Economie
De Facebook Inc. à Meta, pourquoi les entreprises changent-elles de nom ?
Sélection abonnésLe processus de « rebranding » est long, coûteux et comporte des risques. Mais il est nécessaire à toute entreprise dont le nom ne reflète plus les activités.
Pierre Garrigues
© Mateusz Slodkowski/ZUMA Press/ZU
Finis, les Gafam : bienvenue aux... Gamam ? Certes, cela sonne un peu moins bien. Pas sûr que Mark Zuckerberg, le fondateur et PDG de Facebook, ait pris cette donnée en compte lorsqu’il a décidé de changer le nom de Facebook Inc., la maison mère du réseau social – mais aussi d’Instagram, de WhatsApp et de multiples autres entreprises –, en Meta.
Méta : préfixe du grec μετά (meta) : après, au-delà de, avec. « Un mot grec, c’est intéressant », note Marcel Botton, créateur de la société spécialisée dans la création de noms de marques Nomen. « La culture gréco-latine domine le monde des affaires, à travers la langue anglaise, dont la moitié des mots sont issus du latin ou du grec. »
Un mot « au sens extrêmement ouvert », ajoute-t-il. Lætitia Biel, experte en stratégie de « branding », acquiesce : « Meta est une marque ''aspirationnelle'', qui ouvre le champ des possibles. Zuckerberg veut montrer qu’il peut en tant que groupe englober des projets très variés. » À l’instar du métavers, ce réseau social de réalité virtuelle – déjà concurrencé par Microsoft – sur lequel travaillent les équipes de Facebook. Enfin, de Meta. Bref, résume Latitia Biel : « Changer de marque, c’est changer de stratégie. »
Finis, les Gafam : bienvenue aux... Gamam ? Certes, cela sonne un peu moins bien. Pas sûr que Mark Zuckerberg, le fondateur et PDG de Facebook, ait pris cette donnée en compte lorsqu’il a décidé de changer le nom de Facebook Inc., la maison mère du réseau social – mais aussi d’Instagram, de WhatsApp et de multiples autres entreprises –, en Meta.
Méta : préfixe du grec μετά (meta) : après, au-delà de, avec. « Un mot grec, c’est intéressant », note Marcel Botton, créateur de la société spécialisée dans la création de noms de marques Nomen. « La culture gréco-latine domine le monde des affaires, à travers la langue anglaise, dont la moitié des mots sont issus du latin ou du grec. »
Un mot « au sens extrêmement ouvert », ajoute-t-il. Lætitia Biel, experte en stratégie de « branding », acquiesce : « Meta est une marque ''aspirationnelle'', qui ouvre le champ des possibles. Zuckerberg veut montrer qu’il peut en tant que groupe englober des projets très variés. » À l’instar du métavers, ce réseau social de réalité virtuelle – déjà concurrencé par Microsoft – sur lequel travaillent les équipes de Facebook. Enfin, de Meta. Bref, résume Latitia Biel : « Changer de marque, c’est changer de stratégie. »
Éco-mots
Acronyme désignant les géants du numérique Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft, stars de la Silicon Valley en Californie. Entreprises plus ou moins jeunes et dont la capitalisation boursière est impressionnante.
« Modifier l’histoire que l’on raconte aux clients »
Ainsi, « la raison majeure et évidente », glisse Marcel Botton, tient du sens du mot « facebook », soit « trombinoscope en anglais ». « Et trombinoscope, ça ne colle pas aux autres activités. » Car l'ex-Facebook, c'est aussi Instagram, WhatsApp, les casques de réalité virtuelle Oculus Quest – dont la marque disparait tout bonnement au profit de Meta Quest –, mais aussi LiveRail, une start-up de pubs vidéo, l’application de reconnaissance vocale Wit.AI ou encore l’appli de fitness Moves .
« A fortiori, il serait absurde que le métavers fasse partie d’une société nommée Facebook. » Il s’agit donc de rassembler sous une marque-ombrelle les activités très variées, acquises au fil des ans, du groupe.
C’est d'ailleurs là l’une des premières causes de « rebranding » des entreprises, souligne Marcel Botton : le changement d’activité. « Autrefois, une compagnie de biscuits sablés restait des années une compagnie de biscuits sablés. Aujourd’hui, dix ans après sa création, une entreprise peut faire complètement autre chose. »
Il se remémore le cas de Vivendi, qu’il a contribué à renommer en 1998 : « Elle s’appelait encore la Compagnie générale des eaux, alors que la gestion de l’eau ne concernait plus qu’un pourcent de son activité. » Et de constater que ce processus se multiplie « en même temps que l’économie s’accélère. Les mouvements de capitaux sont plus fréquents qu’autrefois, les entreprises changent de main, et donc de nom ».
