Economie

Au travail, la technologie déplace la pénibilité

La révolution numérique et la robotique ont apporté de nombreuses innovations dans l'espace de travail. Pour le meilleur et pour le pire. Focus sur cinq mutations.

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© pixabay

Selon une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) de 2018, 71,1 % des salariés utilisent un matériel informatique connecté à des fins professionnelles, une progression de 11,4 points en huit ans. Quelles conséquences pour les conditions de travail ? Quelques pistes de réponses.

Les ravages de la sédentarité

Avec l’avènement des métiers de service, la journée de travail inclut moins d’activité physique. Plus d’un salarié sur 10 passe sa journée devant un ordinateur. La dépense énergétique au bureau est quasiment équivalente à celle du repos.

En Chiffres

+90 %

de mortalité cardiovasculaire à cause de l'inactivité

Or le corps a besoin d’activité ! Cette sédentarité a des incidences désastreuses sur la santé publique. L’inactivité est devenue la première cause de mortalité évitable dans les pays industrialisés, devant la consommation de tabac, avec une hausse de 90 % de la mortalité cardiovasculaire.

Pour y remédier, estime Kévin Desbrosses, responsable d’études à l’INRS, il faut changer la culture d’entreprise : « Dans le tertiaire, celui qui est assis est considéré comme concentré et productif alors que la station debout et les déplacements sont perçus – à tort ! – comme une inaction. Il faut au contraire organiser le travail autour de la sollicitation physique tout au long de la journée. Car courir, même trois fois par semaine, ne compense pas les heures passées assis au travail.» Kévin Desbrosses préconise d’organiser des réunions debout ou de fournir des bureaux à hauteur variable.

Des écrans à double tranchant

Fixer un écran sans en dévier provoque une sécheresse des yeux. Aucun risque médical de long terme n’a été scientifiquement prouvé, mais cela génère des lourdeurs des globes oculaires, des rougeurs, des picotements, des éblouissements, une myopie temporaire et, parfois, des maux de tête. Une pratique régulière d’exercices oculaires peut atténuer ces effets. Il faut respecter la règle des 20-20-20 : toutes les 20 minutes, prendre une pause de 20 secondes pour fixer quelque chose qui se situe à 20 pieds (6 mètres).

infographie

Une charge accrue pour les managers

Les Technologies de l’information et de la communication (TIC) en tant que telles ne sont pas pénibles, mais sont complices de la pénibilité. Elles accentuent des travers managériaux ou psychosociaux. Signes d’organisations encore trop segmentées, « les décisions liées aux TIC sont prises par des directions informatiques qui n’associent pas assez les utilisateurs », selon Tristan Klein dans une enquête sur les Changements organisationnels et Informatisation (COI). Il faut prévenir l’appauvrissement des relations personnelles et éviter un contrôle excessif de l’activité.

On ne peut plus séparer les nouvelles technologies de l’organisation qui les utilise
Tristan Klein

Enquête sur les Changements organisationnels et Informatisation (COI)

Les managers doivent être tenus pour responsables des usages que font leurs subordonnés des TIC. Bien-être, et donc efficacité, sont en jeu. Les notifications, en fragmentant constamment nos tâches, entraînent une surcharge informationnelle et une pression de l’immédiateté.

Certes, l’ordinateur portable et les smartphones permettent à 13,8 % des salariés de travailler « souvent » hors du bureau (18,8 % chez eux), selon l’enquête sur les Changements organisationnels et l’information (COI), mais ces outils font tomber la barrière entre sphère professionnelle et privée. Les technologies apportent néanmoins une autonomie bienvenue dès lors que le dépassement en temps de travail n’est pas excessif.

L’humain garde le contrôle

Comment un opérateur perçoit-il le développement d’une Intelligence artificielle qui vise à remplacer, pour partie, son savoir-faire ? Cette technologie, pas encore parfaitement aboutie, a la capacité d’apprendre en permanence. « Pour autant, elle n’est pas infaillible », selon Benjamin Paty, responsable du laboratoire d’Ergonomie et psychologie appliquée à la prévention de l’INRS.

Un travailleur doit parfois rattraper les erreurs de l’IA.
Benjamin Paty

Responsable du laboratoire d’Ergonomie et psychologie appliquée à la prévention de l’INRS

« Il a donc à juste titre le sentiment dévalorisant d’être le maillon ultime de la chaîne, après la machine. »

Établir une relation de confiance avec la technologie, c’est crucial, mais « un excès de confiance peut mettre l’opérateur en danger ». Dans le cas des pilotes d’avion, par exemple, la vigilance se détériore avec le développement de l’automation. L’opérateur devient dépendant de la technologie, avec une double conséquence. D’un côté, le travailleur est soulagé de la prise de décisions et connaît moins de conflits avec son supérieur. De l’autre, il peut être envahi d’un sentiment d’impuissance.

S’adapter à l’exosquelette

Les ponceurs de plafonds peuvent bénéficier d’une ossature mécanisée pour maintenir leurs bras durant la tâche, ce qui permet d’absorber une partie de la pénibilité. Mais certains dispositifs sont mal conçus et déplacent le problème vers une autre partie du corps. L’exosquelette du ponceur est en effet porté comme un sac à dos et pèse sur les lombaires. Autres effets secondaires possibles : des frottements liés aux contentions, une plus grande sollicitation cardiovasculaire à cause du poids et une charge cognitive accrue.

Laurent Kerangueven, expert des troubles musculo-squelettiques à l’INRS, prévient : « L’exosquelette ne doit pas avoir comme seul objectif l’amélioration de la productivité. L’acceptation de l’exosquelette par le futur utilisateur est un élément clé. Elle passe par la formation, une bonne communication en interne et une écoute après l’installation. Attention, car il pourrait se sentir dépossédé de son expertise. »

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