Economie
Coworking, la crise va-t-elle freiner son irrésistible ascension ?
Le coworking est un marché particulièrement adapté aux besoins des jeunes entreprises grâce à son modèle économique basé sur les services. Mais la crise économique et sanitaire pousse ces nouvelles entreprises à adapter leur offre pour ne pas disparaître.
Elena Garcia
Contrats souples, espaces collectifs mis en commun, prix attractifs, ambiance décontractée… Avec leur flexibilité, les espaces de coworking prennent des parts sur le marché de l’immobilier de bureau. Selon la base de données Bureaux à partager, la France compterait de 1 700 sites de coworking, un nombre qui a triplé depuis 2015.
Cette nouvelle tendance immobilière propose aux entreprises de louer des espaces de travail pendant une durée flexible grâce à "des contrats renouvelables tous les deux ou trois mois ou toutes les années", explique Brieuc Oger, fondateur de Focus, une start-up qui propose à la location des bureaux aménagés pour les entreprises. "Ce n’est plus un phénomène anecdotique. Le marché du coworking s’est structuré et est devenu un vrai phénomène sociétal et économique".
"La différence entre le coworking et l’immobilier classique est la même qu’entre un hôtel, où le client paye pour une prestation tout incluse, et un studio, où l’électricité, internet ou tout autre service est à prendre en charge par le locataire.Brieuc Oger
Fondateur de Focus, entreprise de coworking
Des bureaux à la carte
L’offre classique de bureaux ne répond plus assez efficacement à la demande des jeunes entreprises. Moins visibles, composées par un nombre de travailleurs fluctuant et souvent fragiles financièrement, les PME, TPE et start-up ne peuvent pas se permettre de signer un bail commercial classique, s’étalant entre 3 et 9 neuf ans, dit 3/6/9.
Ces 3/6/9 obligent souvent les entreprises à "immobiliser de la trésorerie pour faire des travaux". Un frein pour les gérants : "ils ne peuvent pas développer leur boîte parce qu’ils se sont engagés financièrement dans la location de leur bureau pendant deux ans et ne peuvent pas les lâcher avant l'échéance pour en prendre d’autres", explique le jeune entreprenant.
Le coworking propose aux entreprises une prestation tout inclus. "Cet argent, non dépensé en coûts de bureau, peut être destiné au développement de la boîte", insiste le jeune entrepreneur.
Mais si les entreprises mobilisent moins d’argent pour pouvoir s’installer, les espaces sur mesure ne sont pas forcément moins chers. C’est même plutôt l’inverse.
Ingrid Nappi-Choulet, membre du Conseil de Développement du Grand Paris et chercheuse à l’ESSEC, spécialisée sur la question du bureau explique la raison : "Le coworking pour une entreprise coûte beaucoup plus cher que la location d’un bureau classique car c’est le prix d’un service immobilier destiné à la personne".
Pour un coworking d’entrée de gamme, un espace de 20 mètres carrés va être facturé entre 1 200 et 1 400 euros mois, soit environ 14 400 euros par an, contre 12 655 euros annuels pour le coût moyen global par poste de travail en France en 2017 dans un bureau classique, charges comprises.
Le modèle économique du coworking
Si l’immobilier d’entreprise classique est un métier de rente, où les sociétés foncières disposent d’un local qu’elles louent, le coworking est un métier de service, où l’objectif est d’améliorer la qualité de vie au bureau.
"Celui qui donne davantage envie à une entreprise de rester dans son espace, c’est celui qui s’en sort le mieux", décrit Brieuc Oger.
Pour permettre la flexibilité au chef d’entreprise, ce sont les entreprises de coworking qui vont gérer la gestion de ces espaces, ce qui implique plusieurs coûts.
D’abord les coûts d’aménagement. L’électricité, la cloison ou le sol, peuvent coûter entre 500 et 1 000 € par mètre carré. Ensuite, les coûts d’exploitation, comme le ménage, le contrat internet, l’assurance, la machine à café ou l’imprimante. Ces "quinze ou vingt factures à payer" sont couplées des coûts humains, qui permettent à l’espace de tourner correctement : le salaire d’un office manager, des commerciaux, des services marketing et administratif.
Après plus de cinq ans d'activités, Focus, l'entreprise de coworking de Brieuc Oger, parvient à assumer ces coûts et dégager une marge de 20% avec un chiffre d’affaires annuel de 710 000 euros en 2019.
Un marché à l'épreuve du Covid-19
Mais le modèle économique du coworking reste fragilisé par une imprévisibilité élevée. Le chiffre d’affaires de ces bailleurs nouvelle génération dépend des volumes de mètres carrés exploités et du nombre de clients locataires, qui varie mensuellement.
Et la crise sanitaire du Covid-19 a frappé directement le marché du coworking. "On est à plus d'un an de contexte pandémique donc c’est compliqué d’organiser des visites, les gens ne se projettent pas", reconnaît le jeune entrepreneur.
Mais la jeune entreprise entreprise lyonnaise a été moins touchée par la crise économique car son activité ne se concentre pas sur "la location à l’heure ou à la journée" mais sur des durées plus longues, ce qui lui a permis de fidéliser la majorité de ses clients.
De quoi aborder avec espoir la reprise économique à venir.
À l’origine du coworking, la révolution numérique
La révolution technologique des années 90 ainsi que la crise de 2008 ont fait naître la nouvelle économie. Ce contexte a favorisé la prolifération de start-ups : des petites entreprises innovantes, souvent liées au numérique, moteur de leur croissance économique rapide.
Ce passage au numérique en entreprise a aussi influencé l’aménagement des espaces de travail. Les jeunes entreprises veulent des lieux modernes où s’installer, et une liberté de mouvement. Le marché de l’immobilier d’entreprise s’est adapté à cette nouvelle demande et dans les années 2000, naît le coworking, un service de bureaux partagés entre salariés d’une ou de plusieurs entreprises.
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