L’impact n’est pas le même entre les secteurs quasiment à l’arrêt depuis plus d’un an (culture, tourisme, sport, événementiel…) et ceux qui ont pu poursuivre leur activité, de façon parfois très soutenue. Ainsi, le secteur médico-social (autour de 30 % des emplois dans l’ESS) « a continué là où les opérateurs privés et publics ont stoppé leur intervention lors du premier confinement. Le deuxième confinement a été moins difficile », explique Amélie Artis, chercheuse en économie à Sciences Po Grenoble.
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Télé-bénévolat
« Mais le secteur connaît des difficultés, précise Sébastien Darrigrand. Problème de protection de la santé des salariés et de financement des métiers en tension, conditions de travail difficiles, épuisement… ». De plus, au début, la prime aux soignants promise par l’État était réservée au secteur public, d’où une démotivation et des démissions.

Les associations (structures les plus nombreuses et dont beaucoup relèvent des secteurs les plus affectés) ont été les plus impactées : perte des adhésions, effondrement du merchandising. Selon l’Udes, 33 % craignent de ne pas pouvoir maintenir leur effectif salarié et 4 000 risquent le dépôt de bilan, notamment dans le sport.
Amélie Artis souligne que, dans les structures où le bénévolat joue un grand rôle, « beaucoup d’acteurs de l’ESS ont développé des relations de télé-bénévolat afin de maintenir le lien. Indirectement le télé-bénévolat développe les usages numériques vers des populations moins équipées ; Cependant, l’accès n’est pas égal ». L’enjeu a donc été d’accompagner les bénévoles

Résilience des Scop
Pour les coopératives, dont les deux tiers déclarent une perte de chiffre d’affaires et 47 % une baisse des commandes et de la fréquentation en 2020 – dans une étude de la Confédération des Scop en février 2021 (des chiffres inférieurs aux premières estimations de mai) –, la situation est plus contrastée, mais globalement, « les Scop ont mieux résisté », assure la déléguée générale de la Confédération des Scop, Fatima Bellaredj. La baisse du chiffre d’affaires a été inférieure à 25 % dans plus de la moitié des cas.
Prêt participatif d’entraide et solidaire (PPES)
Prêt accordé aux coopératives de salariés (SCIC et Scop) par le Mouvement des Scop, mis en place le 13 mars 2020 (en attendant que les dispositifs de l’État soient instaurés et ouverts aux coopératives) et réactivé en novembre pour certains secteurs. Le but était de soutenir la trésorerie et de financer la reprise d’activité. Cent vingt-six prêts ont été accordés, pour un montant de 2,7 millions d’euros.
Des disparités fortes existent : pas de baisse pour la majorité des coopératives dans le secteur du commerce (76 %) et de l’énergie et environnement (67 %), baisse de CA pour plus de 70 % des coopératives dans les secteurs éducation, santé, action sociale, industrie, construction, services.
En Chiffres
8 %
La croissance des Scop et SCIC en 2020 (source : Confédération générale des Scop)
Selon le rapport annuel de la Confédération générale des Scop, seules 93 coopératives ont disparu en 2020 (-35 % par rapport aux disparitions de 2019) contre 206 créations. Quatre mille emplois ont été créés (+6 %). Début 2021, la moitié des coopératives déclarent continuer leur activité normalement, 26 % reprennent totalement et 17 % reprennent progressivement.
Temps long
L’économie sociale et solidaire s’inscrit souvent dans un temps plus long et certains mécanismes protègent ses entreprises : les coopératives, notamment, ont ancré dans leurs statuts l’obligation de constituer des réserves impartageables. Celles qui ont une certaine ancienneté ont pu ainsi se reposer sur des fonds propres. « Les coopératives sont des entreprises, elles sont donc impactées par leur environnement », précise Caroline Naett, secrétaire générale de Coop FR.
« Mais les réserves impartageables, la redistribution des résultats exclusivement aux membres ou aux projets, la vision stratégique à long terme, l’absence de diktats des actionnaires, font la différence et offrent une meilleure résistance. Et les sociétaires, à qui le projet appartient, peuvent renoncer à certains avantages pour préserver la structure ».
« Quand l’activité a repris [après le premier confinement, NDLR], les salariés se sont impliqués naturellement parce qu’il s’agit de leur outil de production et de travail. »
Fatima Bellaredj,déléguée générale de la Confédération des Scop.
Selon plusieurs acteurs, les effets les plus négatifs pourraient se faire sentir au second semestre 2021 et en 2022, quand les aides auront cessé, qu’il faudra rembourser les prêts, que la reprise d’activité ne sera peut-être pas suffisante.
« Il y a un plan de relance très ambitieux, 100 milliards d’euros, mais seul 1,3 milliard concerne l’ESS, c’est insuffisant pour répondre aux besoins en sortie de crise, estime Sébastien Darrigrand. Dans les secteurs de la santé, du médico-social, la transition numérique et énergétique, l’ESS est en première ligne. »
Pour ses acteurs, l’après-crise serait l’occasion de repenser l’économie et la société. Ils veulent croire que la résilience et l’adaptation intrinsèques aux structures de l’ESS feront la différence. Patrick Sapy assure que « la finance solidaire résiste mieux aux secousses, a une capacité d’adaptation aux crises financières et les dispositifs imaginés depuis plus de 20 ans font la preuve de leur solidité ».
« On a senti une appétence pour le local et les coopératives sont totalement dans cette dynamique de proximité », assure Caroline Naett. « L’ESS n’est pas monolithique, affirme Amélie Artis, elle donne des réponses différentes selon l’expertise et la vision stratégique du collectif. Ce n’est pas infaillible, mais cette différenciation est une ressource de résilience ».
Des aides pas toujours adaptées
Dans un premier temps, les structures de l’ESS n’ont pas eu droit aux aides aux entreprises, parfois pas adaptées à leurs particularités. Des mécanismes ont été montés en urgence au sein du secteur, comme le PPES*.
Pour Patrick Sapy, « celui-ci connaît de graves difficultés de financement (baisse de la contribution des usagers et des dons), pourtant, l’ensemble a pu être soutenu ». Les financiers solidaires, confrontés aux mêmes problèmes que les financeurs classiques, « ont accepté de reporter des échéances et parfois réinvesti après la crise des liquidités en retour d’activité ».
L’ESS a désormais accès à tous les dispositifs et ses acteurs saluent le travail d’Olivia Grégoire, arrivée en juillet au secrétariat d’État chargé de l’ESS, qui a été rattaché à Bercy. « Le statut de coopérative n’a pas entraîné de difficultés supplémentaires à obtenir de l’aide », affirme Caroline Naett, qui estime que les mécanismes d’aide ont « globalement bien fonctionné ».
Parmi les Scop et SCIC, 84 % déclarent avoir eu recours aux aides d’urgence en 2020 (72 % pensaient peut-être y recourir encore début 2021) : 3,7 millions d’euros d’aides ont été accordés via les dispositifs propres aux coopératives. Mais certaines situations sont plus compliquées. Ainsi, les membres des Coopératives d’activité et d’emploi (CAE) ont obtenu le chômage partiel, mais pas pour les porteurs de projets pas encore salariés.
De nouveaux dispositifs ont vu le jour en 2021 pour des produits de sortie de crise, comme des dispositifs de quasi-fonds propres, ainsi que le fonds UrgencESS, pour aider les associations et petites structures de l’ESS.