À la fin du XIXe siècle, la France est en tête de tous les nouveaux secteurs moteurs de la deuxième révolution industrielle, dont l’automobile. La production est pourtant très modeste – quelques milliers de véhicules en 1900, à peine 45 000 à la veille de la guerre de 1914.
En 1900, Michelin offre son guide pour tout achat de pneumatiques. Il fournit des informations utiles : carte routière, liste des points d’essence, des garages, puis, à partir de 1904, des hôtels. On estime que l’industrie automobile française dépasse au plan technique l’industrie allemande vers 1890, pour devenir le premier constructeur mondial jusqu’en 1904, et encore le premier en valeur ajoutée par véhicule.
Un mirage peu à peu accessible
D’où une première clientèle haut de gamme : rentiers et nobles, notables, médecins, négociants et industriels. Quelques artisans et instituteurs s’y ajoutent, dans une France largement rurale où la facilité de déplacement justifie un gros sacrifice financier. Les Parisiens, qui inaugurent le métro en 1900, n’ont pas besoin de voiture.
En 1930, le parc automobile français passe le cap du million d’unités pour 40 millions d’habitants. En 1934, André Citroën sort la traction avant au plus noir de la crise économique.
Cette voiture d’avant-garde dessinée par des ingénieurs de l’aéronautique est plébiscitée par l’opinion publique, mais se vend mal à une époque où le crédit à la consommation est inexistant. À la même période, Fiat lance la Topolino, 30 à 40 % moins chère que les voitures françaises d’entrée de gamme.
Citroën, repris par son créancier Michelin pour éviter la faillite, étudie la Toute petite voiture (TPV), définie ainsi par l’homme de confiance de Michelin, Pierre-Jules Boulanger : « Une bicyclette à quatre places, étanche à la pluie et à la poussière, et marchant à 60 km/h en ligne droite1 ».
Du fait de la Deuxième Guerre mondiale, la 2CV Citroën n’est commercialisée qu’en 1948. Rustique mais fonctionnelle, premier modèle à dépasser le million d’exemplaires, dont un quart d’utilitaires dès 1956, elle permet aux Français d’accéder au rêve automobile, quand bien même la chaîne de production avait été sous-calibrée à 100 exemplaires / jour, de sorte qu’un acheteur devait, en 1952, patienter… près de deux ans !
Et la voiture devint populaire
Renault sort en 1947 la 4CV fabriquée sur l’île Seguin (Boulogne-Billancourt) à 1,1 million d’exemplaires au total en 1961, où elle est remplacée par la R4 (plus connue sous le nom de 4L). Même cahier des charges fonctionnel : 4 CV, quatre portes, moteur arrière, consommation de 5 à 6 litres.
En Chiffres
15 millions
C'est le nombre d'automobiles que la France compte en 1975.
Les Français travaillent, font des enfants, sont de mieux en mieux payés, y compris au Smig, puis au Smic, dont la valeur réelle fait plus que tripler de 1945 à 1975. Parallèlement, le parc automobile explose : en 1945, la France comptait 1,5 million d’automobiles pour 40 millions d’habitants, 15 millions pour 55 millions d’habitants en 1975.
Les voitures bon marché destinées à la consommation de masse seront réinventées par Renault à la fin du XXe siècle. Le P.-D.G. de l’époque, Louis Schweitzer, rapporte : « En Russie, j’ai [vu] des Lada bien équipées pour un prix de 6 000 dollars. Ces modèles étaient techniquement périmés, mais répondaient à une demande locale. C’est en revenant de ces voyages qu’est né le projet de la voiture à 5 000 euros, qui devait être un véhicule tricorps, de taille moyenne et destiné à un usage familial. »
À lire Renault : pour survivre, le constructeur automobile veut vendre… moins
Renault rachète donc la marque roumaine Dacia en 1999 pour produire en 2004 la Logan à 6 000 dollars destinée aux pays émergents. Dacia a vendu 3,5 millions d’unités en 2020 pour 7 millions de clients dans 44 pays.
En 50 ans, une révolution
« Les Français aiment la bagnole. » Le président Pompidou en savait quelque chose, lui qui batailla, de 1969 à 1973, contre les limitations de vitesse et, au volant de sa Porsche, s’amusait à semer les motards chargés de sa sécurité…
Cinquante ans plus tard, les voies sur berges « Pompidou », le long de la Seine, sont le symbole d’autoroutes urbaines, les boulevards périphériques conçus pour fluidifier le trafic sont devenus des laboratoires de limitations de vitesse, les ronds-points pullulent, les voies urbaines réservées signent la réduction de la circulation au profit des transports en commun et du vélo, nouvelle idole des villes.
L’automobile est désormais grevée de taxes anti-pollution, plombée d’interdictions de stationnement, voire de circulation dans les centres-villes, astreinte à d’innombrables obligations de sécurité (assurance, contrôle technique, équipements comme… les « gilets jaunes »).
Toutefois, si les urbains délaissent l’achat automobile, ils n’en dédaignent pas l’usage via des plateformes d’autopartage ou de location. La liberté de se déplacer, de choisir son itinéraire et son horaire, de transporter un chargement confortablement installé dans des véhicules devenus des salons roulants dotés d’innovations… On n’en finirait pas d’égrener les avantages éternels de la « voiture de tourisme ».
Notes
1. « La 2CV », Jérôme Thuez, in Jacques Marseille (dir.), Puissance et faiblesses de la France industrielle, 1997