Sociologie
Faut-il toujours faire confiance aux experts quand on est décideur ?
Impossible pour un dirigeant de tout savoir. Il doit donc s’entourer de spécialistes, mais gare à la confusion et aux retards, s’ils sont trop nombreux et mal pilotés.
Isabelle Barth
© Getty Images/iStockphoto
Imaginez.
Vous êtes aux commandes d’une très grande entreprise et vous devez prendre LA décision qui changera le cours de sa destinée et celle de milliers de personnes : par exemple la fusion-acquisition du siècle ou le lancement d’un blockbuster. Foncer ou s’abstenir ? Vous êtes à la tête d’une grande ville installée au pied d’un volcan qui se réveille parfois et pourrait tout ravager. Faut-il décider l’évacuation de centaines de milliers d’habitants alors que rien n’est certain ?
Matière (grise) à confusion
Dans tous les cas, pour prendre la meilleure décision, il y a une règle : s’entourer d’experts. Mais qu’est-ce qu’un expert ? Un homme ou une femme possédant les connaissances les plus à jour sur un sujet donné, et donc à même de vous accompagner dans le processus de décision.
Comme l’enjeu est immense et que vous connaissez vos limites, vous allez solliciter de nombreux experts. La juxtaposition de toutes ces têtes pensantes ne peut être que bénéfique, non ?
Vous nommez un(e) président(e) du comité des experts, qui commence à se réunir autour de LA question, afin d’apporter un éclairage dans le délai imparti. Au fur et à mesure que le temps passe, vous comprenez que ce sera beaucoup plus compliqué que vous ne le pensiez.
Les échanges au sein du comité sont vifs, voire houleux. Les blocages sont nombreux, le consensus rare. Les rapports s’entassent, écrits dans un jargon qui vous dépasse. Que faire de toute cette matière grise ?
Si vous êtes un acteur public, d’autres menaces planent. Certains experts vont s’exprimer dans les médias en donnant leur point de vue, pour éclairer l’opinion publique ou peser sur votre choix final. Comme les enjeux sont complexes, les options trop nombreuses, l’opinion s’affole. Des courants s’y créent, se radicalisent, s’affrontent. Un sentiment de « flottement » s’installe.
Mais vous n’avez pas le droit d’y céder. Vous devez jouer votre rôle de leader. Les experts sont là pour informer et pour analyser, pas pour décider. La décision, c’est vous. Cela relève de votre responsabilité.
Donner le "go" en solo
Plusieurs actions sont à mener d’urgence : restreindre le groupe d’expert(e)s, demander au président de faire des synthèses et de vous transmettre des informations claires, exiger le respect de la confidentialité.
Arrive le grand jour. Vous vous retrouvez devant une note de synthèse qui expose et propose. Investir et tout perdre ? Renoncer et se faire doubler ? Évacuer et provoquer la panique ? Ne rien dire et affronter un désastre… hypothétique ? Le temps court, la pression monte.
Vous êtes complètement seul pour décider, avec le risque de vous fourvoyer, de ternir votre réputation, de perdre votre légitimité. Et là, le doigt qui doit signer ou appuyer sur le bouton du go/no go tremble.
Hors de question de vous réfugier derrière l’avis des experts, ce serait une perte de leadership. Vous vous avancez sur l’estrade, devant la foule ou la caméra. Les membres du comité reculent dans l’ombre. Ils ne connaissent pas votre décision.
C’est à vous !
La Décision #5 | Fallait-il tout liquider comme Richard Fuld ?
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