“Il y a deux types d’entrepreneurs : ceux qui quittent leur emploi de salarié avec une solide expérience pour se lancer et ceux qui, comme moi, ne se voient pas faire autre chose » Le ton est direct, l’élocution rapide, l’enthousiasme évident. À 34 ans, le fondateur de Snips, l’une des réussites françaises dans le domaine de l’Intelligence artificielle (IA), n’est pas du genre à douter. « À aucun moment je ne me suis dit qu’il y avait 50 % de chances pour que ça marche », explique Rand Hindi, Français d’origine libanaise féru d’IA et de big data. « Si l’on veut faire quelque chose de vraiment innovant, il ne faut pas penser en termes de risque. »
Ce qui ne signifie pas créer sa start-up sur un coup de tête. Passionné d’informatique – il a co-créé un réseau social avant ses 15 ans – Rand Hindi décroche un doctorat de bio-informatique à l’University College de Londres avant de suivre des cours à la Singularity University de la Silicon Valley. Il est convaincu que l’IA va bouleverser nos vies si on parvient à la rendre invisible et à l’exploiter tout en respectant la vie privée.
Snips naît de cette idée et de la rencontre avec deux associés, Maël Primet et Michaël Fester, en 2013. « Je me suis engagé dans le secteur qui me passionne et que je connais très bien. C’est crucial, souligne le jeune homme. Il ne suffit pas d’avoir une bonne idée pour réussir. Il faut aussi être la bonne personne pour la porter. » Pendant deux ans, la start-up a fonctionné comme une société de conseil dans laquelle une équipe d’analystes et de scientifiques traite des données pour des grands groupes.
En 2015, nouvelle étape : Snips lève 5,6 millions d’euros auprès de fonds d’investissement américains et de business angels. Il lance des produits et applications mobiles qui ne rencontrent pas le succès escompté. Pas de quoi le refroidir : « Après une analyse post-mortem, on est passés à autre chose. Je raisonne en chercheur. Positif ou négatif, chaque résultat est intéressant. »
80 salariés dans trois pays
En 2017, abandonnant l’idée d’un produit grand public, ils créent pour les entreprises des assistants vocaux et objets connectés respectueux de la vie privée. Des concurrents du Alexa d’Amazon et du Google Assistant, capables de fonctionner sans connexion à Internet. Une nouvelle levée de fonds de 12 millions d’euros est nécessaire. Snips poursuit ainsi son développement, employant près de 80 personnes entre Paris, New York et Tokyo et disposant d’une cinquantaine de clients. « Ce sont les investisseurs qui assument le risque financier, note Rand Hindi. Pour nous, le risque, c’est de perdre des années à développer quelque chose qui ne marche pas. »
Angoissant ? « Non, plutôt excitant. Et puis plus on avance, plus le risque diminue, reprend l’entrepreneur. La première boîte est la plus difficile à monter. Pour les suivantes, on bénéficie d’énormes effets d’apprentissage et de réseaux. » Avec le recul, Rand Hindi liste les priorités : bien choisir ses associés pour croiser des regards différenciés et faire grandir son réseau. En attendant, Snips espère être rentable d’ici deux ans après, sans doute, une troisième levée de fonds.