Economie
Débat. Le salariat est-il voué à disparaître ?
Demain, serons-nous tous free-lance ? Pour certains, la fin du salariat est annoncée et s’amorce lentement, mais sûrement. Pour d’autres, ce statut n’est pas près de disparaître tant les principaux concernés y tiennent dur comme fer ! Et, apparemment, les jeunes ont les idées très claires sur le sujet…
Pages animées par Frank Dedieu, professeur d'économie à l'IPAG Business School
© DR
Avec l'avènement d'Uber, de Deliveroo et des autres plateformes, le salariat est-il voué à disparaître ? Demain tous auto-entrepreneurs ? Sans doute pas, mais pour l'exercice, deux étudiants en débattent, et donnent les arguments et chiffres utiles, à charge et à décharge.
Ce débat est un exercice réthorique et ne représente pas nécessairement les opinions des participants et participantes.
Oui, vive les auto-entrepreneurs !
Émeric Duchemin, Étudiant 1re année IPAG Business School
L’entrepreneuriat existe déjà dans les têtes. Et même sous forme de rêve : un Français sur quatre envisage de créer ou de reprendre une entreprise, selon un sondage OpinionWay réalisé en 2018.
Bien sûr, ce ne sont pas 12 ou 15 millions de Français qui passeront à l’acte du jour au lendemain, mais un tel esprit d’initiative mérite d’être salué au pays du roi CDI.
Plus encourageant encore, cette envie de créer concerne même 46 % des jeunes de 18 à 25 ans. Le statut d’auto-entrepreneur semble fait pour notre génération, fâchée avec la paperasse : une immatriculation en quelques minutes, pas de comptabilité et pas de TVA à facturer en dessous d’un certain seuil.
Éco-mots
Auto-entrepreneur
Un auto-entrepreneur (ou micro-entrepreneur depuis le 1er janvier 2018) bénéficie de la franchise de TVA jusqu’à un seuil de chiffre d’affaires : 33 200 euros annuels pour les activités de services et 82 800 euros pour les activités commerciales (achat-vente).
Et pas besoin d’avoir une idée géniale ou de se prendre pour Steve Jobs : des métiers classiques autour du consulting, du bricolage (à condition de ne pas toucher au bâti) ou de la sophrologie, peuvent s’exercer comme auto-entrepreneur et satisfaire ainsi deux désirs, la liberté retrouvée et le fait d'entreprendre.
C’est simple, facile et surtout gratuit puisqu’aucun apport personnel n’est requis. D’ailleurs, beaucoup de chômeurs en mal de contrat de travail ont décidé de passer à l’acte.
Selon l’INSEE (enquête publiée en 2016 sur la base de chiffres 2014), 28 % des auto-entrepreneurs étaient auparavant à la recherche d’un CDI.
L’idée de devenir son propre patron pour lutter contre le chômage n’est pas nouvelle. En 1980, Raymond Barre, alors Premier ministre, conseillait – non sans susciter quelques remous – aux chômeurs français de créer leur propre entreprise.
38 %
Parmi les auto-entrepreneurs (chiffres INSEE 2014), 38 % étaient déjà salariés du privé ou stagiaires avant leur immatriculation, 28 % chômeurs, 6,5 % étudiants, 6,5 % agents de la fonction publique et 4,8 % retraités.
Mais non !
Lisa Terpereau, Étudiante 1re année IPAG Business School
Si le statut d’auto-entrepreneur était vraiment si merveilleux, pourquoi, presque partout dans le monde, des chauffeurs Uber intenteraient-ils des procès à l’entreprise pour que leur contrat soit requalifié en contrat de travail et qu’ils deviennent salariés ?
Parce que cette population, abondamment présentée comme “moderne”, “flexible”, “libre”, “jeune”, veut tout simplement accéder aux droits attachés au salariat. Et pour cause : un emploi salarié bénéficie de cotisations automatiques, donnant droit à une retraite.
Il dispose d’un minimum garanti de salaire (le SMIC) et de congés payés depuis 1936.
Éco-date : Juin 1936
Le Front populaire adopte une loi qui institue les congés payés. Les salariés auront droit à deux semaines de vacances par an. Aujourd’hui, le salarié bénéficie de deux jours et demi de congés par mois travaillé.
Ce statut procure des revenus réguliers et donc une capacité à se projeter dans l’avenir, à réaliser des projets personnels aux conséquences économiques fondamentales : acheter une maison à crédit, investir dans une nouvelle voiture, partir en vacances, toutes ces actions se transforment en croissance à l’échelle nationale, en emplois supplémentaires, en pouvoir d’achat.
La société de consommation repose sur le salariat et la classe moyenne repose sur la stabilité du contrat de travail.
Et puis, enfin, pourquoi dénigrer cet argument, la régularité des horaires – la routine, diront certains – rassure l’esprit et apaise le quotidien, déjà bien assez stressant.
Éco-mots
Contrat de travail
Pour parler de « contrat de travail », il faut remplir trois critères : une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination par lequel l’employeur donne des ordres et en contrôle l’exécution.
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