Trois semaines par an ! C’est en moyenne le temps que passe un salarié en réunion en France. Pour les cadres, il faut compter plus du double, soit entre neuf et dix heures hebdomadaires. Et, dans seulement la moitié des cas, l’exercice est considéré comme productif.
Lorsque l’institut de sondage OpinionWay a publié ces résultats, en juin 2017, personne ne les a contestés. Trop nombreuses, trop longues, trop brouillonnes, les réunions sont devenues une plaie en entreprise, surtout dans les plus grandes. À tel point qu’un marché s’est créé pour les dynamiser : création d’outils innovants par des start-up comme Klaxoon et Beekast, location de lieux inspirants ou d’une conference bike pour cogiter collectivement dehors et en pédalant.
Un gâchis organisé
Le constat est le même, quel que soit le secteur d’activités : les réunions coûtent plus – financièrement mais aussi en temps et en énergie – qu’elles ne rapportent en termes de prise de décision, d’innovation, de productivité.
Trois semaines par an ! C’est en moyenne le temps que passe un salarié en réunion en France. Pour les cadres, il faut compter plus du double, soit entre neuf et dix heures hebdomadaires. Et, dans seulement la moitié des cas, l’exercice est considéré comme productif.
Lorsque l’institut de sondage OpinionWay a publié ces résultats, en juin 2017, personne ne les a contestés. Trop nombreuses, trop longues, trop brouillonnes, les réunions sont devenues une plaie en entreprise, surtout dans les plus grandes. À tel point qu’un marché s’est créé pour les dynamiser : création d’outils innovants par des start-up comme Klaxoon et Beekast, location de lieux inspirants ou d’une conference bike pour cogiter collectivement dehors et en pédalant.
Un gâchis organisé
Le constat est le même, quel que soit le secteur d’activités : les réunions coûtent plus – financièrement mais aussi en temps et en énergie – qu’elles ne rapportent en termes de prise de décision, d’innovation, de productivité.
« Si vous avez 10 managers rémunérés au taux horaire de 80 euros dans une salle pendant une heure, votre réunion coûte 800 euros. Combien devez-vous vendre de produits pour compenser cette dépense ? La question aide à prendre conscience de la nécessité de rendre les réunions efficaces », souligne Louis Vareille, un ancien cadre dirigeant de Danone devenu « réuniologue » conseil.

En 2014, une étude du cabinet Bain & Company avait montré que la réunion hebdomadaire des middle managers coûtait 15 millions de dollars par an à certaines entreprises. Au prix de la réunion en elle-même, il faut en effet ajouter le temps passé à l’organiser en amont et celui consacré au compte rendu en aval. Difficilement quantifiables, ces dépenses ne sont pour autant pas négligeables.
Un facteur de bonheur
Au-delà de l’aspect financier, il y a de nombreux autres coûts liés à la qualité douteuse des réunions. En 2012, deux chercheuses européennes ont étudié cet impact au sein de 20 entreprises du secteur automobile (3). Elles ont démontré que de bonnes réunions (débouchant sur des décisions claires et donnant la parole à tout le monde) se traduisent par des gains de productivité et d’innovation, qui renforcent la solidité de la compagnie dans son ensemble.
La réunion a une valeur symbolique qu’il ne faut pas négliger.
Maurice ThévenetProfesseur de management à l'Essec
À l’inverse, leur recherche a pointé l’effet néfaste, en termes d’efficacité et de turnover (voir encadré), de mauvaises réunions, c’est-à-dire des réunions qui dérivent hors sujet ou sont consacrées à critiquer ou à se plaindre.
Dès 2006, une étude menée par des universitaires américains et britanniques avait établi un lien clair entre efficacité des réunions et bien-être au travail. La satisfaction tirée des meetings jouait même plus que la configuration des locaux de travail, par exemple. « La réunion a une valeur symbolique – faire se rencontrer et discuter les gens – qu’il ne faut pas négliger », note Maurice Thévenet, professeur de management à l’Essec.
Un outil à cadrer
« Le problème de l’efficacité des réunions est ancien. Il est identifié depuis près de 50 ans. Seulement, les évolutions du monde du travail le rendent aujourd’hui plus criant », ajoute-t-il. D’une part, les entreprises sont des structures de plus en plus complexes, souvent mondialisées, au sein desquelles des personnes très différentes doivent travailler ensemble. Illustration : le travail est moins organisé de façon séquentielle (chacun intervient à son tour) et davantage en mode projet (différents métiers actifs en même temps), ce qui accroît le besoin de réunions.
D’autre part, les agendas respectifs étant de plus en plus chargés, organiser des temps de travail collectif devient de plus en plus difficile, d’où une injonction croissante à faire de la réunion un moment réellement productif. Dans ce contexte, que faire ? La réponse est simple et compliquée la fois : apprendre à réaliser des réunions pertinentes puis se tenir à ces bonnes pratiques.
Cette compétence, qui fait notamment l’objet de modules en école de commerce et de gestion, mériterait d’être plus largement promue dans l’enseignement puis renforcée tout au long de la carrière. Car si les règles de base sont connues – commencer à l’heure, énoncer dès le départ l’objectif visé, faire intervenir l’ensemble des participants, limiter le temps de la séance et l’évaluer à la fin – elles peinent encore souvent à être appliquées, y compris chez les grands patrons.
Détecter les passagers clandestins
Être présent dans la salle mais inactif et compter sur les autres participants pour fournir les idées. La tentation est forte d’aller en réunion dans cet état d’esprit. On devient alors « passager clandestin », une expression théorisée par l’économiste américain Mancur Olson dans son ouvrage Logique de l’action collective (1965). Appliquant le raisonnement coûts/avantages à l’action collective (la participation à une grève pour obtenir une hausse de salaire par exemple), il en tire un paradoxe : un acteur rationnel a intérêt à profiter d’une action collective sans y participer.
Autrement dit, il a intérêt à être un passager clandestin. Depuis, l’utilisation de l’expression s’est étendue pour désigner quelqu’un qui veut bénéficier d’un service gratuitement en faisant assumer son coût par les autres (comme les resquilleurs dans les transports en commun). À l’échelle de la réunion, l’absence d’implication personnelle n’empêchera pas le « clandestin » de profiter des décisions collectives.
Productivité
C’est le rapport entre une production de biens ou de services et les moyens qui ont été nécessaires pour sa réalisation (énergie, machines, matières premières, capital, humains, temps).
Turnover
Mot anglais (signifiant rotation) passé dans le langage courant pour désigner le taux de renouvellement du personnel d’une entreprise.
Notes
(1) « Enquête sur les écueils liés au mode collaboratif en entreprise », OpinionWay pour Empreinte Humaine, juin 2017
(2) « Managing Your Scarcest Resource », Bain & Company Time Management Study and Impact on Organizations, mai 2014
(3) « Meetings Matter : Effects of Team Meetings on Team and Organizational Success », Simone Kauffeld et Nale Lehmann-Willenbrock, avril 2012
(4) « Not Another Meeting ! Are Meeting Time Demands Related to Employee Well-Being ? », Steven G. Rogelberg, Desmond J. Leach, Peter B. Warr et Jennifer L. Burnfield, février 2006