L’essentiel
- En septembre, le livret A et le Livret de développement durable ont engrangé 3,14 milliards d’euros. Sur les neuf premiers mois de l’année, la collecte s’élève à 30,60 milliards d’euros de plus que l'année précédente, pour atteindre un encours total de 500,3 milliards d’euros. Un record !
- Paradoxe. Avec une inflation dépassant les 5 % , le rendement réel de ces placements est largement négatif.
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Depuis la crise du Covid, l’épargne tricolore a gonflé de manière substantielle : selon l’Insee, l'encours moyen des Français sur leur Livret A est passé de 5 100 euros en 2019 à 5 800 euros en 2022. Une hausse évidemment corrélée à la baisse de la consommation, mais pas seulement. Depuis le début du mois d’août, le taux d’intérêt a en effet été relevé de 1 à 2 %, son niveau le plus haut depuis 2012.
Une "aubaine" pour de nombreux épargnants et épargnantes, à l’image d’Olivia, infirmière en début de carrière. La jeune femme préférait jusqu’alors consommer, partir en vacances, et s’était même lancée dans un projet immobilier. Désormais, épargner lui semble la meilleure solution : « Quand je vois les factures qui tombent, les taxes à payer, je me dis qu’avoir de l’argent de côté, c'est de plus en plus nécessaire. Évidemment, la hausse du taux d’intérêt du Livret A, c’est un autre argument. Avec la hausse des prix, mettre de l’argent de côté et percevoir les intérêts me paraît plus intéressant que de dépenser à tout-va. »
L’essentiel
- En septembre, le livret A et le Livret de développement durable ont engrangé 3,14 milliards d’euros. Sur les neuf premiers mois de l’année, la collecte s’élève à 30,60 milliards d’euros de plus que l'année précédente, pour atteindre un encours total de 500,3 milliards d’euros. Un record !
- Paradoxe. Avec une inflation dépassant les 5 % , le rendement réel de ces placements est largement négatif.
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Depuis la crise du Covid, l’épargne tricolore a gonflé de manière substantielle : selon l’Insee, l'encours moyen des Français sur leur Livret A est passé de 5 100 euros en 2019 à 5 800 euros en 2022. Une hausse évidemment corrélée à la baisse de la consommation, mais pas seulement. Depuis le début du mois d’août, le taux d’intérêt a en effet été relevé de 1 à 2 %, son niveau le plus haut depuis 2012.
Une "aubaine" pour de nombreux épargnants et épargnantes, à l’image d’Olivia, infirmière en début de carrière. La jeune femme préférait jusqu’alors consommer, partir en vacances, et s’était même lancée dans un projet immobilier. Désormais, épargner lui semble la meilleure solution : « Quand je vois les factures qui tombent, les taxes à payer, je me dis qu’avoir de l’argent de côté, c'est de plus en plus nécessaire. Évidemment, la hausse du taux d’intérêt du Livret A, c’est un autre argument. Avec la hausse des prix, mettre de l’argent de côté et percevoir les intérêts me paraît plus intéressant que de dépenser à tout-va. »
Un encours record
Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, encourageait d’ailleurs les Français, début juillet, à investir sur ce compte présenté comme sans sans risque : « Connaissez-vous beaucoup de produits d’épargne aujourd’hui qui offrent autant de sécurité, de souplesse et de rendement ? Le placement est garanti et les intérêts sont défiscalisés. »
Si l’on regarde les données de la Caisse des dépôts, beaucoup de Français semblent penser comme Olivia et le ministre de l’Économie : la collecte nette, c’est-à-dire la différence entre les dépôts des épargnants et les retraits, s’est établie en septembre à près de 2,7 milliards d’euros, soit plus de dix fois le montant de septembre 2021.
