Economie

Péquignet, un fabricant de montres Made In France à la reconquête du marché mondial

Face à l’hégémonie suisse, la messe semblait dite pour les marques horlogères hexagonales, mais après des décennies chaotiques, certaines ont réussi à trouver leur place.

Patrice Ngonga
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Illustration de l'article Péquignet, <span class="highlighted">un fabricant de montres </span><em><span class="highlighted">Made In France</span> </em>à la reconquête du marché mondial

En 1973, le Franc-comtois Émile Pequignet crée une ligne de montres ultra classiques à quartz. Succès immédiat, grâce à trois innovations majeures : Pequignet est le premier horloger à créer un design exclusivement féminin. pour les amoureux des chevaux, il lance sa mythique collection acier et or Moorea ; enfin, il ose proposer des montres en acier serti de diamants.

Son audace créative est saluée par les amateurs en France, en Europe, au Japon et au Moyen-Orient. Le secret : savoir-faire français et maîtrise technique. Au Japon, on trouve Pequignet aux côtés des géants Rolex, Bvlgari, TAG-Heuer…

En 2004, Émile Pequignet prend sa retraite et vend son entreprise à Didier Leibundgut, un horloger qui a travaillé pour de grandes maisons. Son rêve : faire de Pequignet une vraie « manufacture ».

Pour cela, il veut créer en interne son propre mouvement (mécanisme) alors que jusqu’alors, seul le design des montres Pequignet était original, les roulements étant suisses ou japonais.

En 2006, un laboratoire de Haute Horlogerie commence à travailler sur ce projet, considéré en interne par certains comme « complètement fou ». Mais grâce à son nouveau mouvement, Calibre Royal, une technologie proche de celle d’une marque aussi prestigieuse que Patek Philippe, le défi est relevé et l’industrie applaudit.

Cet exploit a un prix. Après cinq à six ans de développement, les lourds investissements commencent à peser sur la trésorerie. Le produit n’est pas encore totalement fiable, mais Leibundgut décide tout de même de lancer sa collection parce qu’il est acculé financièrement. 

Le lancement est un succès commercial, mais une catastrophe technique. Des milliers de pièces sont retournées par les clients. Horloger dans l’âme, le nouveau patron est obsédé par le Calibre Royal, il néglige la collection Horloger Créateur, pourtant la vache à lait de l’entreprise.

Ce qui s’est passé ? Une erreur de management très ordinaire : pour compenser le coût d’un investissement mal maîtrisé, l’entreprise s’affole, cherche à reconstituer ses fonds en faisant de la « cavalerie ».

Elle augmente ses prix trop tôt et ses ventes plongent. C’est l’« effet de ciseau » entre coûts et revenus, dévastateur pour la trésorerie. En mars 2012, l’entreprise est placée en redressement judiciaire.

La bataille du mouvement

Philippe Spruch et Laurent Katz, deux investisseurs privés, reprennent l’entreprise en juillet 2012. Ils veulent créer un grand groupe français d’artisanat local à l’image de Kering (Boucheron, Ulysse Nardin, Girard-Perregaux…). Ils rachètent plusieurs marques, dont Pequignet, avec son passif et tout le personnel. 

Ils investissent 11 millions d’euros dans l’affaire et se donnent deux missions : fiabiliser le calibre, ce qui demande du temps et de l’argent, puis générer de la trésorerie en relançant les ventes de la collection Horloger Créateur. Ils sortent plus de collections et réduisent les coûts en remplaçant les mouvements suisses par des japonais.

Mais la combinaison fabrication française-mouvement nippon est un échec à l’export et en France. Les modèles n’ont aucune identité. La collection ne se vend pas, l’offre est surabondante, elle est laminée par des marques comme Swatch.

En revanche, le Calibre Royal retrouve sa fiabilité. Mais en novembre 2016, les pertes s’accumulent. Spruch et Katz jettent l’éponge.

L’ADN retrouvé

Depuis 2017, quatre cadres de la maison tiennent les rênes de Pequignet Horlogerie : Dani Royer, Aymeric Vernhol, Antoine Commissione et Bernard Espinas.

À partir de leurs fonds propres, ils organisent la reconquête. C’est le retour aux fondamentaux de la maison : innovation-qualité-valeurs humaines. Le mouvement japonais est abandonné, au profit du suisse. Le nombre de produits est réduit, on écoule les stocks, on réduit les coûts en passant de 44 à 19 salariés, plus polyvalents.

La nouvelle cible marketing, c’est le cadre moyen européen. Le modèle pivote. Pequignet se lance dans le conseil aux jeunes marques, Calibre Royal est proposé à d’autres marques. Les ventes repartent. La marque s’est retrouvée. Elle est la seule du secteur de l’horlogerie à avoir obtenu en France le label « Entreprise du patrimoine vivant ».

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