Cet article est extrait de notre magazine consacré au pouvoir d’achat. À retrouver en kiosque et en ligne.
Révolution numérique dans la monnaie
En décembre dernier, le Kosovo a interdit le minage des bitcoins, qui consommait 10 % de son électricité. En septembre, le bitcoin devenait monnaie nationale du Salvador. En avril, Facebook relançait son projet de monnaie privée – libra –, qui avait rencontré l’opposition des régulateurs en 2019. Le monde de la monnaie est saisi par la révolution numérique.
Cette métamorphose, explique l’économiste indo-américain Eswar Prasad, est initiée par des acteurs privés qui viennent bousculer des institutions en charge de la monnaie. Et malgré toutes les innovations numériques qu’a connues la finance ces dernières décennies, le vrai changement est à venir. Il sera spectaculaire.
Tout un faisceau de tendances est à l’œuvre : l’essor des « fintech », start-up qui innovent dans les moyens de paiement, les investissements ou le crédit. Mais aussi les cryptomonnaies – bitcoin, ethereum – appuyées sur des technologies comme la blockchain : ce sont des actifs spéculatifs, des moyens de paiement pour l’économie souterraine et des moyens d’échange ayant valeur légale.
Il y a aussi les monnaies privées des plateformes de jeux. Enfin, une tendance de fond : la disparition programmée de l’argent liquide.
Nombre de ces évolutions, du côté des fintechs (prêts peer to peer, crowdfunding) comme des cryptomonnaies, se laissent comprendre comme un court-circuitage des institutions qui garantissaient jusqu’ici la valeur des actifs. Cette désintermédiation va de pair avec une réintermédiation au profit de nouveaux acteurs.
Mais les institutions financières, qui ont observé les effets de la révolution numérique dans d’autres secteurs, sont décidées à rester dans la course : elles vont lancer leurs propres monnaies numériques (Central Bank Digital Currencies, CBDC), qui pourraient servir de filet de sécurité aux systèmes de paiement gérés par le secteur privé, renforcer l’inclusion financière, améliorer la transmission de la politique monétaire et lutter contre la corruption.
Non sans un risque de surveillance des citoyens par les autorités bancaires. La monnaie ? Un sujet à surveiller.

The Future of Money : How the Digital Revolution Is Transforming Currencies and Finance, Harvard University Press (Belknap), Eswar Prasad, septembre 2021. 496 p., 31,50 €.
Eswar Prasad
Le grand rapatriement ?
Le thème pointait depuis une dizaine d’années, mais la crise du Covid lui a donné un coup de fouet : et si, après la grande vague de délocalisations qui ont emporté une partie de l’industrie française, relocaliser devenait possible ? Professeur à Paris-Dauphine et président de cette univesité, Mouhoud El-Mouhoub a été l’un des premiers à travailler sur cette hypothèse.
Une partie du débat porte sur des choix fiscaux et sociaux, avec les avantages d’une politique de l’offre.
Mais des effets de structure jouent aussi, notamment la transition énergétique qui, en amenant tôt ou tard à taxer le carbone, rebattra les cartes de la mondialisation.
La relocalisation peut être un objectif politique, soutient l’économiste, qui cherche ici à poser les fondements théoriques des relocalisations et de préciser, avec des propositions claires, les contours des politiques publiques qui les favorisent.

Relocalisons !, M. El-Mouhoub, éd. du Pommier, nov. 2021, 240 p., 16 €
L’emprise Amazon & Co
Vingt-deux millions de Français sont clients d’Amazon. Qui dit mieux ?
Les marchés de consommation sont engagés dans une révolution comparable à ce que fut l’arrivée de la grande distribution. L’essor des plateformes numériques impose de nouvelles règles du jeu.
Peut-on encore les domestiquer ? Philippe Moati revient sur les raisons de leur succès, analyse leur double structure de commerçants et de « places de marché » virtuelles, explore les conséquences de cette transformation : une redéfinition profonde du commerce physique, mais aussi l’émergence de quasi-monopoles dotés d’une emprise à la fois sur les consommateurs et sur les producteurs.
La puissance publique devra jouer son rôle de régulateur. Cela ne dispense pas les marques, enseignes et petits commerces, de se réinventer.

La Plateformisation de la consommation. Peut-on encore contrer l’ascension d’Amazon ? P. Moati, Gallimard, Le Débat, nov. 2021. 160 p., 13,50 €.
La bulle foncière
C’est un phénomène aussi puissant que discret : en 1946, le patrimoine foncier des Français représentait une année du revenu national, contre six aujourd’hui.
Comment expliquer cette hausse, se demandent Étienne Wasmer et Alain Trannoy ?
Différents facteurs convergent. Les politiques monétaires très accommodantes depuis la crise de 2008 ont partout provoqué un afflux de liquidités vers ces marchés jugés « sûrs ».
Mais, en France, il y a aussi d’autres raisons : des préférences culturelles anciennes, des choix politiques récents (le « zéro artificialisation »), enfin et surtout des politiques fiscales confinant au laxisme en ce domaine.
Aussi l’analyse ouvre-t-elle sur deux questions : comment corriger cette distorsion ? Et en attendant, que faire de cette manne providentielle ?

Le Grand Retour de la terre dans les patrimoines. Et pourquoi c’est une bonne nouvelle ! A. Trannoy, É. Wasmer, Odile Jacob, janvier 2022. 256 p., 23,90 €.