À lire La GAFA-économie, c’est…
Bien sûr, chaque entreprise a de bonnes raisons d’engager une telle manœuvre. Professeur émérite à HEC où il préside le département Marketing, Laurent Maruani souligne que « pour les entreprises qui s’étendent à l’international, il est parfois nécessaire de trouver un nouveau nom dont la phonétique convient à tous les pays d’implantation. »
Aujourd’hui, dix ans après sa création, une entreprise peut faire complètement autre chose.Marcel Botton,
créateur de la société spécialisée dans la création de noms de marques Nomen.
Laetitia Biel travaille ainsi avec des linguistes et des anthropologues. Le but, explique Laurent Maruani : « Éviter de relever de l’insulte ! Imaginons que je lance mon nouveau modèle de voiture en Espagne, et que je décide de l’appeler ''Nova''. Et bien, ''Nova'' signifie ''ne marche pas'' en Espagnol. C’est comme si j’avais une voiture de la marque ''épave''. » Impossible de ne pas penser à l'Audi e-tron, dont l’appellation a suscité quelques moqueries à son lancement dans l’Hexagone…
De manière générale, un changement de marque est un message envoyé aux consommateurs. « Il s’agit de modifier l’histoire que l’on raconte aux clients », résume Loïk Lherbier, président du cabinet de conseil de « brand thinking » Yuma. « PSA et Fiat, lors de la fusion, ont voulu montrer qu’ils étaient dans une relation d’égal-à-égal et ont choisi un nouveau nom, Stellantis. L'opérateur France Télécom, de son côté, s’est renommé Orange (en 2013, NDLR) d’après l’une de ses pépites pour se débarrasser de son image étatique poussiéreuse. Il fallait rendre lisible sa transformation numérique, sa modernisation. »
Un blason à redorer ?
Ce n’est pas le seul aspect qui a motivé France Telecom à entamer son rebranding. « Elle avait une image d’entreprise difficile, après une vague de suicides en interne… », rappelle Laurent Maruani. L'entreprise a d'ailleurs été condamnée pour le harcèlement moral « institutionnel » exercé par ses plus haut dirigeants sur l'ensemble du personnel.
Serait-ce là la stratégie de Facebook ? L’annonce du changement de nom intervient en pleine période de troubles pour l’entreprise, quelques semaines après les révélations de la lanceuse d’alerte et ancienne employée du groupe Frances Haugen, qui accuse Facebook d’avoir délibérément ignoré une partie des dangers imputés à l’utilisation de ses réseaux sociaux afin de préserver ses profits.
« Meta c’est le contraire, linguistiquement, de Facebook », estime ainsi Laurent Maruani. « Facebook c’est : ton visage rentre dans un livre, alors qu’avec Meta tu échappes à l’univers de l’empreinte. C’est un changement de message radical. Ils en ont besoin parce qu’ils sont en danger de considération, de réputation. »
La rémanence de la marque
« Facebook est effectivement dans la tourmente en ce moment », concède Marcel Botton. « Mais le changement de nom avait sans doute déjà été pensé en amont, et était nécessaire. » Même son de cloche chez Loïk Lherbier : « Si le rebranding n’est qu’une façon de détourner l’attention, c’est une stratégie très court-termiste qui ne remplira pas son rôle dans la durée. Pour Facebook, il y a un enjeu d’amélioration d’image, de moralisation des pratiques, mais je pense que ça se fera de façon très concrète pas des évolutions dans l’offre, dans leur stratégie éditoriale de communication. »
Il ne faut en effet pas sous-estimer la rémanence de la marque, avertit Laurent Maruani. « Des marques comme Havas Voyages durent encore longtemps après qu’elles ont disparu. Si la marque Kleenex n’existait plus, il y aurait encore des Kleenex. » Et si la marque Kleenex changeait de nom pour échapper à une image dégradée… elle continuerait donc de pâtir de cette dernière. La maison-mère de Google, par exemple, a changé de nom en 2013 pour Alphabet, mais reste encore aujourd’hui Google dans les esprits.
« Changer de nom ne change pas la réalité : Facebook détruit notre démocratie et c’est le colporteur en chef de la désinformation et de la haine », a notamment réagi une ONG de militants anti-Facebook, « Le vrai conseil de surveillance de Facebook ».
