En mai 2020, au sortir du premier confinement, 80 % des agents des administrations centrales de la fonction publique étaient en télétravail, revendiquait alors fièrement Amélie de Montchalin, la ministre de la Transformation et de la Fonction publique, dans les colonnes du journal Le Parisien.
Un chiffre à mille lieues des clichés sur une fonction publique passéiste, incapable de souplesse et d’adaptation. Mais ce résultat est-il la conséquence de la crise ou le signe d’un véritable changement de mentalité dans le public ?
À lire La France et ses trois fonctions publiques
Un accord sur un à trois jours par semaine
« Les chiffres du télétravail cachent de grandes disparités d’une région à l’autre et d’une fonction publique à l’autre », explique Gabrielle Schütz, enseignante chercheuse en sociologie à l’université de Saint-Quentin en Yvelines, qui étudie le télétravail depuis 2018.
« Ainsi, ce mode d’organisation est quasi absent dans la fonction publique hospitalière, du fait des fonctions occupées, qui supposent une présence auprès des patients, mais beaucoup plus répandu dans la fonction publique d’État. » Mieux, les agents de la fonction publique sont deux fois plus nombreux à pratiquer le télétravail que les salariés du privé, comme en attestent les chiffres de l’enquête Sumer, publiés en 2020 par l’INRS.
En mai 2020, au sortir du premier confinement, 80 % des agents des administrations centrales de la fonction publique étaient en télétravail, revendiquait alors fièrement Amélie de Montchalin, la ministre de la Transformation et de la Fonction publique, dans les colonnes du journal Le Parisien.
Un chiffre à mille lieues des clichés sur une fonction publique passéiste, incapable de souplesse et d’adaptation. Mais ce résultat est-il la conséquence de la crise ou le signe d’un véritable changement de mentalité dans le public ?
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Un accord sur un à trois jours par semaine
« Les chiffres du télétravail cachent de grandes disparités d’une région à l’autre et d’une fonction publique à l’autre », explique Gabrielle Schütz, enseignante chercheuse en sociologie à l’université de Saint-Quentin en Yvelines, qui étudie le télétravail depuis 2018.
« Ainsi, ce mode d’organisation est quasi absent dans la fonction publique hospitalière, du fait des fonctions occupées, qui supposent une présence auprès des patients, mais beaucoup plus répandu dans la fonction publique d’État. » Mieux, les agents de la fonction publique sont deux fois plus nombreux à pratiquer le télétravail que les salariés du privé, comme en attestent les chiffres de l’enquête Sumer, publiés en 2020 par l’INRS.
Ainsi en 2017, 6,4 % des agents de la fonction publique d’État télétravaillaient régulièrement, contre 3,1 % des salariés du privé – c’est 0,1 % pour la fonction publique hospitalière et 1,2 % pour la fonction publique territoriale.
En Chiffres
6,4 %
La part de télétravailleurs réguliers dans la fonction publique d'État, en 2017.
Pour faire en sorte que le mouvement engagé pendant la crise sanitaire ne retombe pas comme un soufflé aussitôt l’épidémie maîtrisée, un nouvel outil est dans les mains des administrations : un accord sur le télétravail dans la fonction publique, signé à l’unanimité des partenaires sociaux, en juillet 2021.
Depuis le 1er septembre, les agents de la fonction publique peuvent, à leur demande et sur autorisation de leur employeur, bénéficier de un à trois jours de télétravail par semaine. L’éligibilité au télétravail est déterminée par le type d’activités exercées et non par le poste occupé.
Retrouver notre débat Faut-il généraliser le télétravail ?
