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[Chronique] Les actionnaires doivent avoir plus de poids sur les décisions des entreprises
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[Chronique] Les actionnaires doivent avoir plus de poids sur les décisions des entreprises
Une société doit-elle servir l’intérêt de ses actionnaires ou servir un intérêt propre plus large ? La bataille se durcit au sein des conseils d'administration. Pour Arnaud Marion, président de l'Institut des hautes études de gestion de crise, les actionnaires doivent en tout cas être plus écoutés au sein des conseils d'administration.
Arnaud Marion, président de l'Institut des hautes études de gestion de crise (IHEGC)
Je rencontre rarement des actionnaires qui se revendiquent « activistes ». Les actionnaires motivés et stimulants préfèrent se décrire comme « actifs ». Généralement, dans une entreprise, la gouvernance en place (conseil d’administration et direction générale) se plaît à étiqueter « activistes » ceux qui ne sont pas d’accord avec elle, qui veulent renverser la table et s’ériger en lanceurs d’alertes sur une situation qu’ils jugent anormale.
C’est une façon de stigmatiser ces actionnaires remuants par rapport aux légitimistes (en place). On assiste à l’émergence d’une vraie « opposition » au sein des assemblées générales d’actionnaires.
Mais l’activisme reste un trou noir juridique, il n’en existe aucune définition établie. À l’origine, l’activisme était le fait d’actionnaires ultra minoritaires et très visibles, souvent des vendeurs à découvert anticipant une chute du cours de Bourse.
Éco-mots
Say-on-pay
Droit pour les actionnaires de se prononcer sur les systèmes de rémunération des dirigeants d'une société cotée (salaire, retraite, prime, indemnités de départ, stock option...). Ce dispositif existe en France depuis 2013. Sa première apparition date de 2002 au Royaume-Uni.
Puis le say-on-pay a offert aux actionnaires la possibilité de dire « non ». Ce say-on-pay est devenu l’indicateur de consensus ou de dissension dans une entreprise : on se souvient du vote négatif de l’État, en 2017, sur les rémunérations de Carlos Ghosn. Les activistes se sont engouffrés dans la brèche.
Les temps changent et la nouvelle génération d’actionnaires activistes adopte une approche dite « value », c’est-à-dire qui parie sur une appréciation du cours de Bourse une fois que l’entreprise aura, sous leur pression, adopté une meilleure stratégie.
Les batailles se livrent désormais autour de « l’intérêt social » (la mission fondamentale) de l’entreprise, et mettent souvent en évidence une fracture entre les actionnaires et leurs représentants au sein des conseils d’administration ou de surveillance.
C’est un combat sur les choix stratégiques, mais aussi sur la gouvernance : en quelques semaines, on l’a observé successivement chez Lagardère, Unibail Rodamco Westfield ou Suez.
L’enjeu est clair : déterminer si une société est là pour servir l’intérêt de ses actionnaires ou si elle doit défendre un intérêt propre plus large, l’intérêt social, qui prendrait en compte toutes les parties prenantes de l’entreprise : salariés, créanciers, partenaires, clients, fournisseurs, voire la puissance publique, au nom de l’intérêt général.
Fracture entre les actionnaires et leurs représentants au sein des conseils d’administration
La récente réaction des salariés de Lagardère ou de Suez reflète leur sentiment d’être négligés lors des conflits entre actionnaires, les laissant souvent sur le côté, écartés des débats par des intérêts financiers colossaux.
Cela pose évidemment la question de la légitimité de ces conseils d’administration qui représentent trop peu la vraie composition de l’actionnariat, qui disent agir au nom d’un intérêt social souvent flou, tout en se gardant bien de demander leur avis aux actionnaires. Bref, on a sacrément besoin des actionnaires dans les conseils d’administration…