Economie
Les vidéo clubs Blockbuster auraient dû racheter Netflix pour survivre
Figé dans un modèle de magasins physiques, le pionnier de la location de vidéos a été laminé par les services moins chers et plus rapides de concurrents comme Netflix.
David Ngonga, professeur de gestion à EBS Paris
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Dans la rubrique Histoire d'un couac, découvrez chaque mois, la chute d'une entreprise et les leçons à en retenir.
Au commencement était Blockbuster. Avant Netflix, HBO Go ou Amazon Prime. David Cook, développeur de logiciels pour des compagnies pétrolières, a ouvert le premier Blockbuster en 1985, à Dallas.
Pendant les années 90 et jusqu’au début des années 2000, Blockbuster est la première entreprise de location de vidéos aux États-Unis. À l’époque, les magasins sont le seul moyen, pour les consommateurs, de regarder un film qui n’est plus en salles, sauf à acheter la cassette VHS.
Un client mécontent nommé Reed Hastings
En 1987, trois investisseurs décident de faire passer Blockbuster au niveau supérieur. Ils font de la marque la principale chaîne de vidéothèques aux États-Unis avec 1 000 magasins. En 1992, la société s’étend à l’étranger en rachetant Ritz, une chaîne de location de vidéos britannique.
9 000
magasins Blockbuster dans le monde, en 2004.
En 1994, Viacom (conglomérat américain) rachète Blockbuster pour 8,4 milliards de dollars puis, cinq ans plus tard, le lance en Bourse. En 2004, Blockbuster compte 9 000 magasins dans le monde pour un chiffre d’affaires de 5,9 milliards de dollars.
C’est l’apogée, mais personne ne le sait encore. D’autres services plus dynamiques émergent et les clients de Blockbuster commencent à se plaindre des "frais de retard" facturés quand ils retournent les cassettes hors délai. Blockbuster reconnaît à l’époque que 16 % de ses revenus proviennent de ces pénalités. Un client est particulièrement agacé par une amende de 40 dollars. Il s’appelle Reed Hastings. C’est le cofondateur de Netflix.
Netflix pour une bagatelle
En 2000, Blockbuster a commis une grosse erreur. Il a refusé de racheter Netflix, au bord de la faillite, qui lui était proposé pour seulement 40 millions de dollars ( il en vaut aujourd’hui 194 milliards !). Puis, en 2002, un autre concurrent, Redbox arrive sur marché. Il est de plus en plus clair que les gens veulent des options de location plus rapides et sans frais de retard. Mais Blockbuster, avec ses magasins physiques, ne peut rivaliser avec Netflix, Redbox, Apple et d’autres entreprises présentes sur internet qui fournissent des locations par correspondance ou du streaming numérique.
Progressivement, Netflix devient le plus gros concurrent de Blockbuster. Netflix a créé un service d’abonnement mensuel qui permet aux clients de recevoir un film par la poste, de le regarder à leur guise et de le renvoyer quand ils veulent. Netflix lance aussi la diffusion de vidéos et d’émissions de télévision via internet et sur tous les écrans (télévision, tablette, téléphone, console). Tout cela pour un abonnement mensuel modique avec, même, des locations illimitées.
Le coût de l’arrogance
La concurrence croissante de Netflix, Redbox, Amazon à la demande a entraîné une baisse des revenus pour Blockbuster. La chute est devenue inévitable. C’est le sort des entreprises qui ignorent leurs concurrents. Et puis, avec une dette dépassant un milliard de dollars, l’entreprise n’a plus les moyens d’investir dans la croissance des abonnés comme le fait Netflix. Il lui manque l’infrastructure nécessaire pour réussir son passage au streaming et il paye l’arrogance de ses dirigeants qui déclinent une offre de rachat de… Netflix.
La morale de cette histoire est la suivante : la taille d’un réseau de franchise établi ne le rend pas invincible. En 2010, Blockbuster a déposé une demande de protection en vertu du chapitre 11 de la loi sur les faillites. C’est le clap de fin.
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