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Une solution (pas) miracle
Et si le rebranding ne fonctionne pas ? Pour Laurent Maruani, le choix du nom Meta est « étrange ». « Dans Metaverse, il y a ''aversion''. Ils se tirent psychanalytiquement une balle dans le pied. Et puis, au moindre bug, ça va y aller : les ''metastase'', les ''meta-veste il va faire froid…'' »
Pari gagné : « Meta, c’est-à-dire "nous sommes un cancer à la démocratie qui se métastase en machine de surveillance et de propagande pour soutenir les régimes autoritaires et détruire la société civile… et faire des bénéfices !" », a d’ores et déjà ironisé sur Twitter l’élue star de la gauche américaine, Alexandria Ocasio-Cortez.
Le risque existe, pour certaines marques, de « perdre en notoriété » après un rebranding loupé, juge Marcel Botton, avant de nuancer : « Principalement sur les petites ou moyennes entreprises. » Il précise cependant : « Je n’ai jamais connu d’échec de changement de nom à titre personnel. » Ils existent néanmoins, au point que certaines marques, prises de court par la froideur de l’accueil des clients, décident de faire machine arrière.
Changer de nom n’est pas une garantie d’un renouveau total ou d’une nouvelle image.Loïk Lherbier,
président du cabinet de conseil de « brand thinking » Yuma.
D’où l’importance de bien choisir son nom. « Le choix du nom Meta est ambitieux », reprend Laetitia Biel. « Le métavers agite déjà l’Internet. Et il n’est pas certain qu’il soit un succès, ni populaire ni commercial. C’est un pari risqué : le nom Meta est lié au succès du projet de métavers. »
« Changer de nom n’est pas une garantie d’un renouveau total ou d’une nouvelle image », résume Loïk Lherbier. « Seulement un des éléments de la stratégie. » Il rappelle le cas de la Talisman, modèle de la gamme moyenne supérieure de Renault. « La Laguna se vendait de moins en moins bien, alors, ils l’ont renommée Talisman. Résultat, la Talisman a eu encore moins de succès que la Laguna. Le changement de nom a eu un effet négatif. »
Lorsque le nom seul change, sans inflexion de concept ou de stratégie, le rebranding suffit rarement. « C’est en fonction de l’objectif de l’entreprise que l’on pourra faire un choix éclairé ou créatif de marque ou de logo », théorise Laetitia Biel.
Bref, on ne se « rebrand » pas en un claquement de doigts. « On peut claquer des doigts mais la magie n’opère pas toujours », conclut Loïk Lherbier.
Le « reverse rebranding » ou le retour aux sources
Lorsque le changement de nom se retourne contre l’entreprise, deux possibilités s’offrent à cette dernière. Mais aucune n’est gagnante. La première : conserver cette nouvelle marque, pourtant peu appréciée des clients. « On ne revient pas sur ses pas », martèle Laurent Maruani, professeur émérite à HEC. « On essaie d’imposer le rebranding par la force. »
Une manière, bien sûr, de ne pas perdre la face auprès des investisseurs. Laetitia Biel, spécialiste du rebranding, se remémore le cas du vestimentaire américain Gap. « Ils ont décidé de changer de logo du jour au lendemain, en 2010. Le nouveau logo n’a pas plu, a provoqué un bad buzz… et Gap est reparti en arrière, a repris l’ancien logo. Gap a préféré montrer qu’il était à l’écoute des clients et changer, mais a en même temps signifié aux actionnaires qu’il n’y avait pas de vision stratégique claire et affirmée au sein du groupe. »
Pourtant, Loïk Lherbier, directeur du cabinet de rebranding Yuma, a en tête plusieurs cas de reverse rebranding. Décathlon, d’abord, qui, dans une manœuvre similaire à celle qu’effectue Facebook Inc. aujourd’hui, avait voulu renommer sa holding Oxylane.
L’objectif : clarifier l’architecture de la marque, qui, comme Facebook, regroupait de nombreuses activités et marques. Un projet abandonné au bout de dix ans, il y a quelques années. « À force de rajouter des couches et des couches de marques, le groupe n’était plus suffisamment lisible », explique Loïk Lherbier. « Qui plus est, le nom Oxylane n’avait aucune signification. »
Parfois, le nom est simplement trop mal choisi. Lorsque le groupe Accor décide, il y a sept ans, de se renommer AccorHotel, il a pour ambition d’envoyer un message clair : le groupe se recentre sur l’hôtellerie. Sauf qu’entre-temps, Accor se développe dans le coworking, le coliving, l’événementiel… et doit faire demi-tour : le nouveau nom est tout bonnement trop restrictif. Pour autant, le reverse rebranding reste « rare », assure Loïk Lherbier.
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