Economie

Covid-19 : quel risque chimique pour les agents d’entretien ?

Le déconfinement marque le retour des employés de bureau. Les agents d'entretien jouent un rôle majeur pour éviter une seconde vague du Covid-19.  Les entreprises de nettoyage doivent s'adapter à de nouveaux protocoles qui mettent parfois en danger leurs équipes.

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© Rea

Depuis le début de l’épidémie, les agents d’entretien nettoient frénétiquement les poignées de porte, boutons d’ascenseur, interrupteurs, claviers… Cette prévention limite la transmission du virus. Mais quels sont les produits utilisés ? Leur inhalation est-elle sans risque pour la santé de ceux qui les utilisent ? 

L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) donne des premiers éléments de réponse. “Un nettoyage plus fréquent risque d'accroître l’exposition aux risques chimiques due aux produits d’entretien”, note dans son dernier rapport l’institution et ajoute : “l’usage répétitif d’un désinfectant de surface peut créer des micro-organismes résistants au désinfectant ou d’ouvrir la porte à d’autres micro-organisme”.

Des réactions immédiates

D’après Christine David, responsable du pôle risques biologiques de l'INRS, le danger réside dans la fréquence des produits utilisés pour combattre le virus (principalement des désinfectants  contre des simples “tensioactifs” en temps normal).

“L’eau de javel irrite les yeux et peut dégager du chlore si elle est mélangée avec des détartrants, dans les toilettes par exemple. Cela peut provoquer une forte irritation des bronches. L’inhalation de concentrations élevées d'éthanol et d’isopropanol peut entraîner des effets narcotiques, un engourdissement, des maux de tête, s’accompagnant généralement d’une irritation des yeux et des voies respiratoires.”  

Des produits qui accroissent les risques pour les professionnels du nettoyage, selon Etienne Deschamps, de la Confédération nationale du travail - Nettoyage. “Sur le chariot d’un agent d’entretien, s’amasse, en temps normal, une quinzaine de produits cancérigènes. On ne les protège pas contre ces produits-là, alors je ne pense pas qu’on va les protéger particulièrement pendant le déconfinement”. 

Pour prévenir d’éventuelles réactions, Christine David recommande, particulièrement en ce moment, l’équipement le port de gants adaptés aux produits chimiques utilisés et de se couvrir le corps entièrement. L’utilisation d’aérosols, jets d’eau à haute pression et balais, mettant en suspension les micro organismes et les substances toxiques, doit être évitée.

“Pas de danger avec le gel hydroalcoolique s’il est appliqué sur les mains. Il ne faut en revanche pas nettoyer de grandes surfaces avec” conseille Christine David aux hypocondriaques.
Christine David

responsable du pôle Risques biologiques de l'INRS

Certaines entreprises communiquent sur l’utilisation de produits plus respectueux de l’environnement, et ce, bien avant le confinement. “Les produits biologiques à base de plantes demandent la même vigilance que d’autres produits chimiques”, tempère la chercheuse de l’INRS. “Il faut se référer à la fiche de données de sécurité (FDS) concernant les recommandations d’usage”. 

Des désinfections excessives ?

Si les bureaux individuels, malgré un taux d’occupation plus faible pendant le confinement, ont continué à être nettoyés quotidiennement, les espaces communs concentrent toutefois les efforts des professionnels du nettoyage.

Des entreprises de nettoyage plus sollicitées ? 

Comme dans beaucoup d’autres secteurs, les entreprises de nettoyage ont pâti du confinement. Leur niveau d’activité a chuté à 55% en avril, selon la Banque de France. Les besoins en désinfection pourraient néanmoins leur permettre d’accuser ce retard économique. “On n’est pas sur les mêmes métiers” nuance Etienne Deschamps, représentant syndical des professionnels du nettoyage avant d’ironiser “de toute façon, on va avoir du mal à externaliser vers des pays en voie de développement”. “Les entreprises ont anticipé la formation d’agents, pendant le confinement, pour les techniques très particulières que nécessite la désinfection”. Bien que l’INRS ne recommande pas la désinfection systématique, la politique de nettoyage dépend des commandes du client. “Les hôtels standing désinfectent les chambres à chaque changement de clients” raconte Étienne Deschamps, “et demandent l’usage de brumisateur de produits désinfectants”. Dont les effets cités plus haut peuvent nuire à la santé. 

“En fonction du nombre de personnes susceptibles de contaminer les surfaces, rampes, interrupteurs, boutons d’ascenseurs doivent être nettoyées au moins quatre fois par jour” recommande Christine David par essuyage avec des lingette imbibées d'un produit contenant un tensioactif ou un mélange de tensioactif et de désinfectant. Une recommandation figurant aussi dans le “protocole national de déconfinement pour les entreprises” publié le 3 mai par le ministère du Travail. 

La désinfection complète de locaux, un dispositif plus lourd nécessitant le passage de plusieurs produits chimiques et plusieurs rinçages, est réservée à des espaces concentrant les risques de contamination, comme les hôpitaux. 

A l'heure actuelle on estime que le virus survit trois heures sur une surface sèche et jusqu’à six jours sur une surface humide” poursuit la biologiste. “Tout dépend de la concentration du virus dans le postillon, du type de surface, de l’humidité et de la température du lieu. Si un collaborateur se révèle finalement porteur, le virus dans son espace de travail aura décliné au bout de 24h. On peut néanmoins laisser le choix d'effectuer un nettoyage avec un produit contenant un désinfectant ou non.

Le risque chimique concerne plus les agents d’entretien que les occupants de bureau ou de salles de classe. Mais à forte dose, des effets indésirables peuvent être rencontrés par tous. 

“Les agents d’entretien sont néanmoins plus exposés à la Covid-19, et particulièrement depuis la reprise d’activité, précise le représentant syndical. Conserver une distanciation sociale de 4m² de dans des couloirs de 1,5m de large… On est forcément dans les choux.”

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