C’est parce que les sujets de société, d’économie et de politique l’ont toujours passionnée que Florence Baitinger a suivi un cursus en droit public et langues étrangères, puis une spécialisation en relations publiques européennes. « Je me voyais bien travailler dans une organisation intergouvernementale ou une ONG », explique-t-elle.

À la croisée de ces grands enjeux, après le Celsa (École des hautes études en sciences de l'information et de la communication), la jeune femme devient consultante. D’abord pour des parlementaires, puis pour de grosses associations. Elle travaille sur des questions de développement durable, de responsabilité sociale et environnementale et même sur l’accès à l’eau dans le monde.
Trop en avance sur le marché
« C’était inspirant », confie Florence Baitinger, mais après quelques années, « frustrant » aussi : travailler sur de tels changements structurels manque de concret. « Je ne pouvais pas passer ma vie sur PowerPoint sans passer à l’action. »
Avec Xavier Moisant et Samuel Degrémont, rencontrés lors d’une mission de conseil, ils se promettent d’agir, à leur petite échelle. Et en 2010, au retour d’un voyage, une idée leur vient : les trois amis réalisent « l’absurdité » de prendre un contenant jetable à chaque fois qu’on a besoin de boire. Au bureau, précise Florence Baitinger, ce sont deux milliards de gobelets utilisés par an, juste pour l’eau.
Les consultants d’alors se documentent, rencontrent des entreprises anglo-saxonnes… et démissionnent. « On était très heureux… et complètement inconscients », rit aujourd’hui la cofondatrice de Gobi.
Elle a dû apprendre à passer de la théorie à la pratique. « Je me souviens, il y a 10 ans, quand j’ai dit que je quittais mon travail pour faire des gourdes, certains étaient désolés pour moi ! »
Mais les entrepreneurs plongent dans l’aventure et s’entourent d’une équipe hétéroclite : designer, éco-concepteurs, chercheuse spécialisée dans l’enjeu sanitaire des matériaux… « Nous étions très en avance par rapport au marché », assure-t-elle.
Vouloir éco-produire une gourde, en tenant compte de son impact environnemental et de la « sécurité sanitaire », c’est précurseur. « À l’époque, on parlait davantage de recyclage que de réduction des déchets. » Voilà pourquoi le trio mise sur le B to B (business to business). « Plutôt que de se ruiner en communication vers le grand public, on a préféré essayer de convaincre une entreprise pour, derrière, créer le déclic chez 500, 1 000 ou 3 000 salariés. »
Six sites industriels
Les premières années, la croissance est modeste et résulte surtout du bouche-à-oreille. Pour se payer, les fondateurs doivent accepter des missions de conseil en parallèle. Il faut attendre 2015 pour que ça décolle : Gobi devient partenaire de la COP 21, à Paris.
Le public s’intéresse à l’histoire de cette gourde personnalisable, fabriquée en France, assemblée par des personnes en situation de handicap dans un ESAT et issue d’un plastique biosourcé.
« Nous sommes passés d’un résultat de 600 000 euros fin 2015, à près de 3 millions en 2019 », rayonne Florence Baitinger. Aujourd’hui, Gobi est fabriqué sur six sites industriels et a créé l’équivalent d’une cinquantaine d’emplois.
Mais au fond, ce dont la cheffe d’entreprise est la plus fière, c’est de « faire de l’écologie concrète ».