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Comment le Parti Communiste chinois s’immisce dans les entreprises privées
Le gouvernement se sert de la Fédération nationale de l’industrie et du commerce, une institution écran, pour susurrer à l’oreille des petits entrepreneurs privés.
En France, ce serait l’équivalent d’une fusion entre le Medef et les Chambres de commerces et de l’industrie (CCI). En Chine, la Fédération nationale de l’industrie et du commerce (Fnicc) réunit des patrons d’entreprises privées et les rapproche du Parti communiste. C’est la raison d’être de cette institution depuis sa création, en 1953. Dans les faits, le Parti se sert des délégations locales de la Fnicc pour s’immiscer dans les petites organisations.
Parce que dans les plus grandes entreprises, le Parti communiste chinois (PCC) est déjà intégré : depuis 2018, la création d’une « cellule » du parti d’au moins trois membres est obligatoire. Et 92 % des 500 plus grandes entreprises du pays se sont déjà pliées à cette règle. Mais, à l’échelle du pays, le PCC n’est présent qu’à l’intérieur de 48,3 % des sociétés privées, la plupart étant trop petites pour avoir des personnes dédiées à temps plein aux relations avec le parti. C’est là que la Fédération entre en jeu. Elle sert de canal de communication entre les entreprises privées et le PCC (y compris pour celles qui ont une cellule du PCC). Elle transmet ainsi les politiques et consignes du parti au secteur privé. Elle se targuait d’ailleurs, en 2020, d’avoir réduit la pauvreté dans 127 000 villages chinois grâce à un programme de développement économique mené depuis cinq ans avec 109 500 sociétés privées adhérentes.
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En 2017, lors du douzième congrès national de la Fédération, le Premier ministre chinois, Li Keqiang, félicitait le réseau de fédérations locales pour « leurs grandes contributions au développement économique non public de la Chine, fondations essentielles pour la stabilisation économique et source importante des recettes fiscales, tout en jouant un rôle crucial dans l’innovation technologique, le développement financier et économique ».
Capter l’innovation
Indépendante en apparence, la Fédération nationale de l’industrie et du commerce est en fait très liée au PCC. Il nomme les dirigeants de la Fédération comme Ye Qing, son médiatique vice-président. Affilié au PCC depuis 1996, il figure parmi les 100 entrepreneurs les plus remarquables des 40 dernières années, pour son mandat à la direction de Beijing Yeshi Enterprise Group Co., une entreprise de fabrication de matériaux. Il aurait déclaré, en août 2022, être confiant quant à la volonté du gouvernement « d’accorder plus d’importance au rôle dynamique des entreprises privées afin d’apporter davantage de contributions au marché chinois, en particulier en insistant sur la recherche et le développement pour plus de percées dans les technologies clés ».
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Les relations prennent la forme de réunions régulières dans les villes chinoises. Bien qu’officiellement, les entrepreneurs privés s’y rendent pour transmettre leurs doléances aux dirigeants du pays, « en réalité, les échanges prennent une dynamique plutôt verticale, top down » commente Jérôme Doyon, maître de conférences en sciences politiques à l’université d’Edimbourg, spécialisé en politique chinoise. À ces occasions, la Fédération transmet au secteur privé les détails de l’application des politiques économiques du pays et véhicule les valeurs de travail du Parti communiste chinois, à savoir la qualité, l’efficacité, la justice et la durabilité.
Cet article est issu de notre numéro consacré à l'économie chinoise, disponible sur notre boutique en ligne.
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