Cet article est extrait de notre magazine consacré au pouvoir d’achat. À retrouver en kiosque et en ligne.
« Des petits jeunes qui reprennent une activité industrielle dans le textile en crise ? Beaucoup ne donnaient pas cher de notre peau ! ». Anne Orivel, gérante de Manufacture Textile des Vosges (20 salariés), sise à Ferdrupt, 700 habitants, se souvient.
Dans la région, en 2015, on était loin de l’âge d’or du textile et ses 242 entreprises dans les années 1950 ! Il n’en reste qu’une trentaine, quand la jeune femme se cherche, à 35 ans, un nouveau projet après la faillite de son employeur, Tissage Lévêque…
L’aventure va d’abord prendre la forme d’une coopérative (SCOP) : avec 10 des 40 anciens salariés et le descendant des fondateurs de la société, Anne Orivel reprend K-Industries, un spécialiste du tissage, alors en faillite : « Il fallait appliquer un nouveau modèle. Nous avons abandonné le marché de volume pour de plus petites séries. »
Cet article est extrait de notre magazine consacré au pouvoir d’achat. À retrouver en kiosque et en ligne.
« Des petits jeunes qui reprennent une activité industrielle dans le textile en crise ? Beaucoup ne donnaient pas cher de notre peau ! ». Anne Orivel, gérante de Manufacture Textile des Vosges (20 salariés), sise à Ferdrupt, 700 habitants, se souvient.
Dans la région, en 2015, on était loin de l’âge d’or du textile et ses 242 entreprises dans les années 1950 ! Il n’en reste qu’une trentaine, quand la jeune femme se cherche, à 35 ans, un nouveau projet après la faillite de son employeur, Tissage Lévêque…
L’aventure va d’abord prendre la forme d’une coopérative (SCOP) : avec 10 des 40 anciens salariés et le descendant des fondateurs de la société, Anne Orivel reprend K-Industries, un spécialiste du tissage, alors en faillite : « Il fallait appliquer un nouveau modèle. Nous avons abandonné le marché de volume pour de plus petites séries. »
Sept mois après avoir fermé, l’usine (ex-K-Industries) rouvre ses portes… mais les clients sont partis. « Il a fallu les reconquérir, les re-fidéliser », explique Anne Orivel.
Société coopérative de production (SCOP)
Entreprise qui a comme particularité de disposer d'une gouvernance démocratique. Les salariés ayant le statut d'associé sont obligatoirement associés majoritaires de la société. Il possèdent donc au minimum 51 % du capital social.
La Manufacture Textile des Vosges en chiffres
Date de création : 1er avril 2015
Nombre de salariés : 20
Principaux clients : ameublement et vêtement
Chiffre d’affaires 2019 : : 3 millions d’euros
Prêt bancaire initial : 500 000 euros
Dès les premières commandes, les machines à tisser reprennent du service entre les mains de l’équipe expérimentée : « À la demande du client, nous achetons du fil, du coton, du lin ou du polyester et nous le transformons en tissu brut écru », résume la jeune femme.
Ses clients, les « ennoblisseurs », donneront couleur et texture au tissu, lequel deviendra principalement du linge de maison ou des vêtements. « Comme notre activité se situe très en amont dans la chaîne de production, conserver une marge bénéficiaire suffisante est l’une de nos difficultés majeures », souligne-t-elle.
Anne Orivel
Mais le pari du changement de modèle économique est tenu : dès 2018, la SCOP atteint l’équilibre budgétaire. Après cinq ans de croissance régulière, elle compte une vingtaine de salariés. Avril 2020, date de la dernière échéance du prêt bancaire de départ, aurait dû avoir des allures de fête, mais la pandémie est arrivée.
Les masques, fausse bonne idée
L’arrêt brutal de l’activité économique, puis une reprise très tendue perturbent la trajectoire prometteuse de la SCOP.
En mars 2020, « nous avons repris rapidement le travail : notre carnet de commandes était bien rempli, cela nous a occupés durant deux mois », se souvient Anne Orivel.
Ensuite, alors que les masques manquent dans tout le pays, Manufacture Textile des Vosges se lance dans cette production. « Un vrai bazar », commente Anne Orivel, qui s’est retrouvée avec des stocks sur les bras à cause de la lenteur des procédures d’homologation…
Au final, au lieu d’investir pour l’avenir, il a fallu souscrire un PGE (Prêt garanti par l’État) pour sauver la trésorerie. « Nous avons perdu environ un mois de chiffre d’affaires. Grosse déception… Mais c’est aussi ça, la vie d’une entreprise », commente Anne Orivel.
Ma plus grande erreur : « Un manque de réactivité »
« Nous sommes une petite structure, donc je dois être polyvalente. Du coup, j’ai raté deux-trois commandes pour n’avoir pas immédiatement confirmé un accord de prix à un fournisseur. Entre-temps, le prix avait tellement augmenté qu’il n’était plus acceptable pour lui. Avec la pénurie, les prix des fils ne sont valables que 48 heures alors que nos clients mettent environ une semaine à valider une offre. À présent, confirmer dès que possible les propositions des fournisseurs est ma priorité. Et même comme ça, nous devons parfois accepter un prix qui réduit notre marge… déjà réduite. Mais stratégiquement, on ne peut pas faire autrement : il est vital de conserver notre quarantaine de clients. »
La reprise, en 2021, n’est guère plus simple : la SCOP subit l’explosion du prix des matières premières (+ 40 % pour le lin) qui menace des marges déjà fragiles. De plus, les difficultés d’approvisionnement s’accumulent : les fils viennent de l’étranger.
Coté clients, globalement, « pour l’instant, les commandes ne diminuent pas, mais on ne crie pas victoire », reconnaît la gérante, qui travaille essentiellement avec des acheteurs français.
Vie pro, vie perso : « Mon garde-fou : la garderie ferme à 18 h ! »
« Pour trouver un équilibre, il faut faire des choix, tout le temps… Je travaille de 8 h à 18 h. Je ne fais pas vraiment de pause à l’heure du déjeuner, quitte à manger au bureau. C’est stimulant et fatigant, mais aussi épanouissant. Ces 10 heures permettent d’accomplir le travail nécessaire, à condition de prioriser correctement. Certaines fois, je pourrais rester jusqu’à 20 h. Mais j’ai un impératif : à 18 h, la garderie ferme ! Ma priorité, c’est ma famille… Il arrive que le travail déborde, dans ces cas-là, je reviens au bureau, car je ne suis pas équipée pour télétravailler. Habiter à proximité de l’entreprise constitue un véritable luxe : je mets cinq minutes en voiture. »