Habituellement, pourtant, Septembre n’est pas un mois propice à la collecte. « Sur ces dix dernières années, le Livret A avait enregistré à cinq reprises une décollecte en septembre, rappelle Le Cercle de l’Épargne, un think tank dédié à l’épargne, la retraite et à la prévoyance. À la sortie des vacances, en raison notamment des dépenses de rentrée scolaire, les ménages ont l’habitude de puiser dans leur épargne de précaution. »
Mais pas en 2022. « Les ménages ont bénéficié de plusieurs mesures de soutien de leur pouvoir d’achat (chèques de rentrée scolaire, ristourne carburants, revalorisation des pensions de retraite, suppression de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle etc.) qui ont pu les amener à pouvoir placer un peu plus d’argent qu’auparavant, estime le cercle de réflexion. Enfin, le relèvement du taux d’intérêt explique aussi la forte collecte de septembre. Traditionnellement, une augmentation du taux dope la collecte durant trois ou quatre mois. »
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L’inflation n’épargne par les épargnants
Dans les faits, pourtant, le rendement de l’épargne des Français a rarement été aussi faible et l’inflation dépasse largement la hausse des taux d’intérêt. Prenons l’exemple d’un Livret A avec 1 000 euros au 1er septembre 2022, les 2 % d’intérêt permettraient ainsi d’obtenir 1 020 euros au 1er septembre 2023. Mais une inflation à hauteur de 5 % signifie qu’en termes de pouvoir d’achat, 1 000 euros au 1er août 2021 valent 1 050 euros en 2022. En d’autres termes, l’argent déposé sur le compte courant aura perdu de la valeur en un an.
Rendement réel (épargne)
Ou taux de rendement net d’inflation. Il indique avec précision le pouvoir d’achat réel d’une somme d’argent donnée au fil du temps. Par exemple, si votre placement rapporte 3 % de rendement annuel et qu’il y a 2 % d’inflation, votre taux de rendement réel sera de 1 % (3 % - 2 %). À l’inverse, si le taux d’intérêt est plus faible que l’inflation, le rendement réel est négatif. En octobre 2022, le rendement réel du Livret A pour les épargnants est de - 3,41 %.
Alors, comment expliquer cette hausse des encours dans un contexte de rendement aussi faible ? Pierre Madec, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), invoque le développement d'une « épargne de précaution », notamment due à l’instabilité de la situation économique (fébrilité des Bourses mondiales, craintes d'une chute du marché immobilier).
Pour le Cercle de l’Épargne, ce paradoxe n’en est pas un : « Grâce aux deux relèvements de son taux, le Livret A est le placement de l’année, offrant à la fois la sécurité, la liquidité, le zéro fiscalité et un rendement honorable dans le contexte actuel. Son rendement réel est certes négatif, mais il reste bien supérieur à la moyenne des rendements des autres produits d’épargne.»
Malgré la faiblesse des rendements, les plus petits épargnants ne risquent pas la ruine, selon Hervé Péléraux, économiste spécialiste des questions d’inflation à l’OFCE : « Oui, il y a risque de dépréciation des épargnes si l’inflation se poursuit avec la même vigueur. Mais on attend une modération pour l’année 2023 et l’inflation reste transitoire. Il en résultera quand même une perte. Pour la compenser, il faudrait soit une baisse des prix, soit une augmentation du taux d’intérêt. »
Pour l’État, un arbitrage sensible
Dès lors, l’État doit-il continuer à augmenter le taux du Livret A pour soutenir les épargnants ? Ce n’est pas certain : augmenter le rendement du Livret A n’est pas sans incidence économique et chaque hausse inquiète les bailleurs sociaux. En effet, les fonds du Livret A sont centralisés par la Caisse des dépôts et consignations, pour financer le logement social et le renouvellement urbain. Plus le taux d'intérêt est élevé, plus l'argent est rémunérateur pour les épargnants, mais plus les emprunts des bailleurs sociaux sont onéreux, ce qui limite leur capacité d'investissement.
Pour Pierre Médac, « tout le travail du gouvernement reste de maintenir l'équilibre et de faire les bons arbitrages. Il faut garantir le pouvoir d’achat des ménages, mais il faut aussi éviter de dégrader la santé économique des bailleurs sociaux, qui empruntent au même taux. Surtout au moment où on leur demande de rénover leur parc immobilier dans le cadre de la transition écologique ».
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