Cet article est extrait de notre hors-série consacré à l'amour. À retrouver en kiosque.
« Si j’existe, ma vie, c’est d’être fan. » En 2003, Pascal Obispo clamait son admiration pour le chanteur Michel Polnareff dans le titre hommage Fan.
Comme lui, des millions de personnes vouent un amour inconditionnel à une star de la chanson ou du cinéma, à un film ou même à un livre, au point de leur consacrer non pas un titre musical, mais du temps, et surtout de l’argent.
« Les fans traduisent leur passion par la quête, l’acquisition et la consommation de quantité de produits et de savoirs en lien avec l’objet de leur admiration. De cette manière, ils construisent une relation d’expertise mais aussi d’intimité avec celui-ci », explique Gabriel Segré, sociologue et auteur de Fans de… Sociologie des nouveaux cultes contemporains (Armand Colin, 2014).
De quoi alimenter de juteux business, à commencer par celui des produits dérivés.
De multiples licences ou franchises sont créées à partir d’œuvres à succès : Star Wars fait partie des plus rentables, comme l’avait pressenti le créateur de la saga, George Lucas.
BB-8 face à R2-D2, des droïdes importants de l'univers Star Wars
Dès 1977, il avait négocié la conservation des droits sur les produits dérivés des films. Résultat : entre 1977 et 2017, la saga a engrangé plus de 35 milliards d’euros de recettes, dont 18 à 27 milliards d’euros proviennent uniquement des produits dérivés.
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L’industrie musicale peut aussi compter sur le merchandising pour diversifier ses ressources et rentabiliser l’amour des passionnés. « Lors des concerts, les fans sont généralement demandeurs de produits spécifiques qui permettront de garder un souvenir ou de témoigner de leur présence à l’événement », décrit Éric Delattre, maître de conférences à Lille et auteur de Marketing musical (L’Harmattan, 2019).
Le groupe américain de hard-rock Kiss aurait accumulé plus de 440 millions d’euros de recettes de merchandising et de produits dérivés. Dans un autre registre, les fans de K-pop (pop coréenne) collectionnent et se revendent à prix d’or des cartes-photos à l’effigie de leurs idoles glissées dans chaque album.
Gene Simmons Kiss au Hellfest 2019
1 075 euros pour un cliché avec Justin Bieber
Bien mieux que les posters, les spectacles vivants. « Le concert est très important pour les fans car c’est une expérience forte et authentique qui les rapproche de leurs idoles », souligne Éric Delattre.
En pleine pandémie, les fans du groupe de K-pop BTS n’ont pas hésité à dépenser entre 23 et 31 euros pour assister à un concert entièrement en ligne, en juin 2020.
L’événement a rapporté près de 18 millions d’euros et s’est révélé l’un des plus fructueux du genre. Certaines célébrités prévoient aussi des tickets incluant des « extras » pour les plus mordus.

À l’occasion de sa venue à Paris, en mars 2022, le chanteur canadien Justin Bieber prendra des photos de groupe avec les détenteurs de tickets VIP. Prix d’achat : 1 075 euros.
Plus fort que la mort
Les fans de personnages fictifs ou de séries télé ont aussi leurs grands-messes.
Créé pour la première fois en France en 2015, le Comic Con est l’un des plus gros événements dédiés à la pop culture. L’édition 2019 a rassemblé 35 000 visiteurs. Avant-premières, dédicaces, séances de questions avec les acteurs… La plupart des activités sont comprises dans le billet d’entrée (49 euros pour trois jours) mais des produits ou attractions payantes sont proposés dans les allées du festival.
À l’ère d’internet et des réseaux sociaux, les fans n’ont même plus à quitter leur canapé pour se rapprocher de leur idole.
Lancée en 2017, l’application Cameo permet à ses utilisateurs d’acheter des messages ou des vidéos personnalisées de leurs célébrités préférées. À titre d’exemple, Tom Felton, l’interprète du personnage de Drago Malefoy dans les films Harry Potter, y monnaye ses vidéos 527 euros l’unité.
Les fans ne freinent pas leurs dépenses à la mort de leur star adorée, au contraire. « Le maintien d’un lien psychologique avec la célébrité décédée peut permettre de réduire la détresse psychologique liée à ce deuil. Ce lien peut se faire par la consommation de produits comme des disques, des documentaires ou des biographies », ajoute Benjamin Bœuf, professeur assistant en marketing à l’IESEG School of Management.
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Sorti en 2018, l’album posthume Mon pays c’est l’amour de Johnny Hallyday s’est hissé au premier rang des meilleures ventes de l’année et s’est écoulé à plus de deux millions d’exemplaires. En 2021, le chanteur cumule encore près de 1,2 million d’auditeurs mensuels sur la plateforme de streaming Spotify.
Entre les rééditions, les compilations et les enregistrements de concerts, sa maison de disques Universal a encore de la matière à vendre. Encore faut-il que « les projets soient en cohérence avec l’identité de l’artiste décédé », tempère Benjamin Bœuf.
« Les fans ont longtemps été qualifiés d’incarnations de la consommation passive. En réalité, ils sont très actifs, créatifs et même productifs. Je pense notamment au fan art ou aux fanfictions », avance le sociologue Gabriel Segré.
Avant d’être un best-seller vendu en millions d’exemplaires, le roman After, d’Anna Todd, était un récit de fan sur le boys band britannique One Direction. L’adaptation cinématographique du premier tome de cette saga en cinq tomes a récolté près de 61 millions d’euros de recettes.
Et vous, qui vous rend accro ?