Beaucoup de salariés rêvent de pouvoir choisir leur salaire, quelques entreprises l’ont fait. Un cauchemar organisationnel ? Pas nécessairement, même si pour Manon Silvain, responsable des ressources humaines de l’éditeur de logiciels Lucca, « le directeur financier anticipe plus difficilement ». Les entreprises pratiquantes insistent sur l’importance de l’autonomie et sur la responsabilisation des salariés.
Mais cela ne s’improvise pas. « Au préalable, il faut que règne dans l’entreprise un niveau de confiance et de collaboration supérieur à la moyenne, et des salariés impliqués dans l’entreprise et ses résultats », prévient Christian Junod, ancien banquier devenu coach. Cela demande une grande transparence : chacun connaît le salaire des autres, mais aussi la santé financière de l’entreprise. « Depuis le début, on avertit les futurs salariés que l’on parlera d’argent librement et ouvertement », confirme Antoine Vernier, consultant pour l’entreprise de cybersécurité SkillX.
Beaucoup de salariés rêvent de pouvoir choisir leur salaire, quelques entreprises l’ont fait. Un cauchemar organisationnel ? Pas nécessairement, même si pour Manon Silvain, responsable des ressources humaines de l’éditeur de logiciels Lucca, « le directeur financier anticipe plus difficilement ». Les entreprises pratiquantes insistent sur l’importance de l’autonomie et sur la responsabilisation des salariés.
Mais cela ne s’improvise pas. « Au préalable, il faut que règne dans l’entreprise un niveau de confiance et de collaboration supérieur à la moyenne, et des salariés impliqués dans l’entreprise et ses résultats », prévient Christian Junod, ancien banquier devenu coach. Cela demande une grande transparence : chacun connaît le salaire des autres, mais aussi la santé financière de l’entreprise. « Depuis le début, on avertit les futurs salariés que l’on parlera d’argent librement et ouvertement », confirme Antoine Vernier, consultant pour l’entreprise de cybersécurité SkillX.
Salaire unique
Signifie que tous les salariés touchent le même montant.
Pas de principe universel
Si les règles diffèrent d’une entreprise à l’autre, elles sont soigneusement formalisées. Dans l’entreprise du numérique Fasterize, chaque salarié inscrit sur un fichier le salaire souhaité et envoie un argumentaire. Chacun peut donner son avis sur ce montant (correct, trop haut, trop bas). « Pour certains, c’est un peu difficile de justifier la demande, mais c’est un bon exercice de bilan », assure le dirigeant, Stéphane Rios. À la coopérative de conseil en management Hum, chacun annonce ce dont il estime avoir besoin pour vivre et ce qu’il aimerait toucher.
Salaire au besoin
Concept selon lequel le salaire demandé et octroyé correspond vraiment au montant dont le salarié estime avoir besoin pour vivre.
Trois personnes, choisies parmi celles qui ne demandent pas d’augmentation, analysent les demandes et trouvent un équilibre. Aucune justification n’est demandée : ici, on considère que le salarié réclame ce dont il a besoin. Chez Lucca, cela se fait sous forme de grand oral après un entretien avec son manager. Chacun peut donner son avis mais le salarié demandeur a le dernier mot.
SkillX fonctionne autrement : une demande écrite justifiée, visible par tous, puis tranchée en comité – le dirigeant ou la responsable RH, une personne extérieure à l’entreprise pour apporter « une connaissance du marché, de ce qui se fait ailleurs » et deux salariés tirés au sort, « pour garantir une certaine neutralité ». Les salariés concernés n’assistent pas aux délibérations, « par souci d’équité », afin que les dons d’orateurs de certains n’influencent pas le comité.
Transparence exigée
Mais si les règles ne sont pas suivies, gare aux tensions. Chez Fasterize, Stéphane Rios se souvient qu’en 2020, avec la crise, les salaires étaient gelés. Un salarié avait besoin d’une augmentation, justifiée selon le dirigeant, compte tenu des normes du marché. Il la lui accorde, mais sans passer par la procédure commune. Les autres salariés l’apprennent quelques mois plus tard.
