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« Les produits doivent rester le plus longtemps possible dans le circuit économique »
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« Les produits doivent rester le plus longtemps possible dans le circuit économique »
Depuis peu, les professionnels sont contraints de gérer leurs invendus, plutôt que de les jeter à la poubelle. Si la loi les y oblige, peu ont passé le pas : ils ont besoin de temps pour adapter leur business model, selon Clémence Lepla, doctorante en droit privé à l’Université́ de Lille.
Cathy Dogon
© Getty Images
Pourquoi elle ?
Clémence Lepla est doctorante en droit privé à l’Université́ de Lille, spécialiste de la gestion des invendus. Elle travaille notamment sur les solutions de reprises dans les contrats d'affaires afin de garantir la circulation des invendus alimentaires et non alimentaires par le biais du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage.
Pour l'Éco. Le réemploi est-il encadré par la loi en France, et depuis quand ?
Clémence Lepla : L'industrie du vêtement ou de la chaussure a longtemps préféré broyer plutôt que de redistribuer les invendus dans des magasins de déstockage ou les donner. La vague d'indignation provoquée par la diffusion de reportages sur ce sujet a donné du grain à moudre aux parlementaires, ce qui a abouti au vote de la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec).
Éco-mots
Modèle visant à dépasser la linéarité « extraire, fabriquer, consommer et jeter » grâce à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires. Cela passe, par ordre de priorité, par la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets.
Les effets de cette loi, promulguée juste avant le confinement, le 10 février 2020, sont encore peu visibles. Elle répond à une vision assez holistique en prévoyant des dispositions à chaque étape du cycle de vie du produit, de la production à la consommation ou à la seconde main. Le produit doit rester le plus longtemps possible dans le circuit économique grâce à la réparation et au reconditionnement. Si les produits ne sont pas vendus, comme les plantes notamment, ils doivent être réemployés d'une autre manière.
Lire aussi > Comment garder les plantes invendues dans le circuit économique
Ce texte de loi prévoit-il des incitations ou des contraintes ?
Des sanctions sont prévues dans certaines dispositions. Par exemple, les professionnels doivent réemployer les invendus. Si ce n’est pas possible, ils doivent chercher à les réutiliser ou, en dernier recours, à les recycler. Le non-respect de cette obligation les expose à une amende de 3 000 euros pour une personne physique et à 15 000 euros pour une personne morale. Jusqu’à maintenant, peu de personnes ont été sanctionnées parce qu’il y a peu de contrôles. Mais ce n'est encore que le début : cette loi regroupe une centaine d'articles, avec plein de dispositions qui vont dans tous les sens. L'exécutif a besoin de temps pour établir des décrets d'application plus précis On laisse aussi le temps aux entreprises de prendre en compte la nouvelle législation et d'adapter leur business model.
La loi Agec ne vise-t-elle que les entreprises ?
Elle comporte un large volet sur l'information du consommateur. Ainsi, les entreprises qui utilisent des matières recyclées doivent désormais en indiquer le pourcentage dans la composition chimique des produits. Les fabricants d’électroménager sont, eux, contraints de préciser l’indice de réparabilité, avec la durée de disponibilité des pièces détachées. Cet aspect du texte est déjà effectif. Le but est d'aboutir à l'information la plus claire possible, parce que jusque-là, les logos et labels constituaient des informations peu vérifiables. En bout de chaîne, l'acheteur est désormais responsabilisé.