Economie

En entreprise, le moral des patrons est essentiel

La vie de dirigeant est faite de hauts et de bas, ce qui influe sur sa psychologie et donc sa volonté d’investir et d’embaucher. Témoignages.

Aude David
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© Getty Images

« Je n’ai jamais été déprimé, je vois surtout les difficultés comme des problèmes à résoudre », assure Étienne Colella, dirigeant de Pixid, une solution de gestion d’intérim. Contraints de développer une bonne résistance au stress et une faculté à surmonter les crises, beaucoup d’entrepreneurs se qualifient d’éternels optimistes. Même si Limvirak Chea, dirigeant de Fixter, une plateforme d’entretien automobile au Royaume-Uni, reconnaît qu’un entrepreneur « doute en permanence ». Si Davy Tessier, dirigeant de Furious Squad (services aux entreprises de communication et de conseil), reconnaît être affecté par des éléments émotionnels, « le plus difficile, c’est la charge mentale ».

Dans tous les grands pays industriels, le moral des patrons est suivi comme le lait sur le feu par les milieux financiers, car il conditionne l’avenir du chômage et de la consommation à l’échelle du pays. Si les dirigeants ont des carnets de commandes bien remplis pour au moins six mois, ils vont investir et embaucher. Sinon, ils vont attendre et toute l’économie va s’en ressentir. De nombreux instituts se sont spécialisés dans l’évaluation de la psychologie des dirigeants, le plus fameux étant sans doute l’institut IFO allemand. Si le moral des patrons allemands chute, les marchés financiers fléchissent, car ils considèrent que toute l’économie européenne est en risque.

Guerre en Ukraine, difficultés d’approvisionnement, de recrutement, inflation… Ce ne sont pas forcément ces conditions qui affectent le plus les patrons. Il y a plus grave. Davy Tessier estime avoir lancé ses entreprises au mauvais moment. Difficile à vivre sur le coup… Il en est pourtant devenu plus résilient et a réorienté son entreprise. « L’incertitude pèse sur le moral, le choc du Covid a éprouvé les entrepreneurs pendant deux ans, on ne maîtrisait plus rien », reconnaît Limvirak Chea.

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C’est le mental qu’ils préfèrent

Comment gérer l’aspect psychologique du métier ? Pour David Dewez, coach en gestion des émotions chez Whistcom, enchaîner les réunions, vouloir des solutions immédiates peut aussi créer du stress. Or ce dernier sera mieux géré par ceux qui connaissent leurs limites et recrutent des profils complémentaires du leur. Les carnets de commandes ne font pas tout. Pour Elliot Boucher, dirigeant d’Edusign (services pour les établissements d’enseignement), le manque d’interactions pendant le Covid a été dur, alors que l’activité progressait : « La demande a explosé, on ne pouvait pas gérer, on travaillait 16 heures par jour avec de très bons résultats, mais le moral était au plus bas. » Être engagé, c’est bien, à condition de savoir prendre du recul. Étienne Colella le confirme : « Il faut être capable de comprendre que son idée n’était pas si géniale et réorienter l’activité. »

Pour Davy Tessier, le principal facteur du moral d’un patron, ce sont les clients. « Mon état d’esprit dépend de celui du client avec qui je viens de raccrocher. S’il s’inquiète, je m’inquiète. Un client insatisfait laisse à penser que le produit est mal conçu. » La nouveauté joue un rôle capital, elle, booste le moral du dirigeant : nouveaux produits, nouveaux marchés, nouveaux salariés… « On lance le service en France, je retrouve l’esprit des débuts, on recrute. »

Il est nécessaire de bien s’entourer. Lancer une affaire à plusieurs permet de partager les coups de mou, d’être épaulé en cas de coup dur, mais la médaille a son revers : être lâché par un partenaire financier, rompre avec un associé, pire, être trahi, cela peut être catastrophique pour le dirigeant et son entreprise.

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Remonter la pente

La plupart veulent croire que cela influe peu sur leurs décisions, mais selon Elliot Boucher, « le moral du patron a surtout un impact sur celui des équipes, ce qui crée une bonne ou une mauvaise dynamique ». Taïg Khris, fondateur de onoff Telecom, en a fait l’amère expérience : « J’ai dit un jour à un ingénieur que si je ne trouvais pas l’argent avant la fin du mois, tout le monde serait au chômage. Il a pris peur et n’est pas revenu. »

Pour aller mieux, chacun son truc. Le coach David Dewez propose différentes techniques selon les besoins : sophrologie, respiration… « Se coucher très tard après avoir beaucoup travaillé en pensant déjà au lendemain, l’exposition aux lumières bleues, la caféine, tout ça ne favorise pas le calme. Il faut travailler sur la qualité de sommeil. »

Davy Tessier et Elliot Boucher, tous deux dans le numérique, ont choisi de travailler à distance et de voyager. Pour eux une technique imparable consiste à… couper téléphone et ordinateur. « Trop travailler en permanence, cela crée de l’aveuglement. » La discipline et la connaissance de son corps sont des leviers d’une puissance insoupçonnée. Le passé de sportif de haut niveau de Taïg Khris l’a beaucoup aidé comme entrepreneur.

« En roller, la moindre erreur même pendant une fraction de seconde, peut être fatale. La gestion du stress y est extrême, donc j’arrive à garder la tête froide. Je hacke mon inconscient en me répétant ce que je dois faire, entrecoupé de mots positifs. » Il conçoit des stratégies, mais « n’anticipe jamais un problème plus de 24 heures à l’avance, cela ne sert à rien. Souvent, les problèmes réels ne sont pas ceux que l’on imaginait ». Il assure n’avoir jamais de baisse de moral, ni même jamais peur.

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