Economie

Augmenter les revenus sans augmenter les salaires : mode d’emploi

Pour réduire les coûts liés aux conflits salariaux, l’entreprise peut distribuer aux salariés une partie des profits qui servent « normalement » à autofinancer ses investissements, à rémunérer actionnaires et banques qui ont apporté les capitaux nécessaires à sa croissance et à payer ses impôts.

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© Getty Images/iStockphoto

Question : comment augmenter le pouvoir d’achat des salariés sans renchérir le coût total du travail et sans accroître les charges d’exploitation des entreprises qui subissent par ailleurs hausse des prix (énergie, matières premières…) et contraction des marchés ? Toutes les entreprises cherchent le moyen le plus efficient pour minimiser leurs coûts et notamment ceux que l’économiste américain Olivier Williamson1 et le courant néo-institutionnaliste appellent « coûts de transaction ».

Ces derniers résultent de leurs relations bilatérales avec leurs parties prenantes (salariés, fournisseurs, pouvoirs publics, ONG) et couvrent la recherche de compromis, la durée des négociations, la rédaction des contrats, etc.

Éco-mots

Parties prenantes

Partenaires liés à l’activité de l’entreprise : salariés, syndicats, actionnaires, dirigeants, fournisseurs, clients, banques, État, associations…

Olivier Williamson suggère de pratiquer ces transactions contractuelles en alternatives et compléments du mécanisme de marché, souvent imparfait et plus coûteux, en internalisant ces transactions afin de réduire l’incertitude et l’instabilité des comportements des parties concernées. Surtout quand le partage de la valeur ajoutée nette créée (ce qui peut être partagé) a fixé, pour 2021, la part des rémunérations salariales à près de 83 % et celle des profits à 17 % 2.

Par exemple, pour réduire les coûts liés aux risques de conflits salariaux, l’entreprise peut distribuer aux salariés une partie des profits qui servent « normalement » à autofinancer ses investissements, à rémunérer actionnaires et banques qui ont apporté les capitaux nécessaires à sa croissance, et à payer ses impôts. Certes ce revenu n’est pas garanti puisqu’il dépend des profits qui ne le sont pas non plus, mais lorsque des bénéfices sont réalisés, les salariés peuvent en recevoir une quote-part, la participation aux résultats (obligatoire en France pour les entreprises de plus de 50 salariés). Ils peuvent aussi percevoir une prime conditionnée à sa performance, l’intéressement qui est, lui, facultatif. Si ces revenus perçus sont déposés sur un plan d’épargne salariale, ils bénéficient d’avantages sociaux et fiscaux accordés par l’État. En 2020, près de 53 % des salariés du secteur privé en ont bénéficié, les entreprises ont versé près de 19 milliards d’euros et sept millions de salariés (sur un total de 14,6 millions) ont perçu un supplément de revenu de 2440 euros en moyenne3.

Cotisation, protection

De même, l’entreprise peut verser à ses salariés dont le salaire est inférieur à trois SMIC, une Prime de partage de la valeur (PPV), anciennement Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) ou prime Macron, pouvant aller jusqu’à 6 000 euros par salarié et exonérée de tout prélèvement social et fiscal. Ces dispositifs de partage des profits augmentent le pouvoir d’achat des salariés à un coût moindre que le coût salarial habituel pour l’entreprise. L’entreprise peut aussi racheter à ses salariés des jours de Réduction du temps de travail (RTT) auxquels ils souhaitent renoncer et qui sont exonérés d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

Certains préconisent même de réduire les cotisations salariales versées par les salariés, celles-ci représentant jusqu’à 30 % de leur salaire brut et impactant d’autant leur pouvoir d’achat. Le problème est que ces cotisations, comme celles versées par les entreprises (jusqu’à 42 % du salaire brut), financent la protection sociale. Les réduire la fragiliserait.

Enfin, l’État verse un complément aux revenus des salariés et fonctionnaires les plus modestes : la Prime d’activité (PA) 4, une aide forfaitaire de 586 euros mensuels pour une personne, majorée selon la composition et les ressources du foyer. À la mi-2022, près de 2,3 milliards d’euros ont été versés à 4,4 millions de bénéficiaires et plus de 20 milliards d’euros sont prévus dans le budget rectificatif 2022 afin de financer le maintien du pouvoir d’achat des Français.

1. “Markets and Hierarchies”, Free Press, 1975 ; “The Economic Institutions of Capitalism”, Free Press, 1985.

2. Hors secteur financier. E. Dor, Director of Economic Studies, IÉSEG, La Tribune, nov. 2022.

3. Résultats Dares n°19, 2022.

4. CNAF, Dser, n°24, 2022.

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