas. Je veux épargner pour m’offrir un séjour mémorable, en Amérique du Sud ou en Asie. Si je le fais, je l’organiserai moi-même, sans passer par une agence. Et je privilégierai une compagnie aérienne française.
En y pensant, beaucoup de choses ont changé dans ma manière de consommer. Avant le Covid, j’achetais des tonnes de fringues dans des enseignes de prêt-à-porter grand public.
Aujourd’hui, je consomme plus raisonné et plus qualitatif. Je valorise davantage le savoir-faire français textile, je choisis des marques françaises peu connues. Je me suis aussi mise à acheter en ligne et je suis plus attentive à ce que recommandent les influenceurs que je suis sur Instagram.
J’ai commencé à dépenser de l’argent dans des marques qu’eux-mêmes créent : la plupart de mes achats vestimentaires depuis un an ont été guidés par leurs avis. Ils ont ma confiance et donnent, à mes yeux, une légitimité au produit. »