Or, « le problème de la jeunesse, c’est qu’elle est en apprentissage, il faut repasser derrière, elle a besoin qu’on la fasse progresser, ce qui est aussi l’objectif d’un dirigeant pour ses salariés. On sous-estime souvent le besoin d’encadrement des juniors. »
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Le problème est apparu « parce que le cycle de croissance était très fort et que nous avions assez peu de temps pour manager ».
Le dirigeant l’a compris ensuite : cela a parfois abouti à « des situations dommageables : la tech bâclée, des erreurs qui remontaient tout le temps ou encore un jeune manager des opérations qui avait du mal à gérer ses équipes ».
Un an de perdu
Des profils juniors se sont retrouvés trop tôt avec trop de responsabilités. À la clé, des « choix tactiques et stratégiques un peu hasardeux ». Car comme l’explique Antoine Roussel, une fois présentées leur vision et la stratégie globale, les fondateurs se reposaient sur les choix des responsables de départements.
« Si la personne est trop jeune, cela peut conduire à une mauvaise orientation que l’on ne détecte pas tout de suite. » Par exemple, côté développement de produit, un junior en charge d’un back-office (le service d’appui constitué de l’ensemble des activités d’administration, de contrôle et de supports) qui « ne donnait pas entièrement satisfaction », avait choisi de repartir de zéro plutôt que d’améliorer l’existant.
Cela s’est avéré « trop compliqué à produire et au bout d’un an, la nouvelle version n’était toujours pas au point. Finalement, nous sommes revenus à la première pour l’améliorer ». Bilan : l’entreprise a « perdu une année de développement, pendant laquelle une équipe technique de 10 personnes a travaillé pour rien ».
Autre victime du recrutement express : la culture d’entreprise. En si peu de temps, la jeune start-up n’avait pas le temps de s’assurer que les candidats adhéraient à ses valeurs. Parmi elles, la curiosité : « Nous trouvons qu’il est très important de s’intéresser à autre chose que ce que l’on fait, aux gens qui gravitent autour de nous. »
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Concrètement, « il y a beaucoup de brassage dans les bureaux, et nous organisons régulièrement des lunch & learn : durant la pause déjeuner, un membre de l’équipe financière peut venir expliquer ce qu’est un compte de résultat, un marketeur ce qu’est un persona… Mais certains ne sont pas habitués à travailler comme ça ». Réfractaires à cette culture d’échange, ces salariés finissent par partir ou être licenciés.
Si c’était à refaire…
Ces débuts chaotiques ont ralenti le développement de Tankyou : « L’entreprise n’a pas donné sa pleine puissance. » Courant 2019, les dirigeants revoient donc leur stratégie de recrutement. Elle s’articule autour de quatre étapes, incluant notamment un cas d’usage et un entretien, auquel assiste un futur collaborateur.
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Il peut y avoir jusqu’à 40 candidats pour le premier appel et un processus qui dure de deux mois et demi à trois mois en moyenne. « Désormais, nous sommes plus exigeants. Nous voulons que la recrue ait non seulement les compétences, mais qu’elle apporte plus que ce que nous cherchons. L’équipe demande au postulant de se retrouver dans au moins deux-trois valeurs de l’entreprise et des exemples concrets d’engagement. »
« Si je devais recommencer, analyse Antoine Roussel, les premiers mois, je formerais une équipe resserrée, je soignerais le recrutement des 10 premiers profils en cherchant des gens autonomes, meilleurs que nous, qui nous bluffent. Il vaut mieux payer plus cher un senior qui fait le travail de deux juniors. Et une fois le produit lancé, je ferais confiance à ces personnes pour recruter des profils plus juniors. »