Et la production de plastique ne cesse d’augmenter : elle a plus que triplé au cours des 30 dernières années et équivaut actuellement à quelque 350 millions de tonnes, soit l’équivalent de 1 646 bouteilles en plastique produites pour chaque terrien… chaque année.
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Un super produit
Pourquoi un tel succès ? « C’est un matériau léger, peu coûteux, résistant et adaptable puisqu’il peut être souple ou rigide, transparent ou opaque, étirable ou rétractable, faire barrière à l’oxygène, à l’eau, etc. », énumère Adeline Pillet, ingénieure à la direction Économie circulaire et déchets de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Déchets : quand les pays asiatiques disent « stop »
En 2018, la Chine a décidé de fermer ses portes à plusieurs catégories de déchets venus de l’étranger, dont certains plastiques. Cette décision a ébranlé le marché mondial du recyclage. Les déchets refusés en Chine ont été redirigés vers des pays voisins d’Asie du Sud-Est.
Mais ceux-ci refusent à leur tour d’être les poubelles du monde. Au cours des derniers mois, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, le Cambodge ou encore la Thaïlande ont renvoyé plusieurs centaines de tonnes de déchets à des pays comme le Canada, les États-Unis, l’Australie et la France. Les déchets plastiques exportés sont le plus souvent de mauvaise qualité, souvent non recyclables, et donc difficiles à traiter.
Quand ils ne sont pas incinérés, ils s’empilent dans des décharges ou terminent dans les océans. S’il se poursuit, ce mouvement de rejet devrait pousser les pays et les entreprises exportateurs de déchets plastiques à repenser leur système de gestion des déchets et de recyclage.
Le plastique s’adapte facilement à de multiples fonctions, ce qui explique son utilisation dans de nombreux secteurs : l’emballage, le bâtiment, l’automobile, les équipements électriques et électroniques… « C’est d’ailleurs un abus de langage de parler du plastique au singulier puisqu’il y a des typologies très différentes de plastiques », rappelle Adeline Pillet.
Cette multifonctionnalité devient un inconvénient lorsque l’on aborde la question très problématique de la fin de vie des plastiques. Ils ne sont pas tous recyclables et pour ceux qui le sont, les procédés diffèrent en fonction de leur typologie.
Pour pouvoir recycler un plastique, il faut déjà le collecter.
Adeline Pillet,ingénieure à l'Ademe.
Une grande partie du plastique qu’on dit « recyclé » est en réalité « décyclé » (voir encadré). « L’écosystème du recyclage du plastique est relativement complexe, explique l’ingénieure de l’Ademe. Pour pouvoir recycler un plastique, il faut déjà le collecter. Les unités de recyclage se mettent en place au fur et à mesure que les filières de collecte s’organisent. » Et en aval, la matière recyclée doit trouver preneur face à la concurrence des plastiques vierges très peu chers.
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Durablement polluant
Ces limites technologiques et économiques expliquent, en partie, qu’une très faible part des plastiques fabriqués depuis les années 1950 aient été recyclés. D’après les chercheurs américains déjà cités, seules 567 millions de tonnes ont été recyclées tandis que 4,9 milliards de tonnes – huit fois plus ont été déposées dans des décharges ou dans la nature ! Ces plastiques y resteront très longtemps, avec d’importantes conséquences environnementales.
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Éconcoception
Il s’agit d’intégrer des aspects environnementaux dans la conception et le développement des produits afin d’en réduire l’impact environnemental à toutes les étapes (extraction de matières premières, production, distribution, utilisation, fin de vie).
« Le temps de dégradation des plastiques est très variable, explique Mikaël Kedzierski, post-doctorant et ingénieur de recherche à l’université de Bretagne-Sud. Dans des conditions d’exposition aux effets de l’atmosphère (UV, pluie…), certains plastiques mettront entre quelques décennies et plusieurs siècles à se dégrader complètement. Dans les fonds marins, ce sera beaucoup plus long. »
Jusque dans l’alimentation
Avec ses collègues du laboratoire de recherche IRDL, ce chercheur travaille sur le vieillissement de certains plastiques et leur fragmentation en microplastiques. « Ces particules de plastique dont la taille varie entre 1 micromètre et 5 millimètres sont ubiquistes, c’est-à-dire qu’on les retrouve partout : dans les milieux marins, dans l’atmosphère, aux deux pôles », indique Mikaël Kedzierski.
Les scientifiques ont montré que ces microplastiques sont présents jusque dans notre alimentation et que nous en ingérons, même si aucune étude ne prouve pour l’instant d’impact sur notre santé. Les chercheurs font l’hypothèse que ces particules continuent de se fragmenter en nanoplastiques, mais ils manquent pour l’instant d’outils adaptés pour les observer dans le milieu naturel.
