Le magazine complet à retrouver en kiosque et en ligne.
Sur l’affiche signée Jules Chéret, elle est vraiment belle. Il remarque d’abord sa chevelure blond vénitien, puis l’élégance du costume tailleur, la broche fleurie agrippée au décolleté. Elle se lave les mains et le regarde.
Derrière elle, flotte un mot bizarre : Cosmydor. « Un mélange de “cosmétique” et “Dior”. » Xavier Quattrocchi-Oubradous est sous le charme. Nous sommes en 2015 et l’entrepreneur vient de trouver, enfin, la marque vintage qu’il fera renaître. « J’étais en quête d’un nouveau virage dans ma vie professionnelle », explique-t-il.
Depuis ses débuts, il n’a pas chômé ! Né dans une famille de musiciens, il s’était d’abord rêvé violoncelliste, avant de virer banquier d’affaires. À la trentaine, il passe dans la com’. À 50 ans, il se cherche une quatrième vie : « Je suis passionné d’histoire et amoureux des marques, j’ai aiguillé mes recherches vers les anciennes à faire renaître. Parce que toutes les grandes marques, comme Hermès ou Vuitton, sont un alliage entre racines et modernité. »
Le magazine complet à retrouver en kiosque et en ligne.
Sur l’affiche signée Jules Chéret, elle est vraiment belle. Il remarque d’abord sa chevelure blond vénitien, puis l’élégance du costume tailleur, la broche fleurie agrippée au décolleté. Elle se lave les mains et le regarde.
Derrière elle, flotte un mot bizarre : Cosmydor. « Un mélange de “cosmétique” et “Dior”. » Xavier Quattrocchi-Oubradous est sous le charme. Nous sommes en 2015 et l’entrepreneur vient de trouver, enfin, la marque vintage qu’il fera renaître. « J’étais en quête d’un nouveau virage dans ma vie professionnelle », explique-t-il.
Depuis ses débuts, il n’a pas chômé ! Né dans une famille de musiciens, il s’était d’abord rêvé violoncelliste, avant de virer banquier d’affaires. À la trentaine, il passe dans la com’. À 50 ans, il se cherche une quatrième vie : « Je suis passionné d’histoire et amoureux des marques, j’ai aiguillé mes recherches vers les anciennes à faire renaître. Parce que toutes les grandes marques, comme Hermès ou Vuitton, sont un alliage entre racines et modernité. »
Cosmydor, née une première fois en 1877, proposait de la cosmétique naturelle –eaux de toilette, dentifrice, crèmes et savons « composés exclusivement de végétaux », comme le note à l’époque la revue La France Médicale.

Près d’un siècle et demi plus tard, les crèmes à l’huile de bourrache, masques au beurre de karité et autres produits de la cosmétique naturelle et bio, sont une niche (6,4 % du marché) en forte croissance (+ 8 % en 2020).
Selon le cabinet d’études Xerfi Precepta, en 2023, la cosmétique bio pèsera 8,5 % du marché. Xavier Quattrocchi-Oubradous renchérit : « Les consommateurs ont déjà pris le pli de lire les étiquettes pour ne pas manger n’importe quoi. La prochaine précaution sera de ne plus se mettre n’importe quoi sur sa peau, par exemple des molécules dérivées du pétrole. »
L'erreur du décideur : « J’avais sous-estimé les coûts »
Il y a des bonnes nouvelles qui s’abattent comme des gifles. Dans les années 1990, on appelait ça le « double effet Kiss Cool », un effet secondaire inattendu.
Pour Xavier Quattrocchi-Oubradous, le danger se manifeste en 2018. Il venait de trouver le futur fabricant des savons, crèmes et baumes, ainsi que les fournisseurs pour les emballages. Le fabricant est français, pionnier et expert en cosmétique naturelle bio. Bonne nouvelle !
Les fournisseurs des emballages, tous en Europe et écoresponsables, utilisent le verre Miron, l’opaline et l’aluminium. « Au début, j’étais super content, car ces matières ne sont pas faciles à trouver. En général, la cosmétique, pour mieux conserver les produits et contenir les coûts, a pris l’habitude de fabriquer ses emballages en plastique », explique le patron de Cosmydor, qui déchante vite.
