En français, le mot japonais « bento » désigne un repas pris hors du domicile. Or, les boîtes destinées à cet usage sont fabriquées… près de Clermont-Ferrand ! Cet apparent paradoxe résume la trajectoire de Monbento et la démarche de son fondateur, Fabien Marret.

Crédits : Ludovic Combe.
C’est en 2009 que ce designer passionné du Japon, alors âgé de 27 ans, crée l’entreprise avec sa compagne, Émilie. À l’origine, le couple, sensible aux problèmes d’environnement, voulait monter un projet de restauration à emporter, bio et zéro déchet. Les banques n’avaient pas suivi. Le couple commence alors à vendre sur Internet les fameuses boîtes importées d’Asie. Jackpot ! Ces années-là, les Français découvrent avec enthousiasme les bentos ; le mot trouve même sa place dans le dictionnaire.
Monbento en data
Pour appuyer son lancement, l'entreprise a levé 500 000 euros en 2011 et 2013. En 2020, Monbento a réalisé 10 millions d'euros de chiffre d’affaires. Elle exporte environ 70 % de ses marchandises, en particulier vers la Chine et l'Allemagne. Si son siège est à Clermont-Ferrand et l'entreprise compte 46 salariés en France, la Chine n'est pas en reste avec 18 salariés. P
Un patron sachant dessiner
« Ça a tout de suite fonctionné. Très vite, nous avons constaté que notre produit concernait les quatre millions d’actifs qui emportent leur repas au travail. Leur objectif est de faire des économies, mais ils ont aussi envie d’un bel objet », explique Fabien Marret. Dès 2011, pour garder sa place sur ce marché prometteur où émergent déjà des concurrents, Monbento se structure grâce à une première levée de fonds.
« Nous avions démarré sans apport bancaire », rappelle Fabien Marret. Il étoffe l’équipe – jusqu’à une dizaine de personnes. Et peaufine son offre, visant l’excellence. « La fonctionnalité et l’esthétique du produit comptent. » Fabien Marret dessine lui-même les bentos fabriqués en Chine.
Les boîtes deviennent un peu plus grandes, à la mesure de l’appétit des Français ; elles sont plus hermétiques aussi, pour s’adapter aux plats en sauce. La gamme s’élargit : couverts, bouteilles… Très vite, ces nouveautés attirent l’attention des distributeurs. À Internet s’ajoute alors un nouveau circuit de distribution : Galeries Lafayette, Bon Marché… Résultat, entre 2011 et 2013, le chiffre d’affaires bondit de 300 000 à 1,2 million d’euros.
« Travailler sans cesse, c’est mauvais signe »
« Certains trouvent leur équilibre en s’investissant totalement dans leur job. Ce n’est pas mon cas : je consacre les soirs et les week-ends à ma famille, sauf cas exceptionnel. Le respect des rythmes et des rituels, la régularité, c’est très important. Pour moi, le fait de travailler sans cesse est le signe d’une mauvaise organisation, d’un manque de moyens. La base, c’est de conserver son équilibre : si je ne me sens pas bien, c’est tout le monde qui trinque, à la maison et dans l’entreprise ! Pour moi, cet équilibre passe par des choses simples, notamment le yoga. »
Implanté sur le marché français, Monbento entame alors une nouvelle phase de son expansion. En 2013, l’entreprise mise sur l’export et s’attaque au marché américain et surtout, à l’Asie.
Deux ans plus tard, le grand pas est franchi : « En 2014, nous avons ouvert notre filiale en Chine et aujourd’hui, ce pays représente 35 % de notre chiffre d’affaires », relate Fabien Marret. Pendant que l’entreprise se déploie à l’international, une partie de la production initialement basée en Asie est confiée à deux entreprises françaises, dans l’Ain et à côté de Clermont-Ferrand.
En 2017, déjà, elles fabriquaient le tiers des produits, une proportion qui devrait grimper à 50 % d’ici à la fin de cette année. « Nous aurons le “made in France” pour l’Europe et la production en Chine pour les pays asiatiques », décrypte Fabien Marret. Dans cette nouvelle organisation, efficacité logistique et souci de la Responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) vont de pair.
Des étoilés à emporter
« J’ai une vision à long terme. Depuis le début, le développement durable est central pour moi », explique Fabien Marret. Ainsi, en 2018, pour trouver les ressources nécessaires au développement de son entreprise, il cède la majorité du capital au groupe Peugeot Frères Industrie (qui produit du matériel de cuisine).
Depuis, Monbento continue son expansion : durant la pandémie, l’entreprise a embauché une vingtaine de personnes, dépassant les 60 salariés. Son chiffre d’affaires a atteint 10 millions d’euros. Aujourd’hui, les perspectives sont nombreuses. Monbento mise en particulier sur le développement d’une activité qui représente 10 % de son chiffre d’affaires : les restaurateurs proposant des plats à emporter. Et des chefs étoilés font déjà appel à Fabien Marret.
Ne faites pas la même erreur…
Un recrutement précipité
« Je n’aime pas le mot “erreur”. Je préfère penser en termes de processus d’apprentissage, d’amélioration. Récemment, par exemple, nous avons dû rectifier une erreur de recrutement. Nous devions embaucher un ingénieur industriel dans notre usine chinoise. Vu le contexte sanitaire, nous avons été obligés de procéder à un recrutement local et le candidat sélectionné ne parlait pas anglais.
C’était une mauvaise décision : les blocages culturels et linguistiques entravaient les projets. Cela nous a pris huit mois pour réfléchir et comprendre comment corriger ces dysfonctionnements. Nous avons alors décidé d’embaucher une personne supplémentaire, un supérieur hiérarchique de l’ingénieur, avec une culture internationale et qui maîtrise l’anglais.
Deux mois plus tard à peine, les effets sont considérables : en Chine, l’équipe fonctionne mieux. Et les informations qui nous parviennent sont claires et précises. Elles nous permettent de prendre les bonnes décisions pour faire avancer les projets. »
Crédits photo d'illustration : Shisodelicious.