Entreprise

Non, la « grande démission » ne traduit pas un rejet général du travail

Les exemples de salariés qui démissionnent, parfois avec fracas, se sont multipliés dans les médias et sur les réseaux sociaux... Mais la réalité, c’est que les Français n’ont jamais autant travaillé.

Michel Poiccard, Dessin d'Erik Tartrais
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Illustration de l'article Non, la « grande démission » ne traduit pas un rejet général du travail

© Midjourney

Entre les multiples reportages consacrés aux Français ayant décidé de ne pas retourner à leur bureau, après la fin du télétravail, et l’annonce par le ministère du Travail (Dares) d’un nombre record de démissions au premier trimestre (520 000), la cause paraît entendue : la France est gagnée par un phénomène venu d’outre-Atlantique, celui de la « grande démission ». De nombreux chefs d’entreprise se plaignent, du reste, de ne pas réussir à retenir leurs salariés.

Pourtant, par-delà la thématique du ras-le-bol du travail, jamais autant de Français ne se sont trouvés en emploi. Au cours du premier semestre de 2022, c’était le cas pour 68 % des personnes âgées de 15 à 64 ans, soit 1,2 point de plus qu’avant la crise du Covid (dernier trimestre 2019).

Certes, les hommes, après-guerre, travaillaient plus jeunes et au-delà de 62 ans, de sorte que leur taux d’emploi était sans doute supérieur aux 70,7 % constatés actuellement (la série statistique ne commence qu’en 1975), en ce qui les concerne. Mais les femmes étaient beaucoup moins présentes sur le marché du travail. Elles ne représentaient qu’un tiers des emplois au début des années 60, contre près de 50 % aujourd’hui. Le taux d’emploi global était donc inférieur.

Lire aussi > Aux États-Unis, le Covid-19 précipite la « Grande Démission »

Démission relation travail

« Dans deux ans, je me vois avec plus de responsabilités, au même poste,
au même salaire et prévoyant de démissionner. »

Même les jeunes et les seniors

Sur la période récente, ce sont les plus jeunes et les plus âgés, dont on pensait qu’ils étaient las du travail, qui sont le plus sortis de l’inactivité. Seuls 10 % des seniors entre 60 et 64 ans travaillaient à l’orée des années 2000, c’est le cas pour près de 35 % d’entre eux aujourd’hui.

La réforme des retraites de 2010, qui a fait passer l’âge légal de départ à 62 ans, y a aidé. S’agissant des jeunes (15-24 ans), les fortes aides destinées à encourager l’alternance, ont contribué à un taux d’emploi qui atteint actuellement de près de 35 %, cinq points au-dessus de celui de fin 2019.

Les salariés démissionnent donc beaucoup… mais c’est pour changer de job. Plutôt que de « grande démission », il faudrait plutôt parler de « grande rotation ». Les employeurs font la course pour les recruter, offrant des salaires en hausse, des conditions de travail plus favorables, ce qui alimente la vague de démissions. Mais la situation, évidemment favorable aux salariés, pourrait ne pas durer, en raison des menaces qui pèsent sur l’économie européenne…

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