- Accueil
- Entreprise
- Travail
Contre l'économie informelle, la bataille des inspecteurs du travail
Entreprise
Contre l'économie informelle, la bataille des inspecteurs du travail
Ils traquent les activités informelles. Les inspecteurs du travail se rendent dans les entreprises pour vérifier les contrats et les conditions d’exercice des salariés. Témoignage.
Cathy Dogon
© LANGROCK/LAIF-REA
« C’est un métier à la fois social (malgré tout), humain, juridique et de terrain. » Gianni Dinocca a été inspecteur du travail pendant neuf ans avant de prendre la tête de l’une des 44 unités de contrôle de l’Île-de-France. Elles chapeautent 440 sections territoriales, dont certaines s’occupent d’un secteur en particulier : transports ferroviaires, entreprises agricoles, chantiers liés aux JO 2024, etc.
Avec une centaine de dossiers par an, chacun des 1 952 agents de contrôle français s’assure du respect du Code du travail en matière de déclaration et de rémunération, mais aussi pour ce qui concerne les conditions de sécurité et de santé : un quart des enquêtes réalisées en 2021 concernaient des accidents du travail. « Parfois, quand on arrive en entreprise, les salariés pensent qu’on inspecte la qualité de leur travail, mais en fait, on est là pour les protéger. »
Dans les petites structures, la venue d’un inspecteur du travail étonne souvent. Pourtant, 68 % des inspections de 2021 ont eu lieu dans des entreprises de moins de 50 salariés : « La première question que nous posent les patrons, c’est : “Qui nous a dénoncés ?” ». Une plainte peut en effet déclencher une inspection, qu’elle vienne d’un salarié, d’un membre du Comité social et économique (CSE) ou d’un syndicat. Mais pas que. Chaque unité de contrôle tient un registre des entreprises pour toutes les contrôler. Elle respecte aussi les priorités édictées par la Direction générale du Travail. En 2023, par exemple, l’accent est mis sur les droits des salariés à temps partiel, dans des secteurs fortement féminisés : le nettoyage, les services à la personne et l’aide à domicile.
Source : « Le travail au noir », Baromètre TNS-Soffres pour OuiCare, édition 2018.
En 2021, les interventions ont concerné pour 27 % le secteur de la construction, 13 % l’industrie et 12 % le commerce, soit 6,7 millions de salariés au total.
120 000 contrôles, 8 941 procès-verbaux, 504 fermetures
Dans les plus grandes entreprises en revanche, les services de ressources humaines sont habitués. « Mais l’effet de surprise est toujours important, insiste Gianni Dinocca, pour que l’on puisse constater sur place. Si l’employeur sait qu’on arrive, il va ranger tout ce qui est interdit ou mieux équiper les salariés juste le temps du contrôle. On ne saura pas ce qui se passe une fois qu’on repart. » S’ensuivent la visite des locaux, des échanges avec le personnel et la réquisition de quelques documents : « Contrats de travail, bulletins de paie, fiches de données de sécurité si on est sur la verticale du Code du travail qui concerne la santé, la sécurité en matière de risques chimiques, par exemple. » Ces documents sont analysés, puis il peut y avoir une contre-visite et/ou un échange avec l’employeur.
« On inflige rarement une amende à l’issue d’un premier contrôle. On rédige généralement une “lettre d’observation” avec des recommandations qu’on transmet au dirigeant, puis on revient quelques mois plus tard pour vérifier que les problèmes ont été réglés. Si ce n’est pas le cas, on sanctionne. » Entre 2019 et 2021, 120 000 actions de contrôle sur le travail illégal ont été menées par l’inspection du travail. Sur cette période, ces contrôles ont généré 8 941 procès-verbaux et 504 fermetures d’établissements ou arrêts d’activité et, en 2022, 605,7 millions d’euros de redressement pour cotisations et contributions sociales frauduleusement éludées.