Le TP n’est pas une prestation ponctuelle, « il contient l’idée de récurrence, d’accompagnement dans le temps, même si ce n’est pas forcément contractuel », explique David Bibard, fondateur du Portail du temps partagé et contrôleur de gestion à la tête d’un réseau d’indépendants en TP. Pour travailler en direct avec une entreprise, « il faut initier une démarche commerciale, ce qui prend du temps. Le TP vous évite cette démarche ».
Il est possible de combiner plusieurs statuts et de s’organiser de manière souple : quelques jours par semaine ou par mois, rarement plusieurs mois d’affilée. « Le télétravail a permis à certains d’avoir des journées partagées entre plusieurs employeurs, ajoute David Bibard, et de gagner des clients à distance. » Mais pour Audrey Varona-Stone, directrice marketing en temps partagé et fondatrice du réseau d’indépendants Flexter, « le Covid a complexifié les processus de décision et rendu les entreprises plus frileuses, donc la prospection prend plus de temps ».
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Des profils plutôt expérimentés
Le temps partagé permet de s’affranchir du salariat traditionnel tout en gardant des relations pérennes. Il concerne en général des professionnels expérimentés qui se lancent, mais David Bibard observe un rajeunissement : « Avant, c’était le dernier plan de carrière, presque par défaut, maintenant, c’est un deuxième parcours professionnel pour des quadragénaires », souvent lassés du salariat traditionnel.
Helena Ferreira, assistante de gestion a plus de 20 ans d’administratif et de comptabilité derrière elle : « Au bout d’un moment, c’est toujours la même chose. » Désormais, elle travaille via Gemploi et en direct, « dans des structures avec des activités et des enjeux – donc des tâches administratives – très différents ».
En TP, il faut « savoir mettre en avant ses compétences, se faire accepter en interne. Pour celui qui a été toujours salarié dans une seule entreprise, se vendre n’est pas naturel », avertit David Bibard.
Mais pour Olivier Porte, dirigeant de l’industriel Porte SAS, qui recourt à des indépendants en TP via le réseau Finaxim ou directement, « si on a pris le temps de bien intégrer la personne, le fonctionnement est fluide ». Helena Ferreira explique : « Je n’hésite plus à donner mon avis, à faire des propositions. Si j’étais en CDI, je n’aurais peut-être pas la même attitude. »
Plus de variété, plus de travail
Parmi les avantages, « on se sent utile, on est loin de la petite politique interne de l’entreprise, on peut aller à l’essentiel », assure David Bibard. Audrey Varona-Stone vante « un lien plus franc avec le client car on n’est pas obsédé par la nécessité de conserver son poste ».
Helena Ferreira, elle, apprécie la flexibilité : « Si l’entreprise nous propose des missions intéressantes, on reste. Sinon, Gemploi nous place dans une autre. C’est enrichissant : secteurs, missions, types de personnes diffèrent. J’apprends tous les jours. »
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Même si cela impose une charge de travail conséquente en arrivant dans des entreprises dont on ne connaît pas les secteurs d’activité. De plus, « cela procure des revenus récurrents, il y a toujours une intervention prévue, on ne perd jamais tout d’un coup, assure David Bibard. Mais rien n’est jamais acquis : j’ai perdu un client après 10 ans, il faut sans cesse faire de la promotion ».
Cette souplesse mentale, tout le monde ne l’a pas.
D’autant que la charge de travail est très dense sur certaines périodes. Audrey Varona-Stone trouve difficile de trouver « le bon équilibre entre la prospection et les missions : quand on est dans le rush pour un client, on n’a pas le temps de prospecter, avec le risque de se retrouver sans rien à l’arrivée ».
Organiser les missions aussi peut être un défi. « Certaines sont régulières, d’autres demandent une grosse présence initiale, puis un accompagnement. Une hausse d’activité peut aboutir à un goulet d’étranglement », selon Audrey Varona-Stone, il faut impérativement « renforcer sa capacité d’organisation et de cadrage » pour déterminer avec chaque entreprise le temps qu’on va lui consacrer.
Olivier Porte insiste quant à lui sur la nécessité de « toujours garder une marge de disponibilité. Si la personne a trop de clients et n’est plus disponible, sa valeur va diminuer ». Audrey Varona-Stone est certaine que le TP a un bel avenir : « Le CDI ou rien, c’est fini. Il faut de la flexibilité, sans tomber dans l’ubérisation. C’est exactement ce que permet le temps partagé. »