« J’ai créé mon agence web alors que j’étais encore étudiant. J’avais 23 ans et 1000 euros de capital. Il me fallait des idées et des astuces pour me faire connaître rapidement et gagner des clients. C’est comme ça que je suis devenu growth hacker », explique François Charpentier. Le métier, 10 ans à peine, a été créé par les start-up de la Silicon Valley.
Générer du trafic
« Tout le succès d’une start-up se joue sur sa capacité à arriver la première sur un marché encore inexploré et sans concurrents. La deuxième place est dangereuse. Pour survivre, il faut donc populariser rapidement un nouveau produit ou service, le tout avec un budget très réduit », explique Marie-Hélène Duchemin, directrice académique du master 2 Start-up et développement numérique de l’EM Normandie.
Croître ou mourir. À la fin des années 1990, les jeunes pousses de la Silicon Valley – Hotmail, Google et autres – se sont bien rendu compte qu’elles n’y arriveraient jamais avec les méthodes marketing traditionnelles.
Elles n’avaient ni le temps ni les moyens de lancer de longues et onéreuses campagnes publicitaires et d’attendre de voir venir. Alors, elles ont rusé. Ainsi sont nés les premiers hacks. François Charpentier connaît par cœur l’histoire de ces premiers coups.
Quand il a créé son agence web, il a lu beaucoup d’ouvrages, américains pour la plupart. Il est allé à des afterworks, il a rencontré des entrepreneurs dans des incubateurs. Il en a retiré des techniques et astuces informatiques pour générer du trafic sur son site : référencement, maniement des réseaux sociaux, analyse des données.
Mais pour lui, l’essentiel est ailleurs. « Le growth hacking, c’est surtout beaucoup de créativité et de réactivité » explique-t-il.
Croiser les données
Il y a deux ans, le dirigeant d’une plateforme de mise en relation entre particuliers et artisans du BTP (plombiers, chauffagistes, carreleurs, etc.) est venu le voir. Le succès de la plateforme était mitigé : il y avait beaucoup de particuliers, mais très peu d’artisans. « Avec 5 000 euros par mois, un commercial et un stagiaire à disposition, j’avais donc pour mission de ramener des entreprises sur la plateforme », se souvient François.
Il commence par établir le profil type des sociétés susceptibles d’être intéressées par ce service de mise en relation. « Je suis parti des données que l’on avait : celles sur les entreprises utilisant la plateforme. Dans 90 % des cas, elles avaient plus de trois ans, un chiffre d’affaires annuel supérieur à 200 000 euros et leur dirigeant moins de 42 ans », explique-t-il.
Ensuite, il analyse la demande : où habitent ces particuliers, quel type de travaux effectuent-ils ? Il croise les données. En ressort une liste d’entreprises à prospecter qu’il confie au commercial. Ce ciblage a permis de tripler le taux de conversion.
« J’ai aussi créé des pages de vente dynamique au sein desquelles on présente les services offerts par la plateforme. Un maçon, en cliquant sur le lien qu’on lui a envoyé, arrive sur une page personnalisée dédiée à la maçonnerie avec le nom de sa société. Cela a beaucoup plu. On a récupéré beaucoup d’entreprises par ce biais », relate-t-il.
Les contrôleurs de gestion aussi ont bien aidé. « On leur doit 20 % du chiffre d’affaires. J’avais remarqué qu’ils relayaient énormément de contenu sur LinkedIn. Alors on s’est adressés à eux avec des messages comme “aidez votre entreprise à grandir”. On était les seuls à le faire. Ils se sont sentis flattés et ont parlé de nous à leur employeur », explique François.
Une croissance rapide et à moindre coût, cela commence à intéresser aussi les grands groupes. Ils commencent à faire appel à leurs services pour tester rapidement une nouvelle offre, identifier les futurs clients et savoir comment et où leur parler pour faire mouche.