C’est inquiétant pour les citoyens, également mobilisés par les images des « continents de plastique » flottant dans les océans. « Il y a une réelle évolution sociétale sur ce sujet », observe Adeline Pillet. « Le citoyen est prêt », renchérit Laura Châtel, chargée de campagne pour l’association Zéro Waste France, « mais les politiques publiques qui seraient en mesure de favoriser les changements tardent à arriver. »
Par exemple, cette association regrette que le Sénat ait repoussé l’entrée en vigueur de l’interdiction de certains produits plastiques à usage unique dans le projet de loi anti-gaspillage (qui doit encore être examiné par l’Assemblée nationale en deuxième lecture d’ici fin 2019).
Le plastique à usage unique : une folie
Initialement prévues pour janvier 2020, ces mesures sont maintenant alignées sur celles qui seront prises dans l’ensemble de l’Union européenne début juillet 2021 (interdiction des couverts et assiettes à usage unique, des pailles, des cotons-tiges, des tiges de ballons…), grâce à une directive adoptée en début d’année.
Ce type de produit constitue 70 % des déchets plastiques en mer. La Grèce, particulièrement confrontée à la pollution plastique avec ses plus de 130 000 kilomètres de côtes, vise un arrêt de l’utilisation de ces produits un an plus tôt, dès juin 2020.
En Espagne, le gouvernement régional des îles Baléares a été beaucoup plus loin en interdisant également d’autres produits à usage unique contenant du plastique comme les rasoirs, briquets et cartouches d’imprimantes non réutilisables.
Il n’y a pas d’exemple de politique publique cohérente qui permettrait de réduire considérablement les quantités de plastique dans les prochaines années.
Laura Châtel,Zero Waste France.
Hors de l’Union européenne, plusieurs pays prennent des mesures pour interdire certains plastiques à usage unique. Par exemple, le Canada vise l’interdiction en 2021 d’une série de produits plastiques, dont la liste doit encore être déterminée.
De son côté, le Premier ministre indien Narendra Modi aimerait que son pays interdise totalement le plastique à usage unique d’ici 2022. La compagnie aérienne nationale, Air India, a d’ailleurs déjà commencé à supprimer les couverts et sacs en plastique de ses vols. « Certains pays vont plus loin que d’autres mais globalement, il n’y a pas d’exemple de politique publique cohérente qui permettrait de réduire considérablement les quantités de plastique dans les prochaines années », juge Laura Châtel.
Seule solution : « une vraie révolution »
Cette inertie est imputable à de nombreux facteurs, dont le lobbying des industriels produisant ou utilisant du plastique, la difficulté à trouver des alternatives ou encore l’ampleur des transformations requises.
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Par exemple, si on réduit les emballages plastiques alimentaires, il faudra développer le vrac, mais aussi les emballages consignés et les grands conditionnements, utiliser le verre ou le carton plutôt que le plastique… « Si ces solutions se généralisent, c’est une vraie révolution sur la manière dont on conditionne et distribue nos produits », admet Laura Châtel.
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Consigne
Somme payée par celui ou celle qui utilise un emballage consigné. Elle lui est remboursée au moment où il ou elle le restitue.
Si le vrac s’est beaucoup développé dans de petits magasins spécialisés, certains grands distributeurs se préoccupent aussi de faire évoluer leurs modes de distribution. Une start-up, TerraCycle, a développé en partenariat avec différents distributeurs dans le monde (dont Carrefour en France) le site d’e-commerce Loop qui permet de recevoir ses courses dans des emballages consignés et réutilisables.
Si l’on veut parvenir à une forte réduction de la consommation de plastique dans les années à venir, toutes les entreprises ont un rôle à jouer : « Les industriels doivent mieux éco-concevoir leurs produits, d’abord en se demandant si le plastique est le meilleur matériau puis en faisant des produits plus durables, plus réparables et intégrant de la matière recyclée », souligne Adeline Pillet.
Remettre le plastique à sa juste place
La seule solution d’avenir est de rationaliser l’usage du plastique et de le remettre à sa juste place. Cela signifie le conserver pour des usages où il est pertinent voire indispensable, comme dans le secteur médical ou aérien, et en diminuer la consommation là où il n’est pas essentiel, par exemple quand il sert à emballer.
L’arrivée massive du plastique s’est faite en quelques dizaines d’années. Ce n’est pas absurde de penser que l’on peut faire la révolution inverse dans les prochaines années.
Laura Châtel,Zero Waste France.
Le secteur de l’emballage est le premier utilisateur de plastique (45 % de celui consommé en France). Contrairement aux plastiques utilisés dans l’automobile ou le bâtiment, les plastiques d’emballage sont à courte durée de vie et souvent à usage unique.
« L’arrivée massive du plastique et du jetable s’est faite en quelques dizaines d’années. Ce n’est pas absurde de penser que l’on peut faire la révolution inverse dans les prochaines années », veut croire Laura Châtel de Zero Waste France.