« Dans les semaines qui précèdent les négociations, je me prépare. Je mange sainement, je fais du sport, je me couche tôt », confie Blandine Dollé, DRH de Rennes School of Business. Mener les discussions avec les délégués syndicaux et les représentants du personnel, « c’est passionnant, mais aussi éreintant. Il faut rester rigoureux et tenir longtemps », ajoute-t-elle.
Dans les entreprises de plus de 300 salariés, cette mission revient au responsable des relations sociales. Dans les entreprises plus petites comme la Rennes School of Business, c’est la chasse gardée du ou de la DRH. « Les relations sociales sont au cœur de ce métier. Et contrairement à d’autres sujets comme la paie, la formation ou encore les recrutements, il est difficile de déléguer ces missions », estime Blandine Dollé. Le dialogue social est non seulement très normé et codifié par le droit du travail, il est aussi éminemment sensible.
Quelle(s) formation(s) ?
« Un bon responsable des relations sociales est à la fois un juriste aguerri et un fin négociateur. Il doit également avoir une bonne culture générale, économique et politique. Il est aussi doté des connaissances financières et comptables nécessaires pour l’élaboration des budgets et des compétences managériales confirmées », décrit le cabinet de recrutement Robert Walters.
Bref, ce profil est un vrai couteau suisse et le chemin pour acquérir ces compétences est long. Comptez cinq ans d’études en RH, droit social ou en économie puis une expérience de cinq à 10 ans en ressources humaines ou comme juriste social avant de pouvoir décrocher ce poste.
Quel (le) DRH ou responsable des relations sociales aurait en effet l’idée saugrenue de confier l’organisation des élections professionnelles à un stagiaire ? S’il y a un manquement, si ces élections n’ont pu se tenir, l’employeur peut être condamné pour délit d’entrave – puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.
De même, aucun DRH ne penserait à se faire remplacer pour présenter et discuter avec les délégués syndicaux les projets de la direction en matière d’augmentations ou de licenciements. L’affaire est trop importante. La direction, comme le DRH ou le responsable des affaires sociales, souhaite en effet que ces négociations débouchent sur un accord d’entreprise permettant de mettre sereinement en place le plan de l’entreprise.
Quels salaires ?
Le responsable des relations sociales ayant moins de 2 ans d’expérience gagne entre 55 000 et 60 000 euros brut par an. Entre 2 et 5 ans d’expérience : de 60 000 à 65 000 euros par an.
De plus en plus de négociations
D’autant plus que ces accords ont aujourd’hui plus de poids qu’ils n’en avaient naguère. Avant la loi El Khomri sur la modernisation du dialogue social de 2016 et les ordonnances Macron de 2018, « l’entreprise ne pouvait pas mettre en place en son sein des règles moins favorables aux salariés (nombre de RTT, prime du 13e mois…) que ce qui est prévu par la loi, les conventions collectives et les accords de branche. Dès lors, le principal job des représentants du personnel comme du responsable des relations sociales lors des négociations était de s’assurer que l’accord était juridiquement dans les clous. Aujourd’hui, même moins favorable, un accord d’entreprise peut sur certains sujets se substituer à un accord de branche. Cela laisse beaucoup plus de place à la négociation. Si la direction souhaite par exemple augmenter de deux heures le temps de travail hebdomadaire des employés, le responsable des relations sociales devra, d’une part convaincre les délégués syndicaux du bien-fondé du projet et d’autre part, penser à proposer quelque chose en échange, comme une crèche d’entreprise ou des journées de formation supplémentaires pour aboutir à un accord » souligne Jean Pralong, enseignant-chercheur en gestion des ressources humaines à l’EM Normandie.
Essence et salaire
« Il faut être malin et à l’écoute pour sentir ce qui pourrait ou pas passer. En ce moment, par exemple, je ne me risquerais pas, avec la flambée du prix de l’essence, à discuter du retour des employés sur site cinq jours par semaine », confie Blandine Dollé, qui surveille aussi avec inquiétude, depuis plusieurs mois, la montée du taux d’inflation.
« C’est un signe avant-coureur de démarrage de conflits sociaux et annonciateur de négociations difficiles, notamment sur la question des salaires », explique-t-elle. Elle regarde aussi ce que font les autres entreprises : ce qu’elles proposent, comment s’y sont déroulées les négociations annuelles obligatoires. « Sur le sujet des augmentations, souvent, ce sont les grosses entreprises qui donnent le ton » indique-t-elle.
Elle garde un œil sur les tendances RH et aspirations des salariés en matière de télétravail ou d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Elle anticipe aussi les objections et approbations que pourraient émettre les délégués syndicaux, en regardant les sujets auxquels sont particulièrement sensibles les centrales syndicales dont ils dépendent.
« Il faut être solide mentalement. Les négociations peuvent être longues : trois ou quatre réunions, je suis même déjà allée jusqu’à huit. Et même si les choses évoluent dans le bon sens, les vieux mécanismes peuvent ressurgir : un dialogue de sourds, chacun campant sur une posture d’opposition assez factice », prévient Blandine Dollé.
Pour aller plus loin
Un podcast « Un air de RH » Saison 1 Épisode 2 sur les relations sociales.
Comment fonctionne la démocratie en entreprise ?
« Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises » fixe l’article 8 du préambule de la Constitution.
Le représentant du personnel, comme le député, est élu. Il est choisi par les salariés des entreprises d’au moins 11 salariés, lors des élections professionnelles se déroulant tous les 4 ans.
Sa mission est de représenter et défendre les intérêts des salariés. Membre du comité social et économique, l’équivalent de l’Assemblée pour une entreprise, il est informé des projets de l’employeur impactant l’emploi et les conditions de travail : plan de licenciements, fixer une période de prise de congés payés par exemple. Il a ensuite un mois pour émettre un avis « motivé et éclairé ».
Si l’avis est favorable, alors l’employeur peut poursuivre le projet. S’il est défavorable, il le peut aussi dans 90 % des cas (la nomination d’un médecin du travail, la mise en place d’horaires individualisés font partie des cas nécessitant un avis favorable du CSE) mais au risque que ce projet soit rejeté massivement par les salariés et de tendre le dialogue social.
Le délégué syndical n’est pas élu mais choisi par un syndicat représentatif. Pour être représentatif, un syndicat doit avoir recueilli au moins 10 % des suffrages lors des élections professionnelles. Le DS représente son syndicat et assure la défense des salariés lors des négociations annuelles obligatoires sur les salaires, l’égalité femme-homme et la qualité de vie au travail.