C’est l’âge d’or des célèbres modèles Peugeot et Gitane. « Mais au cours des années 90, beaucoup de fabricants n’ont pas pris le virage des VTT, l’industrie française a perdu en compétitivité et une vague de délocalisation a frappé dès la fin des années 80 », retrace le consultant.
Au Portugal, une vallée du vélo
Si l’industrie française et européenne s’écroule, c’est à cause de la concurrence asiatique. En Chine, les usines subventionnées par Pékin tournent à plein. À tel point que la Fédération européenne des fabricants de bicyclettes (FEFB) tire la sonnette d’alarme à Bruxelles, en 1991.
L’Union européenne enquête, débat et, le 8 septembre 1993, une première taxe anti-dumping de 30,6 % est instaurée sur les importations de vélos chinois. Elle sera portée à 48,5 % en 2013.
Les fabricants chinois délocalisent au Vietnam, au Cambodge, au Pakistan pour contourner ces barrières à l’entrée sur le marché européen ? L’Union impose également des taxes en provenance de ces pays. Progressivement, l’assemblage de vélos redevient en partie européen.
En Chiffres
2,7 millions
Production portugaise de vélos en 2019
S’il y a un pays qui tire particulièrement son épingle du jeu, c’est le Portugal. À l’abri du bouclier européen, porté par un SMIC à 740 euros par mois, la vallée d’Agueda est devenue la principale zone d’assemblage de vélos en Europe. Depuis la mise en place de la taxe européenne, la production portugaise est passée de 427 000 unités par an à 2,7 millions en 2019. RTE Bikes, la plus grande usine européenne est installée à Vila Nova de Gaia, tout près de Porto, et produit entre 5 000 et 6 000 vélos chaque jour !
Decathlon s’y fournit, tout comme Uber pour son service de location à la demande Jump. Le renouveau du secteur des cycles européen se traduit dans les effectifs : « Nous sommes passés de 500 employés en 2015 à 800 », précise Bruno Salgado, le patron de RTE Bikes. Dans son sillage, une kyrielle de PME se sont développées. D’après Eurostat, le quart de la production européenne actuelle provient du Portugal. Si ce pays est le leader européen, avec 2,7 millions de bicyclettes vendues en 2019, l’Italie (2,1 millions) et l’Allemagne (1,5 million) s’en sortent aussi plutôt bien.
Le retour de la MFC
Alors, aucune chance de rouler avec une monture neuve assemblée en France ? Eh bien si ! L’un des principaux distributeurs, Intersport, se fournit en Loire-Atlantique. Et c’est peu dire que l’usine de Machecoul revient de loin.
Créée en 1925, la Manufacture française du cycle (MFC) avait d’abord connu ses heures de gloire avec la marque Gitane. En 2012, elle était en dépôt de bilan, ne comptant plus que 173 salariés. Mais Intersport la rachète et en fait son unique site d’assemblage pour les vélos de la marque Nakamura. L’usine est sauvée.
Romain Gardelle, le responsable du développement du marché cycle pour le distributeur explique : « Le vélo est un produit technique soumis à des normes établies. Nous voulions nous donner les moyens de piloter la production pour assurer un maximum de croissance du groupe en s’appuyant sur un fleuron français. Aujourd’hui, les cycles représentent une part croissante et très significative du chiffre d’affaires du groupe. »
Du sur-mesure 100 % français
Les fabricants de cycles haut de gamme ont également le vent en poupe, à l’instar de Moustache Bikes, qui conçoit et assemble des vélos à assistance électrique dans les Vosges. L’entreprise a embauché une trentaine de personnes début 2020.
Le boom très subventionné des électriques
Le marché des Vélos à assistance électrique (VAE) a explosé depuis 2007.
Cette année-là, il s’en était vendu environ 10 000 unités dans l’Hexagone contre 388 000 en 2019, soit un chiffre d’affaires de 679 millions d’euros. En valeur, cela représente 45 % des ventes totales en France.
Le prix moyen d’achat s’élève à 1 749 euros, ce qui explique son importance dans le chiffre d’affaires des rayons cycles.
Ce succès s’explique en partie par le soutien dont le VAE bénéficie au sein des collectivités locales. Elles sont nombreuses à subventionner cet équipement, à l’image de l’Île-de-France, qui finance 50 % du prix d’achat d’un vélo électrique dans la limite de 500 euros. Des subventions existent également en Occitanie, dans les Bouches-du-Rhône, en Corse, en Alsace, dans les Pays de la Loire. L’État lui-même participe à cet achat sous certaines conditions, dans la limite de 200 euros d’aide.
La France demeure le berceau de marques haut de gamme plus ou moins récentes, comme le Dijonnais Lapierre, spécialisé sur les VTT ou le Haut-Garonnais ThirtyOne, qui mise sur l’électrique. Certaines marques proposent même une fabrication artisanale sur mesure 100 % française, comme l’Auvergnate Victoire. Si l’on souhaite s’offrir une monture française, il existe donc de nombreuses marques à explorer.
Enfin, si l’on roule sur un vélo de la flotte d’une collectivité, il y a des chances qu’il ait lui aussi été assemblé dans l’Hexagone. Le site Cycleurope, à Romilly-sur-Seine, en produit, ainsi que celui d’Arcade, près de Niort.
Nul doute que le marché des cycles poursuivra sa croissance dans les prochaines années. D’autant qu’il bénéficie du soutien gouvernemental. Lors de la présentation du plan de relance de l’économie, le 14 septembre 2020, Jean Castex a annoncé le doublement des aides à l’achat d’un vélo électrique ainsi que 200 millions d’euros d’investissement pour les infrastructures cyclables. Objectif : que les Français réalisent 9 % de leurs déplacements quotidiens à vélo en 2024, contre 3 % en 2019.