Sociologie

Rester chez soi : les nouvelles vacances de rêve ?

La notion de staycation, née aux États-Unis, désigne le fait de rester volontairement sur son lieu de résidence principale pendant ses vacances. Encore peu étudié, le phénomène se développe.

Mélanie Tavernier, professeure de SES
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Illustration de l'article Rester chez soi : les nouvelles vacances de rêve ?

© Getty Images/iStockphoto

Côté face : bord de mer, plages bondées, carte postale : la saison touristique bat son plein ! Côté pile, en 2022, selon l’Observatoire des inégalités, 54 % des Français ne sont pas partis en vacances. Conséquence de la crise sanitaire, ils partent de moins en moins. Avec le budget, ce sont des raisons médicales, familiales ou professionnelles qui sont invoquées comme causes de non-départ. Mais pour 15 % de ces Français qui ne partent pas, c’est un choix délibéré. Si le fait de rester chez soi pendant les vacances a pendant longtemps été dévalorisé, cette option est de plus en plus choisie et non subie, notamment depuis le Covid, qui a contraint les Français à réinventer leurs vacances. Le phénomène devrait même s’amplifier dans les années à venir, selon le cabinet de conseil KPMG.

La notion de staycation, née il y a une quinzaine d’année aux États-Unis, désigne le fait de rester sur son lieu de résidence principale pendant ses vacances. Même si peu de chiffres existent pour quantifier le phénomène en France, le professeur Jean-Christophe Dissart1 constate que cette tendance se développe pour plusieurs raisons. D’abord, de plus en plus de touristes ont pris conscience du dérèglement climatique et de la responsabilité du tourisme. Le désormais fameux flygskam (honte de prendre l’avion, en suédois) fournit aux vacanciers une bonne raison de choisir une destination plus proche de chez eux. Le tourisme de masse incite aussi à modifier ses comportements. Pourquoi partir loin pour vivre des expériences touristiques peu agréables ? Enfin, la quête d’authenticité aiguille les touristes vers la (re)découverte du patrimoine local, près de chez eux.

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« Touristification » du quotidien

En réinvestissant les pratiques de proximité, il n’est plus nécessaire de partir loin et longtemps pour voyager. Philippe Bourdeau, Hugues François et Liliane Bensahel vont même jusqu’à parler de « touristification du quotidien » 2 : le but, insérer dans la routine des temps de loisir et de vacances en s’évadant au plus près de chez soi pour vivre des micro-expériences, le temps d’un week-end ou de quelques heures. De ce point de vue, la sédentarité n’est plus vécue à regret, elle ne conduit pas à l’ennui, mais au contraire, au réenchantement de la vie quotidienne.

L’industrie touristique a flairé le nouveau marché ! Elle affûte ses arguments en insistant sur l’insolite qui nous attend tout près : redécouvrir un musée dans des conditions inédites (de nuit), pratiquer le yoga en forêt, dormir dans une cabane perchée en haut d’un arbre. Qu’il s’agisse de rester à la maison ou de profiter d’un hôtel à proximité, l’émergence du staycation a le mérite de dissiper (un peu) le malaise ressenti par les millions de Français qui ne partent pas en vacances.

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Pour aller plus loin

1. Dans l’article « Staycation : un phénomène parti pour rester ? », Espace tourisme et loisirs n° 353, mars-avril 2020.

2. Dans Fin (?) et confins du tourisme, L’Harmattan, 2013.

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