
Cet article est extrait de notre magazine consacré aux super-pouvoirs économiques des politiques. À retrouver en kiosque et en ligne.
En France, on collecte deux millions de tonnes d’emballages plastiques chaque année. Mais tous ne sont pas recyclés, loin de là.
Le taux de recyclage de ces emballages plastique n’est que de 26,4 %, d’après l’UFC-Que Choisir. Et un emballage n’est quasiment pas recyclé : le pot de yaourt. Chaque habitant en consomme pourtant entre 170 et 240 par an, selon les estimations.
Ces milliards de pots finissent incinérés, enfouis ou en décomposition (très lente) dans la nature. Pourquoi ? D’abord parce que 70 % d’entre eux sont en polystyrène, une matière peu recyclable. En outre, ces pots contiennent aussi du polypropylène, du papier et de l’encre pour l’étiquette, de l’aluminium pour l’opercule…
Chaque matière est superposée en très fines couches difficiles et coûteuses à séparer du reste, bref, peu rentables à recycler.
Le casse-tête de la décontamination
Changer la matière des pots nécessiterait d’adapter les chaînes de production, soit un surcoût estimé à 20 % en 2019 par Eric Janssen, alors directeur opérationnel de Danone. Pour que le recyclage soit rentable, il faut aussi qu’il existe des gisements assez abondants d’un même matériau qui sera collecté, trié et dirigé vers une usine de recyclage.
Cela implique également que le volume de matière recyclée trouve suffisamment d’entreprises disposées à acheter cette nouvelle matière première à un prix suffisant.
Mais ce n’est pas si simple. En 2022, seuls 65 % des Français ont la possibilité de jeter leurs pots de yaourt dans un bac de tri. Et la composition des pots n’est pas uniforme. « À chaque fournisseur d’emballage son type de pot. Une réglementation européenne pourrait permettre d’uniformiser, mais cela reviendrait à privilégier un acteur plutôt qu’un autre, avec le risque d’entraver la libre concurrence », explique Enzo Muttini, cofondateur du bureau d’études M. & Mme Recyclage.
En outre, pour recycler un pot et le remettre en contact avec des aliments, il faut relever un autre défi : le décontaminer. L’enseignante-chercheuse Valérie Guillard, professeure à l’Université de Montpellier, explique : « Le plastique est une matière perméable qui absorbe des substances nuisibles. Or on sait décontaminer une bouteille d’eau, pas un pot en polystyrène. »

Et quand on réussit à le recycler, le plastique se dégrade à chaque cycle. Jeter un pot de yaourt coûte donc moins cher que de le recycler. La pollution que cela engendre pour l’environnement est mal prise en compte, bien qu’elle génère des surcoûts dans les secteurs de la pêche, du commerce maritime, du tourisme.
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Ce coût n’est pas supporté – ou très partiellement – par les acteurs économiques qui tirent profit de la production et de l’utilisation du plastique.
10 fois plus cher à gérer qu’à produire
En France, les industriels paient une éco-contribution de 35 centimes par kilo d’emballage plastique. L’organisme Citeo la collecte (798 millions d’euros en 2020), puis en reverse une partie aux collectivités territoriales, qui elles-mêmes financent les filières de recyclage.
Or « la contribution des entreprises au financement du coût environnemental de leurs emballages est bien trop faible pour être efficace », estiment les économistes Matthieu Glachant et Simon Touboul, de Mines ParisTech. Selon leurs calculs, il faudrait la doubler car à ce jour, elle ne couvre que 62 % du coût réel de la pollution plastique engendrée, soit 900 millions d’euros non pris en charge. « L’État pourrait faire en sorte d’imposer une plus forte contribution, c’est un problème de rapport de force politique », note Jean De Beir, économiste à l’Université d’Évry.
En attendant, « la fragilité économique du recyclage empêche son développement. En Europe, le recyclage du plastique n’est pas encore rentable : une tonne de plastique coûte 924 euros à recycler alors que le plastique secondaire n’est vendu que 540 euros la tonne en moyenne », souligne l’organisation de protection de l’environnement WWF.

D’après un autre rapport publié en 2021 par cette organisation, « chaque kilo de plastique coûte 10 fois plus cher à gérer qu’à produire ». Pour la seule année 2019, la prise en charge du plastique produit dans le monde a coûté 3 700 milliards de dollars à la société, soit l’équivalent du PIB de l’Inde.
Et le pot en verre ?
Retour à nos pots de yaourts. Fin janvier 2022, sous l’impulsion de Syndifrais – l’organisation professionnelle française des fabricants de produits laitiers frais –, un consortium d’industriels dont Lactalis, Yoplait et Andros a annoncé s’engager à participer au financement de la création d’une filière de recyclage des emballages en polystyrène, à acheter de la matière recyclée et à réfléchir à des emballages éco-conçus. Sans donner d’objectifs chiffrés.
Interrogée à ce sujet, Sophie Génier, directrice Matériaux et recyclage chez Citeo, évoque « 50 à 100 millions d’euros d’investissement nécessaires ». De leur côté, de rares marques, dont Les 2 Vaches (groupe Danone) ont fait le choix d’une alternative au polystyrène et utilisent des pots en acide polylactique, un plastique biosourcé et biodégradable, compostable en conditions industrielles. « Mais ajouter ces pots au compost industriel exigera de rallonger la durée de celui-ci, prévient Enzo Muttini. Difficile, donc, de trouver des acteurs intéressés. »
Selon lui, la solution réside plutôt dans la bonne vieille consigne : utiliser des pots de yaourt en verre réutilisables. « Avec les enjeux environnementaux et le prix du pétrole qui n’est pas près de baisser, il devient intéressant de recourir au réemploi », estime-t-il.
Plus d’une soixantaine d’entreprises françaises sont impliquées dans ce réemploi. Contrairement à leurs ancêtres, elles peuvent aujourd’hui compter sur les outils numériques pour optimiser leur fonctionnement .