De l’aveu de tous, organiser les plannings est le plus compliqué : il faut gérer les absences, y compris celles du manager, qui peut appréhender de laisser son équipe sans encadrement. « Mais quand ils sont en vacances, ils ne sont pas traumatisés de ne pas être là », relativise le dirigeant de LDLC.
Pour que ça fonctionne, il faut une culture de la confiance. Pour lui, les 32 heures étaient « une évidence » pour ne pas surcharger la journée de travail. Welcome To The Jungle, plateforme de recrutement qui a adopté les quatre jours en juin 2019, et Yprema, une société de recyclage de matériaux de construction, sont restés aux 35 heures en allongeant la journée de travail.
En Chiffres
Deux salariés français sur trois
souhaitent une semaine de travail à quatre jours, d'après l'étude The Workforce View In Europe réalisée par ADP en 2019.
Avec la semaine de quatre jours, les journées sont plus denses, mais les salariés profitent d’un vrai week-end et sont donc en meilleure forme, ce qu’attestent plusieurs études.
Polyvalence requise
Certains travaillent volontairement sur leur jour « off » chez Welcome To The Jungle ou LDLC, mais on assure qu’ils le faisaient déjà avant, pendant le week-end.
Les salariés gagnent aussi en polyvalence, car ils doivent souvent assumer une partie du travail de certains collègues. Chez Yprema, dans les usines, il existe un poste d’ouvrier « polycompétent ». Et dans les bureaux, comme pour certains postes chez LDLC, le travail est organisé en binôme. Cela nécessite d’accompagner les salariés dans la gestion de leur temps et de leur travail pour qu’ils restent efficaces.
Welcome To The Jungle constate que, si le niveau de stress n’a pas forcément diminué, les salariés le gèrent mieux. Chez Yprema, la semaine de quatre jours s’est traduite par une hausse de la production : les machines tournent 8h45 par jour contre huit auparavant. « Les entreprises qui y sont passées ont plutôt de bons retours sur la performance », confirme Julien Roubaud de Great Place to Work.
« Cela amène une réflexion saine sur l’organisation, les dysfonctionnements se repèrent plus vite »
Camille Fauran,Directrice générale de Welcome To The Jungle.
Le travail devient plus efficace : moins d’éparpillement, des réunions plus concentrées. Pour Laurent de La Clergerie, le vendredi est plus productif : peu nombreux, moins dérangés, ceux qui travaillent ce jour-là se concentrent mieux.
Embauches à la clé ?
Pour les postes dont on ne peut augmenter la productivité humaine (accueil, logistique…), il est souvent nécessaire d’embaucher.
« Cela amène une réflexion saine sur l’organisation, les dysfonctionnements se repèrent plus vite », juge Camille Fauran, directrice générale de Welcome To The Jungle. Trois postes de chargés de prospection ont ainsi été créés, car les commerciaux consacraient l’essentiel de leur temps aux rendez-vous clients au détriment de la recherche de nouveaux prospects.
L’entreprise est convaincue que les quatre jours, c’est bon pour la créativité et le maintien de compétences des employés : ceux qui le souhaitent ont le temps d’exercer une activité en free-lance à côté. « Nos équipes sont jeunes, c’est une façon de les aider à se projeter chez nous dans la durée. »
Il faut parfois un temps d’adaptation. Mais Susana Mendes, secrétaire générale d’Yprema, assure que « les effets positifs ont rapidement été visibles ». Si malgré des modèles de réussite, cette organisation reste ultra-marginale, « cela va peut-être évoluer avec le télétravail, avance Julien Roubaud. Il y a un peu les mêmes a priori. » LDLC a d’ailleurs fait ce parallèle pour convaincre ses managers. « Pendant longtemps, on a travaillé quatre jours presque incognito, explique Susana Mendes. Mais depuis un an, on n’a jamais été autant sollicités par les médias ! ».
Pour aller plus loin : Pour la semaine de quatre jours, Pierre Larrouturou, La Découverte, 1999
Ces entreprises qui ont fait machine arrière
Yprema fait partie des précurseurs de la semaine de quatre jours. Elle l’a mise en place en 1997, suite à la loi Robien. Coécrite par le député UDF avec l’économiste Pierre Larrouturou, la loi prévoyait une baisse de cotisations sociales de 10 % pour toute entreprise qui passait de 39 heures (durée légale à l’époque) à 35 heures et embauchait l’équivalent de 10 % de sa masse salariale.
L’économiste affirme que 400 entreprises françaises sont ainsi passées à la semaine de quatre jours, dont de grands groupes : Mamie Nova, la Macif, Fleury Michon, Monique Ranou, Brioche Pasquier… Mais pour beaucoup, le sujet n’est plus d’actualité en 2021 et elles rechignent parfois à en parler.
Fleury Michon avait mis en place une organisation à 33 heures par semaine sans baisse de salaire pour « apporter plus de souplesse et répondre aux variations de la demande dans l’univers de l’alimentaire frais ». Mais c’était une modulation annuelle du temps de travail : les salariés pouvaient donc travailler de trois à six jours selon les semaines. En 2008, l’entreprise est revenue sur cette organisation en proposant aux salariés de passer aux 35 heures avec augmentation de salaire, ce qui a été approuvé par référendum.
Du côté de la Macif, la baisse du temps de travail avait été adoptée en 2000, elle a été supprimée en 2019, moyennant hausses de salaire et éléments collectifs de rémunération pour, selon l’entreprise, mieux prendre en compte les évolutions du marché et homogénéiser le temps de travail de l’ensemble des salariés.