Une roulotte en bois en guise de point d’accueil. À l’intérieur, du mobilier design, des planches de bois sur tréteaux en guise de bureaux et des parois sur roulettes pour moduler les espaces… L’ancienne gare de Saint-Germain-en-Laye (78) a désormais un usage bien différent du lieu de transit qu’elle était.
Elle accueille, depuis 2018, Le Quai des possibles, un tiers-lieu associatif tourné vers la création de projets liés à l’environnement et/ou à l’économie sociale et solidaire (ESS), au milieu d’un écoquartier en construction.
Économie sociale et solidaire
Ensemble des activités économiques dont l'objectif principal n'est pas de réaliser du profit mais la réalisation d'un objectif commun. Elles s'exercent sous forme de coopératives, d'associations ou encore de mutuelles.
Le lieu rassemble 60 cotravailleurs et start-up incubées, ainsi qu’une communauté de 900 adhérents qui profitent des 300 événements organisés chaque année (expositions, projections, repas, formations au numérique, séances de bien-être, etc.). Selon sa créatrice, Laurence Besançon, « les tiers-lieux prônent des façons de faire alternatives dans une optique de transformation de la société. Même si on sait que notre contribution est modeste, elle compte. »
Le lieu rassemble 60 cotravailleurs et start-up incubées, ainsi qu’une communauté de 900 adhérents qui profitent des 300 événements organisés chaque année (expositions, projections, repas, formations au numérique, séances de bien-être, etc.). Selon sa créatrice, Laurence Besançon, « les tiers-lieux prônent des façons de faire alternatives dans une optique de transformation de la société. Même si on sait que notre contribution est modeste, elle compte. »
Tiers-lieux
Concept théorisé par le sociologue américain Ray Oldenburg (The Great Good Place, 1989), the third place désigne au départ un espace intermédiaire entre domicile et bureau. Le terme peut inclure les bibliothèques, bars ou laveries de quartier, là où se créent des communautés sans hiérarchie entre les individus.
Une ambition que reconnaît le dernier rapport de France Tiers-lieux, association née en 2018 à la demande du gouvernement pour dresser un état des lieux des espaces de coworking dans le but de construire une filière professionnelle. Définissant les tiers-lieux notamment comme des espaces « d’expérimentation et de création évolutifs et adaptables », les auteurs du rapport estiment qu’ils se caractérisent aussi par une « volonté d’entreprendre localement ».
Parmi les 2 500 recensés, une majorité propose une activité de coworking (75 %), des ateliers de fabrication numérique (30 %) et des activités culturelles ; 52 % des tiers-lieux se situent en dehors des 22 métropoles administratives françaises, selon l’association, même si c’est l’Île-de-France qui en compte le plus. D’ici fin 2022, France Tiers-lieux affirme qu’il y aura 3 000 à 3 500 espaces de ce type sur tout le territoire.

6 300 emplois directs
Si la projection est aussi optimiste, c’est parce que les pouvoirs publics soutiennent la création de ces espaces qui prennent souvent place dans des lieux abandonnés, des friches ou sur des territoires dépourvus d’activité associative. Généralement, les collectivités subventionnent ces initiatives, mais l’État s’y intéresse également.
Fin août 2021, le Premier ministre a annoncé un budget de 130 millions d’euros en soutien à la création et à la mise en réseau des tiers-lieux, en partie financé par le plan de relance de l’économie post-crise sanitaire.
Ceux qui visent les subventions publiques pour ouvrir un tiers-lieu vont devoir répondre à des appels d’offres et donc faire correspondre leurs projets à un cahier des charges.
Aurore Dandoy,membre du réseau RGCS, un think tank spécialisé sur les nouvelles pratiques de travail.
D’après France Tiers-lieux, l’enjeu d’attractivité économique est important, surtout au niveau local : « En quelques années, les structures qui portent les tiers-lieux sont devenues actrices du tissu économique, en lien étroit avec les autres acteurs locaux – entrepreneurs, entreprises et collectivités territoriales – générant un chiffre d’affaires cumulé de 248 millions d’euros » ; 6 300 emplois directs auraient été créés et près de 150 000 personnes travaillaient quotidiennement dans ces espaces en 2019.
Un « effet de mode » expliquerait également cet intérêt des pouvoirs publics pour les tiers-lieux, juge Aurore Dandoy, membre du réseau RGCS, un think tank spécialisé sur les nouvelles pratiques de travail. La consultante et chercheuse regrette qu’une forme « d’institutionnalisation » s’applique à ces espaces : « Ceux qui visent les subventions publiques pour ouvrir un tiers-lieu vont devoir répondre à des appels d’offres et donc faire correspondre leurs projets à un cahier des charges. »
La marge de manœuvre pour l’expérimentation et l’innovation s’en trouverait réduite. Mais ces subventions sont primordiales. Le budget annuel de 400 000 euros du Quai des possibles, à Saint-Germain-en-Laye, en dépend pour moitié. Selon le rapport France Tiers-lieux, une majorité de ces espaces ont un modèle économique hybride – 50 % de recettes propres (location d’espaces, vente de services…) et 50 % de subventions publiques.

En 2019, 30 % des tiers-lieux étaient en déficit. « Ils ne fonctionnent pas comme une entreprise classique. Les clients peuvent avoir des parts dans la société et être membres du conseil d’administration. Il y a une redistribution de la richesse et de la dette qu’on retrouve peu dans d’autres systèmes », explique Aurore Dandoy. Qui plus est, impossible d’établir un business model sur le long terme pour un espace qui doit pouvoir évoluer avec les besoins de son territoire et de sa communauté. Le but est donc, au mieux, l’équilibre économique.
Une offre de formation plus forte que la demande
À mesure que les pouvoirs publics se sont intéressés aux tiers-lieux, de nouvelles formations ont vu le jour dans le privé, l’associatif et à l’université, « motivées par le souhait des acteurs des tiers-lieux de faire reconnaître de nouveaux métiers et les compétences associées », souligne Laurent Gardin, maître de conférences en sociologie et responsable du parcours « Tiers-lieux et dynamique territoriale » du master Gestion des territoires et développement local de l’Université Polytechnique Hauts-de-France.
Ouverte en 2020, cette formation n’est accessible qu’en apprentissage et reçoit « plus d’offres de postes que d’étudiants ». L’enseignement est axé sur trois points : la création et la gestion d’une communauté, qui consiste à développer des activités et une programmation favorisant les échanges.
L’ancrage territorial, ensuite, pour coller aux ressources et aux besoins des associations, du milieu entrepreneurial et des collectivités locales. Enfin, la mise en place d’une économie plurielle, mêlant ressources propres et subventions, car « pour trouver l’équilibre économique, il faut être prêt à hybrider ses ressources », insiste Laurent Gardin..