Le nouveau Dacia Jogger est à la fête au mois de juin 2022, selon son constructeur : il est accessible à partir de 6€ par jour, soit 180€ par mois pendant 4 ans, le tout sans le moindre apport, entretien inclus. Et roule la voiture neuve pour toute la famille !
Des offres de ce type, tous les constructeurs ou presque en proposent dorénavant. L’affaire n’en serait même qu’à ces balbutiements, si l’on en croit les idées à venir du groupe Renault. A l’occasion de la présentation de sa nouvelle marque baptisée « Mobilize », le groupe français a été parfaitement clair début juin 2022 : « Nous allons massivement développer la location opérationnelle. Nous allons doubler notre part de marché actuelle (ndlr, 350 000 véhicules sous contrat de location) pour atteindre 700 000 véhicules en 2025 et 1 million en 2030. Nous déploierons des offres partout via notre réseau de concessionnaires » a fait savoir João Miguel Leandro, le directeur général de ce qui s’appelait encore hier « RCI bank », soit la filiale financière de Renault.
Par « location opérationnelle », on entend tout ce qui n’est pas de la vente pure : location de longue durée (LLD), location avec option d’achat (LOA) et abonnement. Cette dernière formule est d’ailleurs plutôt nouvelle. Afin de proposer une offre compétitive, Renault a récemment racheté un acteur espagnol de l’automobile par abonnement, Bipicar. L’objectif affiché est de passer de 10 000 clients abonnés aujourd’hui à 200 000 en 2030…
En termes financiers, pour le groupe français, le couple LOA-LLD a représenté un chiffre d’affaires de 97 milliards d’euros en 2020, soit 36% des financements de nouveaux véhicules. En 2030, cette part de véhicules loués devra représenter 178 milliards d’euros de chiffres d’affaires, c’est à dire 62% des financements.
Des montants financés en hausse de 13,7%
La tendance à louer durablement un véhicule plutôt que de l’acheter est déjà largement amorcée : « Les différentes formules de location séduisent de plus en plus », analyse AAA Data, la structure qui traite les statistiques de l’automobile en France, « elles atteignent 61% de l’ensemble des immatriculations. Les professionnels ne sont plus les seuls concernés puisque 54% des particuliers ont désormais recours à ce type de financement » explique l’association.
Sollicité, le constructeur Stellantis confirme : « Les LOA-LLD ont représenté 85% des financements auprès des particuliers en mai 2022. Cette tendance ne cesse de se renforcer » constate le groupe.
Selon l’Association française des sociétés financières (ASF), ce sont 377 295 particuliers qui ont souscrit une LOA en France en 2019, pour un montant moyen de 19 250€. Le nombre de clients a légèrement décru avec la crise du Covid en 2020 (329 904), mais le montant moyen a grimpé, pour atteindre 20 587€.
L’an dernier, ce sont 335 301 particuliers français qui se sont laissés tenter par une LOA pour leur véhicule : ils ont signé des contrats à 21 893€ en moyenne ! En l’espace de trois années, le montant moyen des contrats a donc progressé de 13,7%, tandis que la part de clients qui a recours au crédit classique ne cesse de s’effondrer : -22,3% en 2020, -5,3% en 2021…
Alors, la LOA est elle définitivement plus intéressante que l’achat direct pour les automobilistes ? Question de point de vue, sans doute. Car sur le plan purement financier, la LOA est généralement un gouffre par rapport à un crédit classique. Ainsi un Peugeot 3008 GT hybrid4, affiché neuf à 54 697€ TTC. Stellantis propose l’auto à 733 € par mois pendant 48 mois, après un premier loyer à 5131€. Soit un investissement pour le client de 40 315€ sur 4 ans. Au bout de cette période, le locataire a soit le choix de racheter l’auto, soit de s’engager sur un autre engin avec un nouveau contrat. Or, le 3008 voit sa valeur de rachat fixée à 29 536€.
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Si le client achète bel et bien l’auto pour en devenir propriétaire, il aura donc payé sa voiture 69 851€, entretien inclus : 27,7% plus chère que s’il l’avait achetée comptant !
La prestation d’entretien, comprise dans le contrat de LOA, ne peut à elle seule justifier un tel écart financier. La révision annuelle d’un Peugeot 3008 coûte entre 350 et 400€, tandis que le « contrat privilège » proposé par le constructeur représente une dépense de 636€ par an.
Au cas où le client ne souhaiterait pas racheter son auto, le constructeur fait même coup double. Non seulement il a déjà empoché 73,7% de la valeur neuve de la voiture en 4 ans, mais en plus, il dispose d’une voiture d’occasion qui sera revendue nettement plus chère que les 29 536€ proposés au client initial. Il faut en effet être bien conscient qu’à ce jour, la pénurie de voitures neuves ou d’occasion est telle que les constructeurs affichent quasiment au prix du neuf des voitures qui ont déjà 2 ans et 15 000 kilomètres environ.
Si la LOA peut s’apparenter à une véritable « cash machine » pour ceux qui la proposent, la réalité est un brin plus complexe.
Tout d’abord parce qu’avec la transition écologique à marche forcée qui est déjà engagée, certains, comme BNP Paribas par exemple, proposent des formules de LOA à des prix planchers. La première banque de France commercialise une formule locative uniquement accessible aux véhicules vertueux d’un point de vue écologique.
Les mensualités peuvent s’étaler sur 10 ans, et la valeur de rachat proposée à la fin du contrat est équivalente à 1% du prix facturé de l’auto : le but est « d’accompagner les ménages modestes dans la transition écologique » selon Christophe Michaëli, le directeur de la mobilité de BNP Paribas.
L’Etat aussi compte proposer une formule locative à bas coût, afin d’aider les moins fortunés à changer d’auto.
Data et fidélité, les points clefs
Ainsi, la vertu première des formules locatives ne serait pas forcément l’argent, mais tout simplement le fait de fidéliser le client.
AAA Data, qui a réalisé une étude sur le sujet, indique ainsi que « 84% des acheteurs en location renouvellent en effet leur véhicule au sein d’une même marque. » Sachant qu’un véhicule neuf acheté est en moyenne gardé huit ans par son premier propriétaire, les contrats classiques de LOA, d’une durée de 4 ans, permettent de vendre deux voitures au lieu d’une puisque le client est contraint de revenir chez le même concessionnaire au bout de 48 mois.
Cette capacité à fidéliser est devenue cruciale aujourd’hui : non seulement elle donne la possibilité aux constructeurs de vendre des produits additionnels par milliers (entretien du véhicule, extension de garantie, etc), mais surtout, elle est un gage sur l’avenir.
Selon le Groupement interprofessionnel de l’automobile, « les ateliers de réseaux de concessionnaires risquent de souffrir de la hausse des entrées en atelier des véhicules à motorisations alternatives, qui ont nettement moins de besoins en termes de maintenance ».
Il s’agit donc désormais de capter le plus de clients possibles, afin de compenser le manque à gagner des ateliers.
D’autre part, asservir un automobiliste à un point de vente ou à une marque permet de récupérer des informations clefs sur sa vie, ses habitudes. Et comme l’annonce une étude de KPMG, « les voitures vont générer de vastes flux de données que les constructeurs seront capables de monétiser » d’ici peu, en les vendant aux assureurs, par exemple...