« Cela a créé une crise de confiance, reconnaît-il, on a mis du temps à la surmonter. J’assume mon erreur : si c’était à refaire, je prendrais la même décision, mais en l’affichant. » Une limite : ne pas mettre en danger l’entreprise. « Prendre les décisions de manière collégiale, cela assure une sécurité », estime ainsi Antoine Vernier chez SkillX.
Prendre les décisions de manière collégiale, cela assure une sécurité.
Antoine Vernier,consultant pour l’entreprise de cybersécurité SkillX.
Chez Lucca, quand la différence est trop importante entre ce que le salarié demande et ce que préconise le comité, son cas est revu entre lui, son manager et les RH. Pour Fasterize, Stéphane Rios envisage d’intégrer un simulateur au fichier de demande, afin que les salariés voient en un coup d’œil les répercussions sur le budget.
Il existe une forme d’autocensure liée au regard des autres : difficile d’assumer une grosse hausse quand le travail ne le justifie pas. Résultat : les entreprises assurent que les abus sont plus que rares et les écarts de salaires plutôt faibles. La procédure semble aussi avoir des vertus de fidélisation. Il arrive que les salariés limitent d’eux-mêmes leur salaire en période de crise. Pour Antoine Vernier, « ce système nous apporte le sentiment de jouer collectif ».
Pas seulement une question d’argent
Contrairement aux Anglo-Saxons, pour qui montrer son salaire permet d’afficher sa réussite, l’argent reste plutôt tabou en France. « Le comportement à l’égard de l’argent peut être excessivement irrationnel parce que l’émotion prend le dessus, explique Christian Junod. La peur n°1 : celle de manquer. On projette beaucoup de choses sur l’argent – la sécurité, notre propre valeur, la liberté, le confort… On lui confère un pouvoir qu’il n’a pas. »
Certains n’osent pas demander d’augmentation (sentiment de dévalorisation ou d’imposteur, selon Christian Junod). D’autres réclament beaucoup. « Ils n’ont pas forcément une très bonne estime d’eux mêmes », assure l’expert, et pensent qu’ils iront mieux avec plus d’argent. Un accompagnement individuel peut aider à défaire ces croyances, tout en valorisant l’idée d’intérêt collectif.
Connaître sa valeur... et le sens du salaire
Pratiquer le salaire choisi, c’est répondre à une question primordiale mais rarement formulée : à quoi correspond le salaire ? Pour Stéphane Rios, « ce n’est pas la mesure d’une personne : si tous les gens très bien payés étaient très compétents, cela se saurait. On l’a vu avec la pandémie, les travailleurs en première ligne ne sont pas les mieux payés ».
Pour lui, d’autres arguments que la performance sont légitimes : « Un changement de situation, comme l’achat d’un appartement, par exemple… Le montant dont le salarié a besoin pour vivre est un critère qui n’est pas souvent pris en compte. »
Chez Hum, le chiffre d’affaires que rapporte le salarié est un critère parmi d’autres, au même titre que le besoin exprimé, la parité hommes-femmes, les responsabilités, la charge mentale… Mais « il faut d’abord se dire les uns aux autres la valeur non financière que l’on s’accorde mutuellement, raconte Laurent Burget, animateur. La valeur d’un salarié, ce sont souvent des actions décorrélées du montant du salaire. L’argent est le critère le plus simple, mais c’est un non-sens de dire à quelqu’un : “Tu vaux 1 000 ou 4 000 euros.” La valeur humaine est inestimable. »
Pour aller plus loin
Ce que l’argent dit de vous, Christian Junod, éditions Eyrolles, 2015 : le livre propose un accompagnement pour comprendre son rapport à l’argent et adopter une attitude plus rationnelle face à celui-ci.