Manque de matériel
Reste à mettre en place ce mode d’organisation sur le terrain, comme le souligne Julie, directrice des affaires juridiques à cheval sur deux collectivités territoriales dans le sud de la France : « Dans les collectivités où je travaille, il y a 75 % d’agents de catégorie C, qui travaillent sur la voirie, dans les crèches, à l’accueil : ces fonctions-là ne sont pas télétravaillables. »
Elle poursuit : « Pour les autres agents se pose la question de l’équipement : avant la crise, seuls 50 agents sur 2 000 qui étaient équipés d’un ordinateur portable. Avant même de pouvoir imaginer faire des économies en mètres carrés de bureau grâce au télétravail, il faut équiper les agents avec le bon matériel. Mais la crise sanitaire a agi comme un accélérateur du changement sur ce sujet. Ainsi, depuis juillet, l’agent qui souhaite télétravailler peut, après accord de sa hiérarchie, prendre un ou deux jours par semaine en télétravail, sur des jours fixes ou flottants. »
Julie, qui est restée en présentiel à son poste en mairie pendant toute la durée du confinement, avoue qu’elle aussi se laisserait bien tenter : « Je fais de très longues journées de travail, donc gagner une petite heure sur les transports est très tentant. »
Mais une fois résolue la question de l’équipement matériel vient celle du management. Car dans le public, comme dans le privé, beaucoup de managers continuent de s’imaginer que loin des yeux, les souris danseront pendant leurs heures de travail.
Jean-Pierre Ferry, porte-parole du syndicat Sud-Travail Affaires sociales, au ministère du Travail, confirme : « Chez nous, quand le télétravail a commencé à être mis en place, on avait interdit aux agents de télétravailler le mercredi, parce que la hiérarchie craignait que les agents s’occupent de leurs enfants plutôt que de travailler, c’est dire si la méfiance était grande ! ».
[Avec le télétravail], le délitement des collectifs est un problème, tout comme les horaires de travail sans fin.
Jean-Pierre Ferry,porte-parole du syndicat Sud-Travail Affaires social.
Une interdiction désormais levée, mais d’autres blocages demeurent, que liste Jean-Pierre Ferry : « Le délitement des collectifs est un problème, tout comme les horaires de travail sans fin. En télétravail, les agents ont tendance à ne pas regarder les horaires, alors qu’il n’y a pas de paiement des heures supplémentaires dans la fonction publique. »
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Une collectivité semble cependant avoir réussi sa mue vers le télétravail, avant même la crise du Covid : la région Île-de-France. Ainsi en 2018, lors de leur regroupement sur un seul site et dans des bureaux tout neufs, à Saint-Ouen, au nord de Paris, tous les agents de la région qui ont besoin d’un ordinateur pour travailler ont été équipés d’un portable.
Un travail a aussi été mené avec les managers pour les faire passer à un management par objectif, une révolution culturelle pour ceux qui manageaient à l’ancienne, l’œil sur le cadran de la pendule. « Avec tout ce travail de formation, quand la crise sanitaire est arrivée, et le confinement décrété, nous avons tout de suite été opérationnels en télétravail, sans panique », explique Fabienne Chol, directrice générale adjointe en charge des ressources humaines de la région Île-de-France.
10 millions d’euros d’économie de loyer
Aujourd’hui, 75 % des agents qui occupent un poste le permettant sont en télétravail un à deux jours par semaine, y compris les managers. Prochaine étape : passer tous les agents au « flex office » en 2022 – aujourd’hui 40 % d’entre eux sont concernés.
« Flex office »
Mode d’organisation du travail dans lequel aucun salarié n’a de bureau attribué, mais dispose d’un bureau à la demande, dans différents espaces, en fonction de son temps de présence dans l’entreprise et des projets sur lesquels il travaille. Un mode d’organisation facilité par le télétravail, qui peut permettre d’économiser de la surface de bureaux.
À la clé des économies de mètres carrés : en déménageant, la région a ainsi baissé ses charges de loyer de 10 millions d’euros par an. Mais aussi l’ouverture des espaces de la collectivité régionale ainsi libérés à des associations et des start-up œuvrant dans le secteur du handicap. D’une pierre deux coups : moins de transport et de fatigue pour les agents, plus d’ouverture vers la société civile pour la région.