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« C’était beaucoup plus cher que je ne l’avais anticipé. L’idée de départ était de relancer Cosmydor en marque premium, c’est-à-dire du haut de gamme, mais avec des prix plus accessibles que les marques de luxe. C’est dans cette optique-là que j’avais effectué ma première levée de fonds.
Et là, d’un coup, à cause des coûts de fabrication, je me retrouve avec une vraie marque de luxe. Et lancer une marque de luxe coûte beaucoup plus cher. Bref, je n’avais pas levé assez d’argent.
Je suis donc reparti à la pêche aux investisseurs, au pire moment, car rien n’était encore prêt. Pas de produits, pas d’échantillon. Je n’avais rien à leur montrer, à part mon PowerPoint égrenant les formules centenaires des soins aux plantes et quelques chiffres clinquants : “Nos produits contiennent de 25 % à 30 % de principes actifs naturels contre 5 % sur le reste du marché.”
Imaginez un peu l’exercice : essayer de convaincre que le projet est solide alors même qu’il débute sur une vraie erreur de segment de marché. Au final, j’y suis arrivé, c’est passé. Les investisseurs m’ont suivi. Mais je ne le referai pas. Certes, on ne peut pas tout prévoir, mais j’aurais dû mieux baliser le projet, identifier les acteurs et fournisseurs du secteur avant ma première levée de fonds. »
Ni usine, ni salarié
Avec Cosmydor, il tient donc son nouveau projet : des produits bio « made in France » – ce qui est déjà un bon argument en soi auprès des consommatrices du monde entier, la France est un leader qui détient 23 % des parts de marché – et une fabrication « artisanale ».
En Chine, où le savoir sur les vertus des plantes se transmet depuis des siècles, ces arguments seront entendus. Même en Corée du Sud, où pour vendre leurs crèmes, les marketers axent leur discours sur la technologie, le marché pourrait être important.
Et si les Coréennes amatrices de soins bio sont minoritaires, là-bas, on s’enduit en moyenne de sept crèmes par jour.
Pour faire renaître Cosmydor, éteinte en 1969, l’entrepreneur a déposé une demande à l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI). Personne ne s’y est opposé.
En revanche, trouver le fabricant français capable de perpétuer un savoir-faire ancien et artisanal avec les technologies d’aujourd’hui (chromatographie) s’est révélé ardu. « En France, le secteur est largement industrialisé », explique-t-il. Il a fallu trois ans pour signer avec le laboratoire Laboheme, à Vierzon (Cher).
Et puis le bio a un gros défaut : il est périssable. « Nous sommes donc obligés de fabriquer à la demande et de tenir les délais. Pour la Corée, il ne doit pas s’écouler plus d’un mois entre la commande et la livraison », explique le dirigeant de Cosmydor, qui réalise 95 % de ses ventes hors de France. Ses produits sont présents dans 15 pays : France, Royaume-Uni, Benelux, Suisse, Autriche, Italie, Irlande, Roumanie, Corée du Sud, Taïwan, Chine, Mongolie, et Émirats arabes unis.
À la fin du XIXe siècle, une centaine d’employés travaillaient dans l’usine Cosmydor à Levallois. En 2018, pour sa deuxième naissance, Cosmydor n’a ni usine, ni salariés, mais des partenaires : Laboheme conçoit et fabrique les produits, des fournisseurs européens s’occupent du packaging et une équipe de commerciaux en free-lance démarche les distributeurs.
Garder à l’œil…
C’est la somme d’argent que peut mobiliser à court terme une entreprise. « Nous sommes encore trop petits pour avoir des lignes de crédit auprès des banques. Et les clients ont jusqu’à 60 jours après réception de facture pour nous payer. Certains attendent la dernière minute.
En attendant, pour fonctionner, payer les fournisseurs, acheter le packaging de nos produits et livrer des commandes, il faut de l’argent, un bas de laine où aller puiser. Je me suis fixé une règle : avoir suffisamment en caisse pour honorer les commandes des six prochains mois », confie le patron de Cosmydor.